Quel est le meilleur choix entre TransCanada et Enbridge ? Pour l'écologiste, ni l'une ni l'autre. Pour celui qui croit que l'économie mondiale a besoin de nouvelles sources d'approvisionnement dans l'attente du développement d'énergies plus vertes, la question se pose néanmoins.
L'idée de comparer les deux titres nous est venue la semaine dernière, après une chronique sur le potentiel du transport pétrolier maritime.
Au Québec, les deux sociétés font beaucoup parler d'elles. TransCanada, en raison de son projet Énergie Est, qui consiste en la construction d'un nouveau pipeline devant transporter 1,1 million de barils de pétrole par jour de l'Ouest vers les raffineries de l'Est canadien. Enbridge, en raison de son projet d'inversion de la circulation du pétrole de sa ligne 9B afin de transporter vers les raffineries de l'Ontario et du Québec de 240 000 à 300 000 barils par jour.
Si l'on se fie au bruit médiatique, il est facile de penser que ces projets sont essentiels aux deux sociétés. Ils le sont en effet, mais de façon toute relative.
Le projet Énergie Est prévoit un investissement de 12 G$ et une entrée en service du pipeline en 2018. À l'horizon 2018, TransCanada a cependant une quinzaine d'autres projets à construire (dont Keystone XL aux États-Unis) qui, combinés à Énergie Est, représentent des investissements de près de 38 G$. Pendant ce temps, le projet d'inversion de la ligne 9 compte pour 3,2 G$ des 29,2 G$ de projets qu'Enbridge compte réaliser au cours des prochaines années.Le potentiel de TransCanada (TRP, 53,95 $)
L'action s'est beaucoup promenée ces dernières semaines, après que des actionnaires activistes ont pris position dans le titre. Le cours est parti du niveau des 50 $ qu'il occupait au début de l'été, pour dépasser les 61 $ et, récemment, retraiter à son cours actuel de 53 $.
La dernière chute semble notamment attribuable au projet Keystone XL, dont les coûts estimés seraient passés de 5,4 G$ à environ 10 G$, en raison des délais qui entourent l'approbation du projet. La rentabilité du pipeline est désormais nettement plus incertaine, et plusieurs analystes estiment qu'il ne se fera pas.
Une éventuelle mise en veilleuse pourrait cependant ne pas être une si mauvaise nouvelle.
Les activistes pourraient en effet tenter de forcer la société à hausser les sommes d'argent qu'elle retourne à ses actionnaires.
Parce qu'elle a devant elle d'importants investissements à réaliser, la direction de l'entreprise a une politique de dividende plus prudente que ses pairs. Elle retourne aux actionnaires de 30 % à 40 % des fonds qu'elle tire de ses activités, alors que la moyenne du secteur est plutôt de 57 %.En modélisant un ratio de 50 %, l'analyste Paul Lechem, de CIBC Marchés des capitaux, en vient à la conclusion que le dividende versé en 2015 grimperait de 2,07 $ par action à 2,84 $. À un rendement de dividende équivalent aux sociétés comparables (3,6 %), cela placerait le titre à 79 $. Un bond de plus de 45 % en incluant le dividende.
M. Lechem ne croit cependant pas que la direction soit prête à aller aussi loin. Ce serait mettre le financement des projets trop à risque, même si Keystone XL ne devait pas se faire. Cela dit, les activistes pourraient bien la forcer à augmenter davantage son dividende. En postulant une hausse de 8 % par année à l'horizon 2017, et en actualisant son résultat à la valeur d'aujourd'hui, il estime que le titre pourrait valoir, à la fin de 2015, autour de 63 $, avec en plus un dividende de 3,4 %. C'est un rendement de plus de 15 % sur un an.
Enbridge (ENB, 51,84 $)
Le scénario est aussi intéressant chez Enbridge.
La direction s'attend à ce que la réalisation de ses différents projets permette à la société d'afficher une croissance des fonds en provenance des opérations de 25 % par année jusqu'en 2018. Cette croissance devrait lui permettre d'augmenter son dividende (1,40 $ par action, 2,6 %) de 10 % à 12 % par année. On le voit, tout comme TransCanada, Enbridge entend conserver une partie de l'augmentation des flux qu'elle recevra pour financer ses projets d'expansion.
Patrick Kenny, de la Financière Banque Nationale, indique qu'en appliquant un multiple prudent de 12 aux fonds en provenance des opérations (le secteur est à 13) pour la prévision de 2018, le titre pourrait se négocier dans trois ans à 75 $. En tenant compte du dividende, c'est un rendement potentiel de plus de 50 % sur trois ans, ou autour de 15 % annuellement.Lequel choisir ?
Le potentiel à long terme d'Enbridge semble plus intéressant. La plupart de ses projets sont dans l'Ouest, où l'acceptabilité sociale est meilleure. À l'inverse, le projet Énergie Est pèse quand même assez lourdement dans le potentiel de TransCanada, et sa réalisation risque de ne pas être aussi simple que prévu.
On choisirait donc Enbridge. Avec à l'esprit qu'il y a quand même un risque d'exécution assez significatif.
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Source : Bloomberg