BLOGUE. Alors, de quoi a l'air le prophète avec le gaz naturel ?
À la fin de janvier, nous soumettions que les choses allaient tellement mal sur le marché du gaz naturel qu'il pourrait être temps d'y faire son entrée : en vendant à découvert...
Une discussion éditoriale avec le président d'Hydro-Québec sur le marché de l'électricité des prochaines années aux États-Unis nous a récemment fait repenser à la prophétie.
Combien valait le prix du gaz naturel lors de la première chronique ? Près de 2,50 $ US le millier de pieds cubes (kpi3).
Combien vaut-il maintenant ? Autour de 2,40 $ US.
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La prophétie allait bien jusqu'à il y a deux semaines, alors que le prix du gaz avait même retraité sous les 2$ US.
Temps de couvrir les positions ?
Bonne question.
Pourquoi en est-on rendu là ?
L'une des causes de la tendance baissière réside assurément dans l'hiver doux qu'a connu l'Amérique du Nord. La saison froide compte pour 60 % de la demande annuelle en gaz aux États-Unis. BMO Marché des capitaux rapporte que la demande en chauffage a été de 30 % moindre que la moyenne des trois dernières années.
La cadence des forages a significativement ralenti, alors que le nombre de foreuses en activité a diminué de 28 % (à 247) par rapport à l'an dernier. Malheureusement, la production de gaz qui arrive sur le marché continue d'aller croissant.
Des analystes estiment que trop de forages continuent d'avoir lieu en raison d'un nouveau phénomène : le gaz naturel enrichi de liquides. Jusqu'à assez récemment, les producteurs foraient des schistes permettant de récupérer du gaz naturel sec, c'est-à-dire principalement composé de méthane. Voilà cependant que la technologie permet aujourd'hui de forer des schistes où sont mélangés au gaz naturel d'autres éléments, tels que du propane, de l'éthane et du butane. Ces éléments se condensent lorsqu'ils remontent à la surface avec le gaz naturel et sont ensuite récupérés.
Parce que les producteurs tirent des revenus de la vente de ces éléments, la chute du prix du gaz naturel affecte moins la rentabilité des nouveaux puits.
Où s'en va-t-on ?
Où s'en va-t-on?
Ce n'est pas très facile à dire.
Il est écrit dans le ciel que la production de gaz naturel baissera. À force d'ajouter des puits riches en gaz liquide, les prix du propane, de l'éthane et du butane ne pourront que tomber à leur tour. Et il n'y aura plus de rentabilité pour personne. Les forages ralentiront et les cours remonteront pour un temps.
La question pour celui qui songe à couvrir ses positions est cependant de savoir quand la chose surviendra.
Alors que s'amorce la période d'entreposage estivale, la situation est plutôt préoccupante. Les sites de stockage américains sont à un niveau qui est de 50% plus élevé que l'an dernier et que la moyenne cinq ans.
En fait, la question est de savoir si, à l'automne, les sites ne seront pas remplis au maximum de leur capacité. Pareille situation serait pour le moins catastrophique. Une partie de la production aurait à ce moment beaucoup moins d'issue et se retrouverait tout simplement au marché au comptant (spot). Peu de choses peuvent détruire les prix plus rapidement que des ventes de détresse. Il ne serait alors pas étonnant de voir les prix toucher 1,50 $ US le kpi3, et peut-être même moins.
La météo sera déterminante. Valeurs mobilières TD indique qu'en supposant que les injections soient dans la moyenne des dernières années, les sites d'entreposage pourraient atteindre la limite théorique de 4,2 trillions de pieds cubes à la troisième semaine de septembre. C'est sept semaines avant la fin de la période de stockage.
C'est dire que, pour éviter le pire, il faudra un été nettement plus chaud que ceux des dernières années pour faire fonctionner la climatisation à plein régime.
Que faire ?
Malgré le rebond du prix du gaz, sur un horizon de six mois, la probabilité d'une détérioration de la situation semble pour l'instant plus grande que celle d'une stabilisation. Il paraît par conséquent un peu tôt pour couvrir les positions.
Histoire de minimiser son risque face à un revirement de marché inattendu, il ne serait néanmoins pas fou de miser sur quelques titres dont les perspectives sont plus mal en point que la moyenne. Du genre de ceux qui ont une production plutôt orientée sur le gaz sec que sur le gaz enrichi de liquides. Ou qui ont une assez bonne dette.
Des noms ? Salman Partners en avance quelques-uns : Compton Petroleum (CMT, 1,45 $), Anderson Energy (AXL, 0,43 $) et Delphi Energy (DEE, 1,24 $). On n'a pas personnellement vérifié les titres. Ils ne sont fournis qu'à titre indicatif. Une société peut être mal en point et rebondir, parce que le marché exagérait son état. À chacun de faire ses devoirs.