C'est dans la tourmente que se présentent souvent les meilleures occasions. Le moins qu'on puisse dire, c'est que les sociétés engagées dans le développement du secteur gazier au Québec en traverse toute une. Temps de s'y positionner ?
En février dernier, les titres de Questerre, Junex et Gastem étaient en feu. Depuis, ils se sont repliés de 30 à 65 %.
Quelques repères
Il est intéressant de voir à quel point de nombreux Québécois sont aux abois et sont convaincus qu'on s'apprête à brader un incroyable potentiel gazier, alors que les investisseurs, eux, demandent à être convaincus.
À la fin de février est survenu un véritable coup de canon pour le secteur. Après avoir percé un puits horizontal de 1 000 mètres à Saint-Édouard, dans Lotbinière, et fracturé le tout à huit endroits, Questerre rapportait une remarquable récupération moyenne de gaz de 5,3 millions de pieds cubes par jour (Mpi3/j) pendant les 30 jours de la période de test.
On raconte dans l'industrie que, pour donner de bons espoirs commerciaux, un puits horizontal fracturé à huit endroits doit livrer environ 2 Mpi3/j pendant la période d'essai. Pas surprenant que cette nouvelle ait propulsé les titres du secteur de près de 40 %. Les résultats obtenus par Questerre étaient presque trois fois supérieurs à ceux espérés.
Depuis, les choses se sont un peu gâtées. Au début d'octobre, Questerre rapportait les résultats d'un nouveau puits horizontal, Gentilly : 0,75 Mpi3/j.
Oups ! c'est beaucoup moins convaincant. Le même jour, la société annonçait en outre que sa partenaire, la géante Talisman, lui avait fait savoir qu'elle repoussait au printemps les travaux de forage de deux puits horizontaux qui étaient initialement prévus cet automne. Raison invoquée : trop coûteux d'avoir des équipements et des équipes à ce moment-ci.
En réalité, les derniers résultats de forage de Questerre sont moins pires qu'ils ne le semblent. Le forage horizontal devait initialement naviguer au coeur de la roche cible, mais s'est plutôt enfoncé vers le bas. Au bas, presque aucune récupération de gaz. Cependant, dans la zone ciblée, si on tient compte du fait qu'il n'y eut que trois fracturations, plutôt que huit comme d'ordinaire, la récupération de gaz était proportionnellement équivalente au repère de 2 Mpi3/j.
Où en sommes-nous ?
Nous sommes maintenant dans l'attente du forage d'autres puits horizontaux qui pourraient nous permettre d'en savoir plus sur le potentiel de la vallée du Saint-Laurent.
Le tandem Talisman-Questerre prévoyait deux forages. Forest Oil devait aussi forer sur le permis de Richelieu Nord de Junex, mais l'opération a été reportée au printemps. Enfin, Canbriam, une société au capital fermé, devait forer trois puits horizontaux sur la propriété de Gastem à Saint-Hyacinthe, mais tout laisse croire qu'elle devrait aussi repousser le début des travaux.
Ce n'est donc pas au cours des prochains mois qu'on pourra être mieux fixé sur la richesse potentielle du sol québécois.
Une autre difficulté importante
Les questionnements ne s'arrêtent pas qu'au potentiel du sol québécois.
Une suroffre de gaz sur le marché peut-elle maintenir les prix trop bas pour que même l'exploitation d'un gisement gazier prometteur ne soit pas viable au Québec ?
Il en coûte apparemment 10 M$ au Québec pour forer et fracturer un puits. Ailleurs, dans l'Ouest canadien et aux États-Unis, les coûts varient plutôt autour de 4 à 5 M$ US. L'écart s'explique par l'absence d'une masse critique au Québec (peu de forages à effectuer, manque d'équipement et équipes insuffisantes, entre autres). Mais l'écart semble aussi tenir à un manque de connaissance scientifique sur la façon d'exploiter notre gaz de schiste.
Pendant ce temps, le prix de la ressource varie autour de 3,75 à - 4 $ US le millier de pieds cubes. Un prix qui, à l'heure actuelle, ne permettrait pas la mise en exploitation. Pareto Securities constate que. bien qu'elles situent leur coût d'exploitation à entre 4 à 5 $ US le millier de pieds cubes, la plupart des entreprises du secteur dépensent en réalité près de 6 $ US. Des montants qui, ne l'oublions pas, sont souvent fonction de puits creusés à un coût de 4 à 5 M$ US, et non à 10 M$ US.
Assez curieusement, malgré la situation, l'activité est si fébrile en ce moment, dans les nouveaux territoires gaziers de schiste que sont Marcellus, Fayetteville, Montney, Haynesville et autres, que l'équipement et les équipes manquent, ce qui force le report des forages au Québec (trop cher).
Apparemment, les sociétés américaines forent à toute vitesse pour éviter de perdre des droits sur leurs propriétés, dont les échéances sont plus courtes. Chacune croit en fait que les prix du gaz rebondiront.
Pour l'instant, c'est difficile à prévoir, mais si l'hiver qui s'amène a " le malheur " d'être plus chaud que l'an dernier, cette forte activité pourrait bien déboucher sur des surplus record de gaz naturel d'ici quelques mois.
Il n'y aura alors pas beaucoup de sociétés prêtes à financer d'intenses travaux de forage, et encore moins au Québec. Par la suite, lorsque les prix finiront par remonter, les autres provinces canadiennes et les États américains auront toujours cet avantage de masse critique au chapitre des coûts, et ce sont eux qui bénéficieront du financement nécessaire pour effectuer les forages.
Il ne s'agit pas de conclure que le marché sera assurément en état de surplus au cours des prochains mois et des prochaines années. La demande peut croître (par le remplacement du charbon par le gaz, par exemple). Et l'exploitation de certains gisements gaziers traditionnels pourrait cesser.
Cela dit, on peut toutefois juger du caractère spéculatif de l'investissement.
L'ÉTAT DES JOUEURS
Personne n'est en danger pour l'instant. On pourrait voir un peu plus clair sur le potentiel du secteur et des entreprises au printemps.
Les six forages de puits horizontaux prévus pourraient mieux nous éclairer sur le potentiel gazier du Québec.
On devrait aussi mieux connaître les effets de l'augmentation des forages dans l'industrie du gaz de schiste sur les stocks et sur le prix du gaz naturel.
Questerre est la gazière québécoise la mieux capitalisée, car elle dispose de plus de 150 millions de dollars (M$) dans ses coffres et table sur des ententes avec Talisman.
Gastem a beaucoup moins d'argent en réserve (13 M$), mais compte sur la collaboration de Canbriam pour des projets où elle n'aura rien à débourser.
Junex dispose pour sa part de 16 M$ et peut s'appuyer en partie sur Forest Oil.
francois.pouliot@transcontinental.ca