Quelques heures après des entrevues successives avec le nouveau président du Fonds de solidarité FTQ, Gaétan Morin, et le nouveau ministre de l'Économie, Jacques Daoust, deux images caricaturales nous sont venues à l'esprit.
La première représente M. Morin qui bataille avec le ministre fédéral des Finances, Joe Oliver, pour tenter de maintenir une valve ouverte, alors que des surplus de capitaux sont sur le point de déborder de son bassin d'approvisionnement.
La deuxième évoque le ministre Daoust en train de serrer la valve de l'appui public aux entreprises du Québec, une opération futile puisque le niveau de son bassin d'approvisionnement est trop bas pour l'alimenter...
Ottawa bouge par philosophie, Québec bouge par nécessité.
Ne nous y trompons cependant pas. Même si le programme du PLQ ne prévoyait pas de telles coupes et que l'état des finances publiques semble être ce qui pousse le gouvernement, le ministre, lui, bouge aussi par philosophie.
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Des citations comme «il faut que les subventions cessent d'être la norme et deviennent l'exception», ou encore, «donner des subventions à des gens qui n'en demandent pas [à propos du projet des gazelles du PQ], ça ne marche pas», sont une illustration que M. Daoust trouve également que l'État est trop engagé. Un engagement qui coûte cher.
À long terme, croit-il, avec des entreprises qui se soutiendraient mieux par elles-mêmes, l'économie du Québec pourrait obtenir d'aussi bons résultats, sinon de meilleurs.
Le ministre n'est pas contre l'interventionnisme de l'État. Il le veut cependant mieux ciblé. Dans le multimédia, il citera en exemple l'Ontario, qui a promis des subventions importantes à Ubisoft si elle lui créait 800 emplois. L'Ontario a su se donner une masse critique dans ce secteur qui, par phénomène de grappes, peut désormais créer nombre d'emplois, sans que la province ait à subventionner l'industrie au grand complet.
De telles interventions ciblées, il y en aura encore. De même que de l'accompagnement pour le développement de produits qui répondent à un besoin (et non de produits auxquels on tente de trouver un besoin).La récréation est terminée
Au final, il restera cependant moins d'argent pour l'aide aux entreprises.
Le gouvernement vient de signaler ce que certains qualifieront sans doute de fin du plat de bonbons.
Sur l'opération, peu à redire.
Il est vrai que certaines interventions de l'État font parfois sourciller et demandent une révision.
L'interrogation est plutôt sur la vitesse du retrait.
En 2014-2015, il était prévu que l'aide fiscale aux entreprises (crédits d'impôt et autres mesures) coûterait un peu plus de 2,3 milliards de dollars au trésor québécois. Le dernier budget est venu faire une ponction d'une centaine de millions de dollars. Les critiques ont été contenues dans le milieu des affaires, parce que personne n'a réellement encore senti l'effet.
Les documents budgétaires prévoient toutefois que la ponction atteindra près de 500 M$ par année d'ici deux ans. C'est une réduction de 20 % de l'aide directe de l'État aux entreprises.
S'ajoutent à ces compressions, 650 M$ de dépenses fiscales à être déterminées par la Commission d'examen sur la fiscalité québécoise. Vrai, le retrait de ces autres crédits d'impôt pourrait ne pas toucher uniquement les entreprises, mais il risque éventuellement d'avoir un effet sur deux rouages importants : le consommateur et l'investisseur.
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Et l'on ne parle pas ici de la baisse des investissements en capital du gouvernement, puisque Québec entend aussi restreindre ses sauvetages d'entreprises. Ni de l'éventuelle baisse des investissements du Fonds de solidarité qui, en perdant son crédit fédéral, pourrait voir ses injections annuelles en capital de développement fondre de moitié (de plus de 500 M$ à 250 M$).
Ce n'est pas une situation qui facilitera l'installation de l'humeur d'expansion tant recherchée. On comprend mieux pourquoi le ministre des Finances, Carlos Leitao, jonglait récemment avec l'idée d'utiliser une partie du champ fiscal que libérerait Ottawa pour en retourner une partie en baisses d'impôt aux entreprises.
La fin du plat de bonbons amènera assurément des épargnes, mais, de façon transitoire, elle pourrait aussi porter un coup au PIB du Québec et aux revenus du trésor.
Heureusement que le réservoir fédéral donne des signes de débordement.
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