Que penser des résultats et du point de presse semestriel de la Caisse de dépôt? Les résultats sont bons. Et Michael Sabia a assez bien manœuvré sur Bombardier. Il n'a pas perdu confiance dans l'entreprise, mais pour qui lit entre les lignes, il aurait mieux aimé voir l'influence de la famille Bombardier-Beaudoin être diminuée.
Le meilleur pour la fin, les commentaires sur Bombardier suivent en page deux. Sur les résultats d'abord.
Pour ses six premiers mois, la Caisse rapporte un rendement de 5,9%. Sur une base quatre ans, le rendement annualisé est de 10,2%.
L'approche ne fait pas l'unanimité, mais on aime bien analyser la performance de l'institution sous deux angles.
Premier angle: la performance par rapport aux indices de référence
La Caisse présente ses rendements par rapport à des indices comparatifs (actions, obligations, etc.) qu'elle souhaite évidemment battre à long terme.
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Ces repères ne sont pas parfaits. Mais, pour la mi-année, on ne rentrera pas dans le détail.
Le rendement de 5,9% des premiers six mois est à mettre en relation avec un indice de référence global qui est à 5,2%. Sur quatre ans, le 10,2% est à mettre en perspective avec un chiffre de 9,7%.
Mission accompli sur le premier repère.
Deuxième angle d'évaluation: la performance du Régime des rentes
À cause de l'imperfection du test des indices de référence, on aime bien utiliser un autre test: celui du Régime des rentes. Il s'agit simplement de comparer sa performance à celle des autres caisses de retraite.
Idéalement, il faudrait comparer cette performance quatre ans avec les grandes caisses de retraite comme Omers et Teachers. Malheureusement, souvent les exercices financiers de ces grands régimes courent sur des périodes différentes (31 mars et autres dates). Souvent aussi, la performance est livrée sur des horizons différents (cinq ans plutôt que quatre). Si bien qu'il est impossible de comparer.
Il reste la performance des caisses de retraite dans leur ensemble. RBC Services aux investisseurs rapporte que la performance médiane des caisses de retraite canadiennes sur quatre ans est à 9,9%. Celle du régime des rentes dévoilée vendredi est à 11%. Il est dans le premier quartile.
Test deux également réussi, d'où le constat d'une bonne performance.
À ce jour, depuis la crise de 2009, la Caisse a créé plus de valeur (11% de rendement annuel) que l'hypothèse de rendement actuariel du Régime des rentes, qui est à 6,4% par année. C'est un coussin pour l'avenir.
La question est de savoir si la majeure partie des gains enregistrés pourra être conservée dans le futur.
Monsieur Sabia a prévenu que les rendements des quatre ou cinq prochaines années ne seraient pas ceux des dernières. Les banques centrales commencent à manquer d'outils pour stimuler l'économie mondiale, la Chine toussote, l'Europe "repart un peu", et les États-Unis ne pourront la tirer à eux seuls, a-t-il sommairement indiqué. Tout cela, dans un contexte où les prix des actifs sont élevés.
Bombardier: prudence, mais pour qui lit entre les lignes…
Bombardier: prudence, mais pour qui lit entre les lignes...
C'est sur Bombardier que la communauté financière avait surtout hâte d'entendre Michael Sabia.
Petit récapitulatif. Il y a quelques semaines, le Globe and Mail rapportait qu'au moment de se refinancer, en février, Bombardier avait tout d'abord approché la Caisse de dépôt. L'institution s'était apparemment dite prête à injecter entre 250 et 300 des 600 M$ US nécessaires. À condition que la famille Bombardier-Beaudoin fasse passer le nombre des votes attachés à ses actions de 10 à 6.
Devant le refus, la Caisse n'avait finalement participé au financement qu'à hauteur de 30 M$.
L'affaire a fait grand bruit dans l'opinion. La Caisse exigeait-elle que la famille abandonne le contrôle du fleuron? Avait-elle à ce point perdu confiance en elle? Était-il légitime d'agir ainsi?
Appelé à commenter, monsieur Sabia a invité à la prudence quant à l'exactitude du portrait dressé. Il n'a pas voulu le nuancer en expliquant que la Caisse ne pouvait raconter sur la place publique la teneur de discussions confidentielles. Autrement, plus personne ne voudrait faire affaires avec elle.
Le président de la Caisse a cependant enchaîné en expliquant davantage la politique de l'institution face aux actions multivotantes.
Si on a bien compris, elle n'est pas contre, mais il doit y avoir un alignement des intérêts.
La Caisse s'attarde sur deux critères:
1-Les détenteurs de multivotantes devraient avoir un intérêt significatif dans l'entreprise, au moins 15% de poids économique, ce qui se transpose généralement par un maximum de six votes par action.
2-L'entreprise doit aussi être performante. Il faut que la performance soit au rendez-vous.
Le patron de la Caisse n'a pas voulu aller plus loin.
Interrogé par la suite sur sa confiance dans Bombardier, il a estimé que le marché faisait actuellement preuve d'impatience et qu'il faudrait laisser du temps à la nouvelle direction pour tenter son revirement. Bref, il a appelé à l'indulgence.
Constat?
Monsieur Sabia s'est bien sorti d'affaire.
L'argument 1 est que l'histoire est incomplète; l'argument 2 traite de la politique de la Caisse sur les multivotantes sans faire de lien direct avec l'affaire Bombardier. Et, en final, il demande de la patience.
Il reste cependant toujours tentant de tirer une conclusion.
En 2012 la Caisse a mis 1 G$ dans CGI, et les actionnaires de l'entreprise ont pu conserver 10 votes par action. Ils ne pèsent pas pour 15% d'intérêt économique.
CGI répondait cependant très bien au deuxième critère de la Caisse: la performance.
On ne peut pas dire que Bombardier y répondait.
La Caisse n'a pas totalement perdu confiance dans la famille Bombardier-Beaudoin. Mais elle n'avait plus suffisamment confiance pour y investir fortement en lui laissant les pleins pouvoirs.
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