Spectaculaire aubaine ou dangereuse situation de manipulation comptable ? Le débat fait rage sur les marchés depuis quelques semaines au sujet de Green Mountain Coffee (GMCR, 49,66$ US), la société mère de Van Houtte.
Au début de l'automne, le titre de Green Mountain dépassait les 100 $ US. Il a depuis coupé en deux.
À la source de la chute, une sortie du gestionnaire de fonds de couverture David Einhorn, qui soulève d'importantes interrogations sur le marché qui s'ouvre devant elle et, plus préoccupant encore, sur la véracité de ses états financiers. M. Einhorn n'est pas sans crédibilité. Par ses recherches, il a notamment parié sur l'effondrement de Lehman Brothers.
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Pourtant, des analystes estiment que le titre est plutôt en situation d'aubaine et que tout cela n'est qu'une tempête dans un verre d'eau.
Voyons-y de plus près.
L'ARGUMENTAIRE D'EINHORN
À première vue, tout est prometteur
Green Mountain est le fabricant des cafetières Keurig, des percolateurs qui utilisent des capsules de café baptisées K-Cups, de plus en plus recherchées par les amateurs de café. Il y a de la concurrence - Tassimo, Senseo et Nestlé -, mais la société est de loin en position de tête. Elle fait peu d'argent sur les ventes de percolateur, mais beaucoup sur celles des capsules. Un peu comme les sociétés de rasoir.
À ce jour, dit le controversé gestionnaire, Green Mountain surfait sur un élan de résultats et d'optimisme (fort multiple en Bourse).
Le raisonnement des «bulls» allait ainsi. Près de 64 millions de ménages nord-américains consomment quotidiennement plus de deux cafés par jour. Ultimement, Green Mountain finira par pénétrer le tiers de ce marché. C'est 21 millions de ménages qui consommeront chaque jour des capsules. Or, il n'y a actuellement que 7,5 millions de cafetières Keurig installées. Il existe donc un espace de croissance qui permettrait de quadrupler au moins les résultats actuels. D'autant que l'on a récemment signé des ententes de licences avec Starbucks et Dunkin' Donuts qui stimuleront l'intérêt et les ventes.
Profit espéré à terme sous ce scénario : de 8 à 10 $ US par action.
Mais la réalité pourrait être différente
Mais la réalité pourrait être différente
David Einhorn note cependant que deux brevets importants sur les cafetières Keurig sont sur le point de venir à échéance. Le 16 septembre 2012, le paysage concurrentiel pourrait bien changer significativement.
À son avis, ce n'est pas pour rien que Green Mountain a acheté Van Houtte. À compter de cette date ou un peu plus tard, la société québécoise aurait pu produire ses propres capsules K-Cups, sans devoir verser des redevances.
La société américaine a pu se protéger de Van Houtte, mais d'autres lorgnent le produit. La plupart des détaillants américains (Kroger, Safeway, Super Value, HEB et Costco) ont déjà indiqué qu'ils seraient intéressés à introduire des K-Cups de marque privée dès qu'un manufacturier pourra les leur produire. Sturm pourrait, dit M. Einhorn, entrer en production avec un minimum d'investissements en capital. Et les concurrents Maxwell House et Sara Lee pourraient emboîter le pas.
Green Mountain s'apprête à présenter une nouvelle génération de cafetières, qu'elle pourrait breveter jusqu'en 2021, tout en maintenant ses prototypes actuels. Cela n'empêchera pas la concurrence de s'installer.
En prenant en compte plusieurs autres facteurs, le gestionnaire en arrive à la conclusion que le bénéfice par action espéré à terme, lorsque GMCR sera à maturité dans son marché, est, non pas de 8 à 10 $, mais plutôt de 3,50 $.
D'autant que les états financiers ne sont pas clairs
S'ajoute à ces considérations une troublante enquête terrain auprès d'anciens employés qui laisse entendre que les résultats de l'entreprise pourraient ne pas être ceux qui sont rapportés. Le gestionnaire cite une entité responsable de la gestion des commandes (M. Block & Sons) qui aurait plutôt acheté des stocks de café. Et des inventaires qui se promèneraient d'un endroit à l'autre pour masquer leur réelle hauteur aux vérificateurs.
La tuile et l'optimisme
Mauvais synchronisme, Green Mountain rapportait il y a quelques jours que ses inventaires avaient, contre toute attente, fortement grimpé au cours du dernier trimestre. De quoi alimenter la thèse d'Einhorn.
La direction se défend cependant, et des analystes sont prêts à la suivre. Scott Van Winkle, de Canaccord Genuity, a par exemple toujours une recommandation d'achat, avec une cible à 94 $ US.
Les explications de l'analyste ?
Ce ne sera pas si facile pour la concurrence de s'installer. Starbucks et Dunkin' Donuts, qui sont sur le point de faire grimper les ventes, ne vont pas se retirer demain matin.
Quant aux inventaires, ils ont fortement grimpé, parce que Green Mountain avait annoncé une augmentation de prix ; les épiciers avaient accumulé d'importants stocks pour éviter celle-ci pendant un certain temps.
En réalité, poursuit-il, nous sommes dans une situation quasi surréaliste où les ventes de K-Cups sont sur le point d'exploser. La preuve en est que les expéditions de percolateurs Keurig ont augmenté de plus de 70 % au quatrième trimestre. Une situation similaire était survenue avec Hansen Natural en mai 2010. Le titre avait alors fléchi de 45 $ à 25 $. Il est aujourd'hui à... 85 $ !
Qui suivre ? À chacun de juger.
DANS LE DÉTAIL
SUR LE RADAR
GREEN MOUTAIN
(GMCR, 49,66 $ US)
Données de marché
SYMBOLE GMCR
Prix actuel 50,45 $ US
Variation 52 sem. 29,55 à 115,98 $ US
Dividende 0 $
Valeur boursière 7,361 G$ US
Prévisions de bénéfice par action ($ US)
ANNÉE / 2011 / 2012
30 sept. / 2,55 $ / 3,67 $
T1 / 0,37 $ / 0,56 $
T2 / 0,74 $ / 1,15 $
T3 / 0,74 $ / 1,07 $
T4 / 0,71 $ / 1,04 $
Recommandation des analystes
Achat 5
Surperformance 4
Conserver 2
Sous-performe 0
Vendre 1
Cible des analystes
Moyenne 96,55 $ US
Plus élevée 125 $
Plus basse 62 $
Sources : Thomson Reuters, Bloomberg
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