Vous trouvez le prix de l'essence élevé?
Le bond à 1,22$ le litre, il y a quelques jours, dans la région de Montréal, nous a quelque peu fait sursauter. "Curieux, comment expliquer pareil niveau alors que l'économie donne des signes de ralentissement?".
On a donc cherché à savoir où était la cause.
La faute aux détaillants?
Depuis quelques jours un peu oui, mais, plus vraiment maintenant.
À Montréal le prix de l'essence était en fin de semaine en moyenne vendu à 1,21$ le litre, selon Essence Québec. À Québec, il se situait autour de 1,19$. L'indicateur quotidien de CAA Québec fait voir que le coût d'acquisition de l'essence pour les détaillants était à 1,12$ à Montréal et 1,09$ pour la capitale nationale.
C'est dire que les détaillants de Montréal se prenaient une marge de 0,09$ et ceux de Québec de 0,10$.
C'est trop élevé. La marge moyenne des 52 dernières semaines pour Montréal est de 6,4 cents le litre et de 6,2 cents pour Québec.
Les détaillants nous vendaient donc l'essence 2-3 cents trop chère par rapport au raisonnable. Les prix ont cependant fléchi un peu, à Montréal du moins (1,18-1,19$), en cours de journée lundi, si bien que l’on est actuellement dans une situation où les détaillants n'apparaissent responsables de rien.
N’empêche, si vous passez chez un indépendant aujourd'hui, l'occasion est bonne de lui rappeler que c'est pour qu'il fasse jouer la concurrence en tout temps qu'on lui accorde la protection d'un prix plancher. S'il ne le fait pas, à quoi bon continuer de lui accorder cette protection?
La faute de l'étape raffinerie?
Pour une bonne partie, oui.
Les marges des raffineurs grimpent en effet. Dans les quatre dernières semaines de novembre, elles ont en moyenne été de 8,36% dans le nord-est des États-Unis. À titre de comparaison, elles étaient de 5,36% l'an dernier.
Contrairement aux détaillants, qui décident à quel prix l'essence sera vendue à la pompe, c'est plutôt le marché qui fixe le prix de l'essence, du diesel et de l'huile à chauffage lorsque le produit sort de la raffinerie pour être livré dans les réseaux de distribution.
La hausse des marges de ce côté veut dire que les dérivés du pétrole se vendent plus cher que l'an dernier, lorsque l'on ne tient pas compte des fluctuations du prix de l'or noir.
Ici se trouve donc un important élément responsable de la poussée des dernières semaines.
Ce n'est pas étonnant, tout en l'étant.
Ce n'est pas étonnant du fait que les stocks d'essence et d'huile à chauffage (diesel inclut) sont respectivement de 1,8% et 4,6% inférieurs à l'an dernier. Il est donc normal que les prix aient tendance à monter.
Il est cependant étonnant que la marge s'accroisse de 55% alors que ces mêmes stocks, bien que légèrement inférieurs à l'an dernier, sont encore supérieurs à leur moyenne des cinq dernières années.
Une bonne partie de la force du prix de l'essence apparaît donc en déconnexion avec les données fondamentales du marché. Les acheteurs d'essence à ces prix semblent anticiper quelque chose qu'on ne parvient pas à saisir.
La faute au pétrole brut?
Aussi. Pour l'autre partie.
Le pétrole est une composante de l'essence. Il est également en bonne partie responsable de la dernière poussée du prix du carburant. Le baril de pétrole était à 79$ US en juillet, il est aujourd'hui à près de 90$ US.
C'est ici cependant tout à fait surprenant.
Les stocks de pétrole aux États-Unis n'ont en effet jamais été aussi élevés dans les cinq dernières années.
L'OPEP produit à 82% de sa capacité disponible. En fait, il n'y a jamais eu autant de capacité disponible depuis 2002 de ce côté.
Vendredi dernier, alors que l'on s'attendait à un retrait de 900 000 barils des inventaires US, il s'en est plutôt ajouté 1,1 million. Le prix du baril qui, sur la nouvelle, aurait dû tomber, a plutôt bondi de 1,19$ pour terminer à 89,19$ US.
Comme à l'étape du raffinage, la hausse du prix du brut est difficile à saisir. Les acheteurs de pétrole anticipent quelque chose qu'on ne voit pas.
Qu'en penser?
Il semble y avoir un sentiment dans le marché que la demande pour le pétrole et l'essence augmentera prochainement assez fortement. Peut-être en raison des économies chinoise et asiatique qui livrent de bons chiffres. Peut-être aussi en anticipation d'une potentielle inflation attribuable au programme d'assouplissement quantitatif aux États-Unis. Peut-être enfin en raison d'une baisse anticipée du dollar US, ce qui, théoriquement, favorise la hausse des prix.
Tout cela cependant apparaît pour l'instant déconnecté de la réalité, et la logique voudrait que le prix de l'essence redescende sensiblement dans les prochaines semaines.