Surprise. La société aurifère Redevances Osisko prend une position dans le fer du Québec. Est-ce que l'investisseur devrait suivre ?
L'annonce de l'acquisition par Osisko d'un intérêt de 9,75 % dans Labrador Iron Ore Royalty (LIF, 16,31 $) a surpris plusieurs observateurs dans le monde minier. L'expertise de la société est dans l'or, pas dans le fer.
La prise de participation a même mis en marche la machine à rumeurs. Parce que des analystes considèrent le titre de Labrador Iron Ore comme sous-évalué, certains spéculent qu'Osisko pourrait vouloir acheter totalement la société.
Avant d'aller plus loin, un mot sur Labrador Iron Ore Royalty Corp. La société détient 18 200 hectares de baux miniers dans la région de Labrador City. Une autre société, le géant Iron Ore, exploite une portion du territoire et lui verse en compensation 7 % des ventes de fer qui proviennent de ses baux. Labrador détient aussi un intérêt de 15,1 % dans Iron Ore, intérêt qu'elle partage avec Rio Tinto (58,72 %) et Mitsubishi (26,18 %).
Osisko est-elle sur le point de racheter Labrador (à prime) ?
Ce serait étonnant. La capitalisation boursière de la proie est presque de 1 G$, tandis que celle d'Osisko est d'un peu plus de 1,5 G$. Il serait surprenant qu'une société dont l'expertise est uniquement aurifère s'engage du jour au lendemain dans un investissement qui transformerait autant son profil.
Certains diront qu'elle n'a pas à avoir une connaissance pointue du secteur puisque, au bout du compte, tout se passe chez Iron Ore et que c'est Rio Tinto qui gère la production (Labrador n'est qu'une société qui reçoit des redevances et des dividendes). Il reste quand même que ce serait s'exposer très fortement à un secteur méconnu.
À long terme, l'opération peut effectivement en être une de familiarisation. À court terme, elle ressemble cependant davantage à une stratégie de maximisation des rendements d'Osisko. Le dividende régulier de Labrador Iron Ore Royalty est de 1 $ par action. Au cours actuel, c'est un rendement de 6 % par année. Pas mal. Sans compter que le prix du fer n'est que de 60 $ US la tonne, après avoir fracassé les 100 $ US en 2013-2014. S'il y avait une reprise, ce serait un rendement supplémentaire du dividende et du capital investi.
Faut-il suivre ?
Une question difficile, à laquelle on tentera de répondre par quelques sous-questions.
1. Où s'en va le prix du fer ?
Ces dernières années, on a écrit à quelques reprises sur le secteur et le Plan Nord en invitant à la prudence les prêcheurs d'optimisme. En raison d'une simple équation. La Chine pèse pour près de la moitié de la demande mondiale. Or, elle ne représente que 20 % de la population de la planète et 12 % du PIB mondial. C'est insoutenable à long terme. Tôt ou tard, la Chine passera à une économie où prédomineront les services plutôt que les infrastructures, et la demande reculera inévitablement. Il y a deux ou trois ans, des économistes de la Deutsche Bank voyaient le point de bascule se présenter vers 2018.
Il faut aussi composer avec un autre facteur. La forte hausse des prix des dernières années a amené plusieurs nouveaux projets de production de fer, qui ne semblent pas en voie d'être arrêtés. Beaucoup parient qu'il y aura moyen de changer quatre trente sous pour une piastre en attendant une éventuelle reprise.
Plus de capacité et moins de demande ne sont pas des signaux encourageants.
Iron Ore est-elle menacée ?
Le géant Iron Ore pourrait-il être forcé d'arrêter son exploitation ? Si la production est stoppée ou encore diminuée, il risque en effet d'y avoir moins de revenus pour Labrador Iron Ore. Et le titre pourrait être menacé d'effondrement.
Pour l'instant, on ne parle pas de réduction de la production. C'est plutôt l'inverse. Le géant Iron Ore augmente sa production de fer de manière à diminuer ses coûts (plus d'échelle) et aussi afin d'augmenter ses revenus. La minière bénéficie d'un dollar canadien et d'un prix des carburants qui augmentent sa rentabilité. Elle veut accroître sa production de boulettes, qui sont payées à prime par rapport au concentré.
Canaccord Genuity estime que le coût de production d'Iron Ore est actuellement d'environ 55 $ US la tonne de fer concentré. Raymond James croit de son côté qu'il sera de 60 $ US la tonne au deuxième semestre de 2015.
Pendant ce temps, les prévisions à long terme pour le prix du fer dans notre univers de recherche varient de 60 à 65 $ US la tonne au cours des prochaines années.
C'est serré.
Raymond James calcule cependant que, si Iron Ore continue d'augmenter sa production tel que prévu (pour gagner en échelle et diminuer ses coûts), la valeur de Labrador Iron Ore peut considérablement grimper puisque ses redevances sont fondées sur les volumes de ventes et non sur la rentabilité d'Iron Ore. À un prix du fer qui se maintiendrait à 65 $ US la tonne, ça pourrait signifier une action qui ne serait pas loin de doubler.
C'est le pari que fait Osisko. Mais il ne s'adresse pas aux investisseurs nerveux.