Quelle est la plus importante barrière pour le projet Énergie Est de TransCanada: Gabriel Nadeau-Dubois ou l'OPEP? Les contestataires locaux pourraient bien venir de se trouver une alliée coriace.
À voir la réaction des marchés, la décision de l'OPEP de ne pas retrancher à sa production en a surpris quelques-uns.
Le baril WTI est aujourd'hui sous les 70$ US (69,05$) et le Brent est à sa porte (72,58$ US).
Le diable est aux vaches sur le marché pétrolier depuis quelques mois. En juin, le WTI et le Brent se négociaient respectivement à 107$ US et 115$ US.
L'offre dépasse la demande et le cartel qui, historiquement, agissait comme équilibreur de marché, vient pour la première fois de refuser de jouer son rôle.
C'est que la flambée de l'or noir et l'arrivée du pétrole de schiste américain ont complètement changé la donne. De 37,5% qu'elle était en 2009, la part de marché de l'OPEP a aujourd'hui glissé à 32%. Et certains, l'Arabie Saoudite en tête, voient mal comment la glissade pourrait s'interrompre si l'on continue de réduire la production pour maintenir des prix élevés. Le Canada cherche en effet de plus en plus à accroître sa production. Les États-Unis aussi.
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L'OPEP doit de nouveau se réunir en juin pour faire le point. Il n'est pas assuré que la position soit maintenue.
D'importantes dissensions sont en effet présentes en son sein alors que le Venezuela et l'Iran sont ouvertement en faveur de coupes de production. Le Fonds monétaire international estime que l'Arabie Saoudite a besoin d'un baril à 84$ US pour que le budget du pays soit à l'équilibre. Patienter n'est pas une grande difficulté pour elle, qui peut compter sur un important trésor de devises. C'est apparemment plus difficile cependant pour le Venezuela et l'Iran, qui ont des coûts de production plus élevés.
S'il n'est pas assuré que l'organisation maintienne la position, il est néanmoins clair qu'elle a l'intention de tester les coûts de production nord-américains, histoire de voir s'il n'y a pas moyen de faire fermer de la capacité au Canada et aux États-Unis.
C'est ici que ça se complique pour TransCanada
C'est ici que ça se complique pour TransCanada
Le développement vient assurément compliquer le projet Énergie Est de TransCanada.
On se rappellera qu'il y a quelques semaines, Gaz Métro avait haussé le ton et décrié le projet de pipeline de 4000 km (auquel est associée la construction d'un port pétrolier à Cacouna).
Gaz Métro n'est pas contre le projet, mais ne peut y adhérer dans sa forme actuelle. Essentiellement, le problème en est un de capacité d'approvisionnement du Québec pour deux mois dans l'hiver. TransCanada veut utiliser le tuyau actuel entre North Bay et Ottawa pour transporter du pétrole. Elle construirait une nouvelle conduite pour le gaz, mais d'une capacité deux fois moindre.
Gaz Métro estime que cette construction met à risque les approvisionnements en gaz pour certaines entreprises du Québec au cours de la période. Et elle vient de recevoir l'appui du gouvernement du Québec qui dit n'être prêt à autoriser le projet que s'il obtient des garanties suffisantes qu'il ne nuira pas aux approvisionnements énergétiques de la province.
Portons attention aux chiffres qui suivent.
TransCanada dit qu'il lui en coûterait 1G$ supplémentaire pour construire un pipeline pétrolier.
À ce jour, la direction s'attendait à ce que le projet Énergie Est génère un rendement sur l'investissement dans la haute fourchette de sa cible de 7-9%.
En présumant un rendement espéré de 8,5%, et en ajoutant 1G$ à l'investissement actuellement anticipé de 12 G$, TransCanada demeurerait encore à l'intérieur de sa fourchette de rendement recherché. Celui-ci tomberait en effet à 7,8%.
Avec la décision de l'OPEP, s'ajoute cependant une complication: TransCanada aura-t-elle à long terme assez de volumes pétroliers pour générer les rendements appropriés?
Gaz Métro estime que déjà la conduite actuelle pose un problème de capacité d'approvisionnement en hiver. Il serait vraiment étonnant de la voir accepter de transiter par une conduite deux fois moindre. Et tout autant de voir le gouvernement du Québec ne pas l'appuyer. Le coût de 1G$ supplémentaire apparaît difficilement évitable pour TransCanada.
Supposons maintenant que certains projets des sables bitumineux ne puissent plus aller de l'avant parce que la donne économique se modifie et que ce qui était fort lucratif à 100$ le baril, ne l'est plus du tout à 75$ US.
À 7,8% de rendement, alors que le seuil minimal demandé est de 7%, l'économique du projet commençait déjà à se corser avec le problème Gaz Métro. Si les volumes deviennent cette fois plus incertains, le projet le devient tout autant.
La maison Edgecrest Capital évalue que le coût d'un certain nombre de projets de sables bitumineux est autour de 80$ le baril. Il y a cependant diverses opinions dans le marché, et une baisse du dollar canadien (comme c'est souvent le cas lorsque le pétrole descend) pourrait aider les producteurs d'ici.
Suivons l'OPEP, il y a une forte probabilité que ce soit elle qui, sans le savoir, déterminera du sort d'Énergie Est.
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