Les résultats trimestriels et la conférence téléphonique de Bombardier étaient grandement attendus par la communauté financière, jeudi. Qu'en retenir, et qu'est-ce à dire pour la valeur du titre?
C'est confirmé, les avions d'affaires Global 7000 et 8000 ne seront pas mis en service selon l'échéancier prévu. Le 7000 devait entrer en service en 2016, ce sera plutôt en 2018. Certains se demandaient si on ne cherchait pas à ralentir son développement parce que les liquidités étaient trop serrées: ça ne semble pas le cas. La direction parle plutôt de retards dans l'avancement du projet.
Comme il ne s'agit pas d'un ralentissement pour préserver les liquidités, le report veut aussi dire que le programme de développement coûtera plus cher et demandera plus de liquidités.
La situation des liquidités
La question a de nouveau soulevé un certain nombre d'interrogations au cours de l'appel. C'est que Bombardier a brûlé significativement plus d'argent que ce qui était anticipé par la plupart des analystes pour le trimestre. La société a consommé 808 M$ US, alors que, à titre comparatif, BMO Marchés des capitaux attendait une consommation de 358 M$ US et Financière Banque Nationale de 649 M$.
SUIVRE SUR TWITTER: F_POULIOT
La direction explique la recrudescence par un nombre de commandes d'avions d'affaires plus faibles, ce qui fait qu'elle a reçu moins d'avances de clients. Elle a aussi parlé d'un taux d'imposition plus élevé.
Inquiétant?
Certainement pas rassurant.
On verra un peu mieux dans trois mois. Les dirigeants soulignent que la demande pour les avions d'affaires est plus intéressante pour le trimestre en cours, ce qui laisse entendre que les choses pourraient se replacer.
À sa dernière conférence téléphonique avant sa retraite, le chef de la direction financière, Pierre Alary, a aussi présenté les choses de manière rassurante.
Bombardier a actuellement 3,1 G$ US de liquidités et a pour objectif de les maintenir à 3 G$ pour la fin de l'exercice 2015. C'est le niveau de confort qu'elle a toujours dit rechercher lorsqu'elle avait des investissements de 2 G$ par année (CSeries, Global, etc.). Comme le développement du CSeries sera terminé en 2016, les investissements devraient nettement baisser.
Certains diront qu'il a fallu que de l'argent soit remis dans le pot pour que les liquidités soient aujourd'hui à 3,1 G$ US. Mais bon, le portrait reste meilleur qu'auparavant. La question des liquidités restera dans les esprits dans les prochains mois, mais ne sera vraisemblablement pas à l'avant plan.
La grande question: quand le CSeries sera-t-il rentable?
La grande question: quand le CSeries sera-t-il rentable?
La grande question qui devrait bientôt être davantage discutée est celle de la rentabilité du CSeries. Une bonne partie des dépenses de développement ont été capitalisées et vont s'amener aux états financiers à compter de 2016. Parce que les coûts de développement ont notamment été nettement plus élevés que prévu, ça ne regarde pas bien pour la rentabilité.
On a tenté d'en savoir plus lors de l'appel conférence.
Alain Bellemare a reconnu que le CSeries allait peser sur la rentabilité à compter de 2016, mais n'a pas voulu s'avancer sur ce que serait cette rentabilité.
Bombardier est engagée dans une opération de révision de tous ses programmes et de ses postes budgétaires et veut augmenter sa rentabilité sur un horizon de trois à cinq ans. Beaucoup de choses sont sur la table: les achats, les façons de travailler, les niveaux d'inventaires, le fonds de roulement, etc. Une question a été posée sur d'éventuels nouveaux licenciements d'effectif, la réponse a été que c'était prématuré.
Sur la rentabilité du CSeries, monsieur Bellemare a parlé d'une courbe d'apprentissage qui s'étendrait sur trois à cinq ans. Cet apprentissage devrait permettre de réduire les coûts de production, notamment en modifiant des pièces et des méthodes de travail.
Il ne s'est pas avancé lorsqu'on lui a demandé combien de CSeries seraient assemblés à perte et pendant combien de temps.
Il a cependant précisé que "la courbe d'apprentissage permettrait d'atteindre l'objectif de coût de production".
À quel "objectif de coût de production" faisait-il référence? Celui du plan d'affaires initial ou un nouvel objectif avec bonne rentabilité? On ne sait trop. Si c'est celui du plan d'affaires initial, les pertes des deux prochaines années attribuables au CSeries risquent d'être très lourdes.
Il n'est pas clair non plus si M. Bellemare parlait des coûts de production avant ou après l'ajout des coûts de développement passé (qui ont été capitalisés et qui reviennent).
Même dans l'hypothèse la plus favorable, un important effort de contribution semble être nécessaire pour contrebalancer le poids qu'aura le CSeries sur la rentabilité de Bombardier en 2016 et 2017.
Il est vrai que les objectifs du plan d'amélioration de la rentabilité de Bombardier sont importants. Alain Bellemare a en outre parlé de marges bénéficiaires de 5-6% dans les avions d'affaires alors que la concurrence est à deux ou trois fois ces marges. Les avions d'affaires sont la vache à lait de la division aéronautique et simplement les doubler aurait un effet significatif sur sa rentabilité et sa valeur.
Il faudra cependant là aussi vraisemblablement quelques années pour y parvenir.
En attendant, les bénéfices de Bombardier semblent inéluctablement devoir significativement reculer en 2016 et 2017 par rapport à aujourd'hui. Le consensus voit le bénéfice par action reculer de 0,23$ US par action pour 2015, à 0,15$ US en 2016 et à 0,12$ US en 2017. À la lumière des dernières révisions de certains courtiers, les consensus 2016 et 2017 pourraient être encore trop élevés.
Combien devrait valoir Bombardier?
Difficile à dire. Les consensus sont trop incertains. Si le plan réussit, nettement plus qu'aujourd'hui dans quelques années. Il y a cependant un désert à traverser. La caravane part avec une ferme détermination, il faudra voir les résultats.
SUIVRE SUR TWITTER: F_POULIOT