Faut-il privatiser en partie Hydro-Québec?
La discussion a cours depuis quelques jours, à la suite du rapport des experts Luc Godbout et Claude Montmarquette sur l'état des finances publiques.
Messieurs Godbout et Montmarquette ne disent pas qu'il faut absolument privatiser Hydro-Québec et la Société des alcools, mais avancent la possibilité de vendre une participation de 10% de chacune des entreprises au public, si jamais les choses se compliquaient.
On croyait personnellement que le gouvernement s'empresserait de mettre de côté cette avenue, mais Carlos Leitao nous a un peu surpris la semaine dernière en déclarant que la recommandation ne serait pas examinée pour le prochain budget, mais le serait au suivant.
Faut-il donc ou non, privatiser Hydro et la SAQ?
Les experts Yvan Allaire et Philippe Leblanc ont pris position sur Les Affaires cette semaine. L'un est contre, l'autre plutôt pour.
La réflexion financière de monsieur Allaire est particulièrement intéressante. Il établit la valeur des actions d'Hydro à 30 G$ et la valeur des actions de la SAQ à 20 G$ (à quelques nuances près).
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En vendant 10% de sa participation dans chacune des entités, Québec récolterait donc 5 G$. Sur ce 5G $, il épargnerait quelque chose comme 3,5% en taux d'intérêt, puisque c'est le taux 30 ans auquel la province empruntait en 2013.
Pendant ce temps, cependant, le trésor public perdrait 300 M$ de revenus annuels, soit un rendement de 6% (sur le 5 G$).
Un gain de 3,5% d'un côté contre une perte de 6% de l'autre. L'opération n'apparaît pas avantageuse.
Évidemment certains feront valoir que les taux d'intérêt (même 30 ans) remonteront un jour, et qu'il pourrait à ce moment être avantageux de liquider une partie de la participation.
L'écart demeure tout de même pour l'instant important, et il n'y a pas d'indication que la hausse sera forte sur un horizon 3-4 ans.
Sauf que...
Sauf que...
Le débat pourrait se terminer ici, mais Philippe Leblanc soulève aussi un bon point lorsqu'il indique que, dans le passé, des sociétés sorties du domaine de la couronne ont plutôt eu tendance à grimper en rentabilité. Peut-être pourrait-on n'avoir que 80-90% d'une entité, mais un 80-90% qui serait nettement plus payant que le 100% actuel.
Monsieur Leblanc cite notamment le CN, dont la restructuration a conduit à une croissance exponentielle. Il aurait aussi pu parler de Pétro-Canada.
L'argument ne résiste pas pour Hydro
Cet argument est difficilement applicable à Hydro-Québec. La difficulté est que la rentabilité d'Hydro ne doit pas qu'être mesurée uniquement à son bénéfice net.
On l'a récemment vu, la société d'État a dû revoir ses tarifs d'électricité à la baisse par rapport à une récente entente survenue avec Alcoa. Sans cette révision, le géant de l'aluminium menaçait de fermer ses usines au Québec.
Il peut se trouver dans l'avenir d'autres situations où Hydro-Québec devra choisir entre sa rentabilité et les retombées pour l'ensemble des citoyens de la province. Dans l'éventualité d'une privatisation partielle d'Hydro, les intérêts des citoyens ne seraient pas nécessairement alignés avec les intérêts des actionnaires minoritaires. Et il risquerait de survenir quelques complications juridiques et financières.
Dit autrement, Hydro pourrait peut-être en certaines situations faire plus d'argent, mais le gouvernement en faire moins au global (revenus d'impôts, de TVQ, etc.).
Cette situation semble moins vraie pour la SAQ, il est vrai. Elle n'a pas en effet le même impact de création d'emplois indirects de qualité que celui d'Hydro. On peut se demander cependant, si, en bout de piste, il ne serait pas plus facile de simplement continuer à resserrer, dans la mesure du possible, les objectifs de rentabilité des sociétés d'État.
Pour l'instant, la démonstration n'est pas faîte que la privatisation partielle des sociétés est avantageuse. C'est plutôt l'inverse, comme en fait foi le calcul de monsieur Allaire. Il est même possible que les agences de notation percevraient le geste négativement.
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