C'est la même chose, chaque année. Alors qu'approche la fin d'août (et les vacances), vient le moment de planifier cette fameuse fin de semaine à Ticonderoga, dans l'État de New York.
Ticonderoga ? L'endroit est mieux connu au Québec sous le nom de Carillon, un ancien fort avancé du régime français où, avec moins de 4 000 hommes, Montcalm résista à l'assaut des 16 000 soldats britanniques d'Abercrombie.
Le fait d'armes est l'un des plus importants de la guerre de Sept Ans (une défaite de Montcalm faisait tomber la Nouvelle-France dès 1758), mais il est méconnu ici. Tout comme l'endroit. C'est pourtant l'un des plus intéressants lieux historiques que l'on ait visités. Avec en prime, les superbes paysages des Adirondacks, du lac Champlain et du lac George.
«Mais que se passe-t-il donc cette année avec l'hébergement ?» s'est-on demandé, la semaine dernière, après quelques minutes à vainement chercher une chambre d'hôtel sur Internet.
Plus de place convenable à Ticonderoga (quelques-unes peu chères, mais justement trop peu chères...), pas grand-chose non plus à Lake George (dans ce cas à plus de 200 $ la chambre...).
D'ordinaire, il était pourtant assez facile de trouver de l'hébergement à prix raisonnable.
L'anecdote a attiré notre attention sur l'hôtellerie : peut-être pourrait-on récupérer la hausse de prix en investissant dans le secteur ?
L'état des lieux
Les choses vont effectivement bien dans le monde de l'hôtellerie aux États-Unis. Malgré la popularité croissante d'Airbnb (location de logements), les relevés de la Deutsche Bank font voir une très nette amélioration de la rentabilité des hôteliers au cours de l'été.
Pour la première semaine d'août, le revenu par chambre disponible a grimpé de 10,5 % par rapport à l'année dernière. La statistique était à 11 % la semaine précédente, et s'est pas mal promenée aux environs de 9 % depuis le début de la saison.
Les analystes expliquent le phénomène simplement par l'amélioration de la situation économique des ménages, alors que, depuis quelques années, la demande de chambres augmente plus rapidement que l'offre. Pour 2014 par exemple, Smith Travel Research prévoit que la demande devrait encore grimper de 2,4 % tandis que l'offre ne progressera que de 1 %.
Qui en bénéficie ?
Pour l'instant, dit PwC, les hôtels de luxe et plus haut de gamme ont été ceux qui ont davantage bénéficié du cycle. La firme ne nomme pas spécifiquement les plus grands bénéficiaires, mais, en Bourse, on peut parler de chaînes comme Hilton, Marriott, Starwood (St Regis, W, Westin, Sheraton, etc.) et Hyatt.
Quelle sera la suite ?
Sous une perspective historique, la situation est particulièrement intéressante.
Un regard sur le graphique qui accompagne cette chronique permet de voir que deux cycles ont marqué l'industrie depuis 25 ans. Ces deux cycles ont chacun duré une dizaine d'années. À un creux en 1991 (55 $ US), le revenu par chambre disponible allait grimper d'environ 25 % sur 10 ans, pour ensuite connaître en une seule année une chute de plus de 15 %. Un an plus tard (fin 2001), un nouveau cycle s'enclenchait. Il allait cette fois durer environ huit ans et permettre au revenu par chambre de rebondir de plus de 15 %. Une autre culbute brutale allait cependant le ramener en 2009 sous le niveau qu'il occupait à l'amorce du cycle (2001).
Où en est-on dans le cycle actuel ?
Environ à la quatrième année.
De combien le revenu par chambre disponible a-t-il augmenté depuis le début du cycle ?
En 2013, de 28 %. Par rapport à la prévision pour 2014 de PwC, de 36 %.
Constat : on est encore assez tôt dans le cycle, mais on a déjà gagné nettement plus que ce qu'on avait gagné au cours des cycles précédents.
Il est vrai que le creux de 2009 n'était pas ordinaire sur une base historique, et que, sur une récession plus légère (cyclique et non causée par une crise financière), le dernier rebond serait moins important. Mais quand même, il demeurerait élevé.
S'ajoute le fait que PwC prévoit qu'à la fin de 2014, le taux d'occupation des hôtels nord-américains atteindra 63,5 %. C'est un niveau qui, dans l'histoire, n'a encore jamais été atteint.
Faut-il jouer, et si oui, qui ?
Les prévisions de bénéfices des hôtels haut de gamme pour 2015 et 2016 font voir de bonnes avancées. Ainsi, pour Hilton, les analystes attendent un bond de 19,2 % suivi d'un autre de 21,3 %. C'est encore mieux chez Hyatt où le bond est de 28,3 % et 27,9 %. C'est un peu plus faible chez Starwood avec + 14,6 % et + 12,6 %.
Les multiples sont toutefois élevés. Hilton, qui s'est en moyenne négocié à 10,6 fois son BAIIA depuis 2009, est actuellement à 13,7 fois 2014 et 12 fois 2015.
Les attentes semblent déjà dans les cours des titres hôteliers, au moment où l'horizon de poursuite du cycle est historiquement incertain.
On n'investirait pas dans l'hôtel.
Sur le radar
Hôtels : le revenu par chambre, en forte progression
Moyenne 15 ans : 66,52 $ US
Les recommandations des analystes qui suivent le titre de Hilton (HLT)
7 Conserver
5 Acheter10 Surperformance
Cours cible : 27,37 $ US
Sources : Bloomberg, PwC