Est-ce le moment de réduire son exposition au marché boursier ou de l'augmenter ?
Lors de la publication des résultats du premier semestre 2014, le 15 août, le grand patron de la Caisse de dépôt et placement du Québec, Michael Sabia, a pris bien soin de prévenir les déposants et le public. «Nous avons un rendement de 6,7 % à mi-année, il peut être tentant de multiplier par deux le rendement pour l'année, mais je ne pense pas que ça arrive», a-t-il dit.
La Chine et les pays émergents demeurent intéressants à long terme, mais perdent de l'élan à court terme. Il y a des troubles en Irak, en Syrie, en Libye, en Ukraine : le risque géopolitique est élevé. Les marchés boursiers ont le vent dans les voiles depuis 2009, ce qui commence à faire une bonne période de temps, a entre autres fait valoir M. Sabia.
Le président de la Caisse a entre autres noté que les prévisionnistes s'attendent à des rendements de 5 % à 7 % dans les années à venir, ce qui est loin des progressions à deux chiffres auxquelles on a assisté ces dernières années.
Il n'est pas le seul à douter.
Certains ont le doute encore plus important.
Dans une note récente, la firme Natixis Capital parle de 2015 comme une possible «grande désillusion». «On peut craindre une correction importante des marchés des actions, si les investisseurs se mettent à anticiper que 2015 ne sera pas une bonne année», écrit l'analyste Patrick Artus.
Or, la chose pourrait bien à son avis se produire pour plusieurs raisons :
> La croissance de la Chine n'est plus stimulée par les exportations, mais par l'investissement en construction (34 % du PIB). Et l'évolution des prix de l'immobilier en Chine montre qu'il y a déjà excès de production dans la construction.
> L'assouplissement quantitatif au Japon et au Royaume-Uni a soutenu la demande intérieure, grâce à l'effet de richesse créé par la hausse des prix des actifs. Mais les effets de richesse sont des phénomènes transitoires et temporaires, et on voit déjà que les cours boursiers n'augmentent plus.
> La croissance ralentit dans plusieurs pays émergents. Il y a des goulots d'étranglement (travail qualifié, énergie, insuffisance des infrastructures de transport) qui empêchent la production manufacturière de progresser, et ces goulots prendront du temps à se régler.
> La croissance des États-Unis est toujours au ralenti, parce que le partage des revenus en faveur des entreprises fait stagner les salaires, et parce que les taux d'intérêt sont déjà à des bas excessifs qui provoquent la stagnation de l'investissement résidentiel.
Une autre façon de voir
Une autre raison de douter réside dans les multiples auxquels se négocie actuellement le marché américain.
L'indice S&P 500 est à un peu plus de 17 fois les bénéfices des quatre derniers trimestres.
Depuis 1960, cette situation s'est produite 42 % du temps, selon une récente étude de la Deutsche Bank. Assez fréquent, pas si inquiétant, est-on d'abord porté à penser. Il faut cependant savoir que la presque totalité de cette période (où le ratio est supérieur à 17) est constituée d'épisodes de récession où les bénéfices étaient toujours dans un cycle de déprime et n'avaient pas recommencé à monter.
Dit autrement, il est très rare historiquement que la Bourse se soit échangé à plus de 17 fois les bénéfices, et elle pourrait sur cette base être en position de subir une correction.
Une bouée de sauvetage
Très rare ne veut cependant pas dire sans exception. Il y a deux périodes où l'on s'est maintenu en haut de 17, alors qu'on ne se trouvait pas au lendemain d'une récession (1964-1966 et 1996-2000).
Le multiple a pu se maintenir lors de ces périodes simplement en raison d'un contexte économique favorable qui se matérialisait et que l'on anticipait se poursuivre dans l'avenir. Les bénéfices grimpaient et on les voyait continuer sur leurs lancée.
C'est exactement ce que dépeint actuellement le consensus des stratèges, qui entrevoit une augmentation des bénéfices du S&P 500 de 8 % cette année, de 10,9 % en 2015 et de 11 % en 2016.
Si tel est le cas, le marché n'est actuellement pas surévalué. Au multiple historique moyen (quatre derniers trimestres) de 16, il pourrait toucher les 2 100 points (+ 8,5 %).
Présumons cependant que les stratèges sont trop optimistes, que la croissance sera de 8 % cette année, mais qu'elle sera la moitié moindre de celle attendue l'an prochain (5 %). Cela placerait le S&P 500 à environ 2 000 points en 2015. Pas mal au niveau où l'on se trouve aujourd'hui.
C'est un scénario qui semble plus plausible que le premier et qui laisse effectivement voir que le marché n'est pas une aubaine. On ne serait pas nécessairement prêt à voir pire que cela cependant. Si la Fed songe à hausser progressivement les taux, c'est aussi parce qu'il y a une certaine reprise de croissance.
Conclusion ?
La Bourse n'est pas outrancièrement surévaluée, mais les gains dans les prochains mois risquent effectivement d'être modestes (s'il y en a). On resterait dans le marché, mais avec des attentes à long terme.