On peut analyser à la particule près les différents programmes économiques des partis politiques.
L'un a pensé à ceci, l'autre a pensé à cela.
Au final, un constat se dégage cependant : le programme du Parti libéral du Canada (PLC) est celui dont la couverture est la plus étendue, et ce, en matière de stimulation économique, de financement des services et de particuliers bénéficiant de remboursements d'impôt.
Si votre ménage (pas l'individu) gagne 150 000 $ et plus, il est probable que, fiscalement, vous ayez intérêt à voter pour le Parti conservateur. Mais la majorité des ménages fait moins que cela, et l'offre de réduction d'impôt et d'allocations familiales du PLC est, sous ce seuil, généralement plus intéressante.
Vous voulez parler d'investissements dans les infrastructures publiques et de stimulation ? Le PLC double pratiquement ce qui est prévu au dernier budget conservateur (près de 10 milliards de dollars par an dans les premières années). Seul le Bloc a une proposition équivalente.
Le financement du transport en commun, alors ? Le PLC bat tout le monde par plusieurs longueurs, malgré un effort senti du NPD.
Le logement social ? Nouvelle victoire. Les baisses d'impôt aux PME ? Il peut y avoir discussion sur qui donne le plus en raison de la proposition conservatrice sur l'assurance- emploi, mais le positionnement est bon.
Comment les libéraux réussissent-ils pareil tour de force ?
Évidemment : les déficits. Ceux-ci durent trois années et on revient à l'équilibre à la quatrième. Sans être démesurés, ils ne sont pas non plus négligeables et atteignent 10 G$ les deux premières années.
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L'approche est défendable. Le fédéral n'est pas aujourd'hui dans la même situation que bien des provinces. Son niveau d'endettement est relativement faible. Il existe pendant ce temps une école de pensée économique qui soutient qu'un gouvernement qui communique qu'il est clairement prêt à investir, quitte à encaisser des déficits pendant quelques années, verra son économie rebondir. La théorie veut que les entreprises l'accompagneront. Elles sauront qu'il n'arrêtera pas de dépenser demain matin et se mettront elles-mêmes en mode investissement, parce qu'il y a plus de certitude à l'horizon quant à leur capacité à récupérer leur investissement.
Il faut cependant que ces déficits soient temporaires, par opposition à structurels. Des déficits structurels qui s'accumulent, même s'ils sont d'une ampleur mesurée, finissent avec le temps par déboucher sur d'importants problèmes. Les finances du Québec en témoignent.
Celui des libéraux est-il temporaire ?
Jetons-y un oeil.
Une partie des nouveaux engagements est financée par une hausse de l'impôt des 1 % les plus riches et l'annulation du fractionnement du revenu conservateur (sauf pour les personnes âgées). L'essentiel du financement des promesses s'appuie cependant sur un chiffre auquel bien peu de gens avaient porté attention lors du dernier budget : un surplus prévu de 7,8 G$ en 2019-2020. C'est ce surplus anticipé qui est utilisé pour renflouer une bonne partie du déficit de 10 G$ de l'an 1 et 2. Le reste du renflouement nécessaire repose sur une opération de révision des dépenses fiscales, où le PLC est confiant d'aller chercher 3 G$.
Deux choses doivent donc être examinées pour apprécier la nature temporaire ou non des déficits.
Du côté de la révision des dépenses fiscales, on sait déjà qu'il est probable que les options des membres de la haute direction seront imposées à 100 % plutôt qu'à 50 %, qu'on aura moins recours à la consultation externe et qu'on s'attaquera davantage à l'évitement fiscal. Suffisant pour aller chercher 3 G$ ?
Deuxième point d'interrogation : pour que le 7,8 G$ de surplus prévu au dernier budget se présente en 2019-2020, il faut que la croissance économique soit là sur toute la période (1 % en 2015-2016 ; 2,7 % en 2016-2017 ; 2,4 % en 2017-2018 ; 2,2 % en 2018-2019 ; et 2,2 % en 2019-2020). Un recul économique à un moment, et plus rien ne tient. Le déficit devient presque assurément structurel. Si la croissance n'est pas celle prévue, il faudra alors rehausser les impôts ou encore diminuer des avantages.
On est personnellement de l'école qui préfère gagner ses surplus (ou à tout le moins les voir bien en vue) avant de les dépenser ou de les retourner à ses commettants. C'est à cette école que logent aussi les conservateurs et les néo-démocrates (c'est moins clair du côté du Bloc, qui livrerait des déficits appréciables s'il adoptait la même méthode comptable que le PLC pour les infrastructures).
Un doute, donc. Mais il est possible que la proposition fonctionne et que, si elle échoue, les dommages ne soient pas si terribles.
À chacun de jongler avec cette question, qui est l'une des plus importantes de la campagne, et sur laquelle il n'y a malheureusement eu que peu de discussions.
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