BLOGUE. Pas facile, la vie de prophète. Voici venu le moment de l'année qu'on aime le moins. Celui où il faut rendre des comptes sur celle qui s'achève et se prononcer sur l'année qui vient.
L'investisseur sérieux ne fonctionne jamais à court terme. Il recherche plutôt une société dont l'évaluation est bon marché, qui affiche un potentiel de croissance incertain sur un an, mais quasi assuré sur cinq ans. Il colle ensuite à son pari, en sachant que le titre pourrait reculer au cours des deux premières années, mais qu'à moyen et long termes, il sera à un niveau nettement plus élevé.
Jouons quand même au jeu du court terme.
D'abord, un retour sur la prophétie 2013.
Ce qu'on avait prédit
Aux États-Unis, le consensus de Bloomberg prévoyait une progression des bénéfices de 10,2 % en 2013. Au Canada, le pronostic était d'une croissance de 16,3 %.
Nous n'étions pas d'accord sur les scénarios. Nettement trop optimistes pour le climat économique de l'époque à nos yeux.
On avait plutôt choisi d'opter pour une croissance des bénéfices de 6 %, à la fois pour le S&P 500 (108 $ US) et pour le S&P/TSX (860 $).
La décision a été judicieuse. Tandis que nous sommes dans le dernier droit de l'année, les prévisionnistes s'attendent à ce que les bénéfices du S&P 500 varient de 108 $ à 110 $ US. C'est pile sur ce qu'on avait prévu. Les bénéfices du TSX devraient de leur côté se situer à 848 $, également pile sur la prévision.
Belle performance du prophète, sortons le champagne !
Pas tout à fait. Il avait aussi annoncé que l'indice S&P 500 allait avancer de 6 % et que l'indice TSX demeurerait stable. Le S&P 500 est plutôt en route pour un rendement de plus de 25 %, tandis que le S&P/TSX enregistrera un rendement d'environ 5 % à 6 %.
Comment expliquer que l'on soit pile sur les bénéfices, et si loin du résultat, particulièrement aux États-Unis ?
La confiance. Le S&P se négocie actuellement à un multiple de 16,2 fois les bénéfices de 2013, le TSX, à 15,6 fois. On avait plutôt choisi de retenir un multiple de 14.
La confiance des investisseurs dans l'avenir est nettement supérieure à ce qu'on avait prévu.
De meilleures perspectives
Ce qui nous amène à la prophétie 2014.
Le consensus des analystes est actuellement pour une progression des bénéfices de 10,5 % en 2014 aux États-Unis (122 $ US) et de 13 % au Canada (959 $ CA).
Les perspectives économiques sont nettement meilleures qu'à pareille date l'an dernier, et il ne serait pas étonnant de voir la croissance des bénéfices s'accélérer cette année. Contrairement à l'an dernier, nous sommes assez à l'aise avec le consensus de 10,5 % de croissance aux États-Unis.
Un peu moins cependant avec celui au Canada. Il serait étonnant que le pays puisse afficher une croissance des bénéfices supérieure à celle des États-Unis, car c'est l'économie américaine qui permettra surtout à l'économie canadienne d'avancer. Il faut que ça carbure chez l'oncle Sam avant de carburer ici. On opterait davantage pour une croissance des bénéfices de 8 %.
Cela veut dire un bénéfice 2014 qui devrait se situer à environ 122 $ US pour le S&P 500 et à 915 $ CA pour le TSX.
Il reste maintenant à choisir le multiple à accoler à chacune des prévisions. Périlleuse opération pour la réputation du prophète, comme on l'a vu.
Historiquement, le marché s'est en moyenne négocié à 15 fois les bénéfices. Il est actuellement à 16 fois. Les investisseurs sont donc plus optimistes qu'en moyenne dans l'histoire. Notre sentiment est que ce niveau supérieur d'optimisme sera encore présent lorsque tournera la dernière page du calendrier 2014. Les taux d'intérêt ne devraient pas remonter de manière effrénée. Si les autorités monétaires décident de resserrer les conditions de crédit, c'est que la croissance économique sera sur une bonne lancée et que l'on agira pour prévenir un enraiement en 2015. On pousserait même le multiple à 16,5 fois.
À 16,5 fois le bénéfice de 2014 (122 $ US), le S&P 500 devrait se négocier à environ 2 015 points. C'est une croissance de 12 % pour 2014. Histoire de se donner un peu de jeu, on dirait donc que la Bourse américaine pourrait avancer de 10 % à 12 %.
Au Canada, on opterait aussi pour un multiple de 16,5. Les bénéfices grimperont moins vite, c'est vrai. Mais, en fin d'année, le marché regardera 2015 et se dira qu'avec la croissance économique que viennent de connaître les Américains, celle du Canada ne peut que s'accélérer. Résultat des courses : un TSX à 15 100 points, en hausse de 13 % à 14 %.
Comment expliquer que la Bourse canadienne avancera plus que celle des États-Unis, tandis que ses profits augmenteront moins vite ? Simplement parce que le multiple d'évaluation canadien grimpera davantage que le multiple américain par rapport à leur niveau d'aujourd'hui.
Encore ce ratoureux de multiple, ennemi numéro un des prophètes.