Les années se suivent et se ressemblent pour la Caisse de dépôt et placement du Québec. En 2015, elle a de nouveau réalisé une solide performance, qui bat à peu près tout le monde sur le marché. Celle-ci peut-elle se poursuivre?
L'an dernier, la Caisse a réalisé un rendement sur ses placements de 9,1%. Sur quatre ans, la performance s'élève à 10,9%.
Bon, pas bon? On aime bien analyser la performance à travers deux filtres.
Ça passe bien sous le test 1
Le premier test est de comparer les résultats obtenus avec le portefeuille de référence de la Caisse. L'institution présente ses rendements par rapport à des indices pour chacune des catégories d'actifs dans lesquelles elle investit (actions canadiennes, US, obligations, etc.). C'est ce qu'on appelle le portefeuille de référence. Elle souhaite évidemment le battre à long terme.
La performance de 10,9% de la Caisse sur quatre ans se compare à une performance de 10% du portefeuille de référence. Sur un an la performance de la Caisse est encore plus impressionnante alors que son rendement de 9,1% bat à plate couture le repère qui est à 6,7%.
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C'est sur la performance quatre ans qu'il faut rester focalisé, l'investissement étant une science qui se juge à long terme. Notons que, sur quatre ans, l'écart de performance avec l'indice a permis de créer 8 G$ de plus pour les déposants que si leur argent avait été uniquement investi dans les indices de référence.
Test 1 réussit. Passons au test 2.
Ça passe aussi sous le test 2
Le test 1 n'est malheureusement pas suffisant à nos yeux pour évaluer correctement la performance de la Caisse. Les indices qu'elle a choisis comme étalons sont souvent imprécis. Ils peuvent être parfois trop exigeants, parfois pas assez. Un exemple: en immobilier, avant de liquider la plupart de ses participations hôtelières, l'institution était assez présente dans le secteur, mais l'indice n'avait aucune représentation.
C'est pourquoi on aime bien utiliser un autre test de performance: celui du régime des rentes du Québec. On met de côté tous les portefeuilles et indices et l'on regarde simplement la performance du RRQ par rapport à celle des autres caisses de retraite.
Idéalement, on devrait comparer cette performance sur quatre ans avec les grandes caisses de retraite comme Omers et Teachers. Malheureusement, souvent les exercices financiers de ces grands régimes courent sur des périodes différentes (31 mars ou autres dates). Souvent aussi la performance est livrée sur des horizons différents (cinq ans plutôt que quatre).
Si bien que l'on n'est jamais vraiment capable d'avoir une appréciation de performance précise par rapport aux pairs.
Il reste donc la performance des caisses de retraite dans leur ensemble. RBC Services aux investisseurs rapporte que la performance médiane des caisses canadiennes sur quatre ans est de 10,59%. Celle du régime des rentes est à 12,2%. La performance du régime des rentes est dans le premier quartile. Sur un an, la performance fait encore plus cligner des yeux, alors que le régime des rentes fait 9,1% contre un rendement médian des autres caisses à 5,4%.
Évidemment, comme on le répète à chaque fois, on ne parle pas du tout du même coffre à outils. Plusieurs caisses de retraite traditionnelles n'ont pas accès à des placements immobiliers ou d'infrastructures de nature privée. L'écart permet néanmoins de voir que l'existence de la Caisse permet de bonifier significativement le rendement.
La Caisse peut-elle continuer à surpasser tout le monde?
La Caisse peut-elle continuer à surpasser tout le monde?
Assez paradoxalement, sur un horizon de 2 ou 3 ans, si l'économie prend du mieux, il se pourrait que la force de la performance par rapport aux repères diminue.
La stratégie de la Caisse fait en effet en sorte qu'elle joue de plus en plus l'actif de qualité, plutôt que le momentum. Ces actifs ont tendance à faire mieux que le marché lorsque celui-ci devient maussade. Les investisseurs se réfugient dans la qualité et parce que tout le monde y accourt, les prix montent. Lorsque l'économie s'emballe cependant, ces actifs sont délaissés et les capitaux se dirigent vers les sociétés plus cycliques. Dans les années 2000, Warren Buffett avait fait face à un problème apparenté lorsque le secteur de la technologie s'est enflammé. Les placements de qualité de Berkshire ont moins bien fait que le marché et certains ne se sont pas gênés pour attaquer l'Oracle.
La Caisse est particulièrement exposée au phénomène en raison de son portefeuille Actions Qualité mondiale, qui investit dans de grandes sociétés partout dans le monde. Son rendement de 24% par année depuis trois ans est nettement supérieur à celui de l'indice de référence (17,3%) et à sa face même insoutenable. Ce portefeuille pèse actuellement pour 15% de l'actif de l'institution. Le portefeuille immobilier est dans la même situation et pèse pour 11%.
Advenant embellie de l'économie, on ne dit pas que la performance de la Caisse passerait nécessairement sous celle de son portefeuille de référence, et que le régime des rentes afficherait assurément un rendement inférieur à celui des autres caisses de retraite. Mais une année ou deux de sous-performance par rapport aux repères est un scénario qui ne peut pas non plus être écarté.
Cela dit, une embellie ne serait pas mal accueillie par la Caisse. Même si sa performance par rapport aux tiers devait être affectée, ses rendements seraient portés par le cycle et demeureraient intéressants aux yeux du public.
À plus long terme (10 ans), la stratégie mise en place depuis quelques années apparaît pendant ce temps fort prometteuse. L'institution mondialise son bassin d'investissement pour aller là où se trouvent de plus fortes croissance, mais avec prudence, et uniquement avec des partenaires de haut niveau. Elle migre davantage d'argent vers des actifs non cotés en bourse dont elle peut améliorer la rentabilité en agissant comme exploitante (le projet de SLR est un exemple). Elle cherche aussi à amener plus d'entreprises québécoises à l'international et à construire avec elles.
Si l'exécution est à l'image de celle des dernières années, sur cet horizon de 10 ans, oui, la Caisse devrait continuer à surpasser à peu près tout le monde.
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