BLOGUE. Il n'y a pas que la question de l'impôt des riches qui doit donner des maux de tête au ministre des finances Nicolas Marceau ces jours-ci. Avec le démantèlement de Gentilly 2, l'atteindre de l'équilibre budgétaire l'an prochain apparaît désormais fort questionnable. Et même si on l'atteint, on devra fort probablement pousser 1,5 G$ de plus que prévu à la dette du Québec.
La chaîne Argent publiait il y a quelques jours les passifs prévus au dernier rapport annuel d'Hydro-Québec concernant Gentilly 2. L'occasion pour nous de constater comment la peur est installée chez Hydro-Québec. La société d'état refuse d'expliquer la signification de ses notes financières, ce qui est inacceptable de la part d'une société publique.
SUIVRE SUR TWITTER: F_POULIOT
Mais ne nous écartons pas.
Il ressort du rapport annuel 2011 d'Hydro que la fermeture de Gentilly 2 pourrait générer un passif supplémentaire de 1,5 G$. Parce que l'évaluation a été faîte à une époque où l'on pensait davantage à relancer la centrale, on ne serait pas étonné de voir ce montant gonfler prochainement. Pauline Marois a sans doute eu la même intuition en demandant à Hydro de lui produire un rapport exhaustif sur le coût de déclassement. Cela dit, restons pour l'instant à 1,5 G$.
Où ira ce 1,5 G$?
Il n'y a pas de certitude absolue, mais une majorité d'experts à qui l'on cause expliquent que lorsqu'une obligation financière future devient certaine, la règle est normalement de la faire passer l'année même à l'état des résultats.
Pour faire une histoire courte, c'est dire qu'une charge extraordinaire de 1,5 G$ pourrait devoir être prise aux états financiers d'Hydro cette année (d'ici le 31 mars) ou l'an prochain. Et conséquemment se répercuter dans les états financiers de la province.
Le dernier budget prévoit que l'on finira l'exercice 2012-13 (31 mars) avec un déficit de 589 M$. Pour l'an prochain, il est prévu que le gouvernement affiche un surplus de 1,041 G$.
Dans l'état actuel des choses, il semble que l'État ait deux options: décider d'adopter le décret de déclassement avant le 31 mars, et faire descendre la perte dans les résultats de cette année; l'adopter après, et la faire descendre dans ceux de l'an prochain.
C'est un choix embêtant pour un gouvernement minoritaire. Déjà la pente à remonter pour atteindre la cible budgétaire de cette année est ardue. Quelques éléments n'étaient pas prévus au cadre financier du PQ dans ses mesures compensatoires pour l'abolition des frais de scolarité et le programme de garderie. Il y a ainsi apparemment pour 800 M$ de dépassements dans les dépenses et une croissance économique plus faible que prévu (200-300 M$ de moins). Si l'on doit abandonner la rétroactivité sur l'impôt des plus riches et le gain en capital, tout en abolissant la taxe santé, le déficit risque d'être passablement plus lourd que 589 M$ cette année. On sera sans doute hésitant à l'alourdir davantage avec Gentilly.
L'an prochain est plus tentant, alors qu'il se trouve un coussin de 1G$ pour amortir le choc. Mais pour pouvoir transporter la dépense à l'an prochain, il faut vraisemblablement un décret au lendemain du 31 mars 2012 (fin de l'exercice financier). Malheureusement se rendre au 31 mars nécessite d'avoir déposé un budget qui ne soit pas battu. Vous voyez le portrait: il vaut peut-être mieux s'assurer d'adopter le décret dans l'année en cours, sinon on risque de ne jamais pouvoir l'adopter.
Dans un cas comme dans l'autre, il apparaît de plus en plus certain que la province n'aura de toute façon pas les moyens de renflouer ce 1,5 G$ et devra l'ajouter à la dette.
Danger chez les agences de notation?
Danger chez les agences de notation?
Rater ses cibles budgétaires et faire gonfler sa dette n'est guère une bonne nouvelle pour le gouvernement. Et se pose évidemment la question de la réaction des agences de notation.
Parce que la charge est non récurrente, il est probable que les agences ne réagiraient pas négativement. Québec a été l'une des premières juridictions dans le monde à se doter d'un plan vers le retour à l'équilibre budgétaire et l'a jusqu'à maintenant respecté.
Il deviendra cependant nécessaire pour le Parti québécois de bien expliquer où il s'en va avec les finances de la province et la gestion de sa dette.
P.S. Le coût de déclassement de Gentilly ne devrait pas être un facteur qui milite en faveur de sa relance. Il faudra de toute façon un jour la déclasser. Et, au cours actuel et projeté de l'électricité, il y a une forte probabilité qu'elle fasse des pertes pendant plusieurs années, ce qui serait encore plus dommageable pour les finances publiques. Pour le trésor public, le coût de déclassement a peu de pertinence. La question des retombées des salaires en a davantage.
SUIVRE SUR TWITTER: F_POULIOT