Conférence téléphonique pour le moins surprenante, jeudi après-midi, à la suite des résultats trimestriels nettement décevants de Yellow Media.
Si on n'avait pas su que le titre descendait de 40%, que le dividende venait d'être coupé de plus de 75%, que le bénéfice était en complète désynchronisation avec les attentes du marché, et que Standard & Poor's venait d'envoyer les débentures au rang de junk bonds, on aurait pu croire que les choses allaient relativement bien pour la société des Pages jaunes.
"L'imprimé est plus robuste qu'il n'y paraît alors qu'un individu sur deux a encore utilisé un annuaire dans le dernier mois et nous demeurons confiants dans notre plan de transition Internet. Les résultats prendront un peu de temps, mais ils viendront", disait en substance Marc Tellier.
Même à une question d'un analyste qui s'interrogeait sur l'allusion d'une agence de notation à une revue des activités en cours, M. Tellier est encore demeuré dans le registre du positivisme. Une revue des activités est effectivement en cours. Elle a pour but de mieux faire comprendre au marché les transformations en cours et de lui communiquer de meilleurs repères, a-t-il dit.
Devant l'étonnement de l'analyste, qui cherchait plutôt poliment à savoir si des radiations étaient en vue, le chef de la direction financière a finalement reconnu qu'il était possible qu'une radiation survienne. Mais pas nécessairement, a-t-il précisé. Et la discussion est par la suite revenue sur le fait, qu'à terme, les flux de trésorerie devraient permettre d'abaisser significativement la dette (de 2,9 fois le BAIIA à 2 fois).
La question à mille dollars
D'un autre analyste, la question à mille dollars est finalement cependant arrivée: "Marc, pouvez-vous nous expliquer ce que vous voyez et qu'on ne comprend pas collectivement?"
Réponse assez longue de monsieur Tellier, qui a refait un acte de foi dans la stratégie Solution 360 degrés dévoilée par son entreprise il y a quelques mois, tout en invitant à la patience. Le passage du papier vers l'Internet ne se fera pas demain matin, mais nous progressons bien, a-t-il dit.
Faut-il suivre le dernier optimiste de la salle?
Faut-il suivre le dernier optimiste de la salle?
À l'évidence, le grand patron de Yellow Media est le dernier optimiste dans la salle. Faut-il le suivre?
Les derniers développements ne sont pas pour donner confiance. Le 31 mai, la société prenait en outre la peine de préciser dans un communiqué au sujet de la vente de la société Trader que son dividende demeurait à 0,65$ par action. Dans le contexte, c'était télégraphier au marché: n'ayez crainte, nous n'entendons pas toucher significativement au dividende.
Deux mois plus tard, ceux qui ont cru sont confondus. Et la crédibilité de monsieur Tellier est entachée.
Cela dit, son plaidoyer n'est pas sans force.
Solution 360 vise notamment à faire en sorte que les représentants de Yellow offrent aux petites et moyennes entreprises, non seulement du placement dans ses annuaires, mais aussi dans ses propres sites web (Redflagsdeal, Lespacs, etc.) et ceux avec lesquels elle a des partenariats (Yahoo!, Google, Bing).
L'initiative est toujours embryonnaire alors que les représentants sortent à peine de leur formation.
Le pari est que dans un monde avec une multiplicité d'offres publicitaires Internet, les PME recherchent un guichet unique. Et Yellow croit que son guichet est l'un des plus attrayants au Canada.
Ce n'est pas un mauvais pari.
Il reste néanmoins à voir s'il fonctionnera. La preuve est à faire que l'on peut vendre autant de produits avec le même nombre de représentants. Et que les marges peuvent tenir.
Conclusion?
DBRS et Standard & Poor's ont décoté jeudi les débentures, la dernière les faisant même passer au rang de junk bonds, mais ce n'est pas demain que l'on assistera à un dépôt de bilan. DBRS maintient d'ailleurs sa cote "investissement".
Pendant ce temps, gracieuseté de la dernière chute, le titre (1,10$) est attrayant. En présumant que le consensus pour le bénéfice par action de l'exercice en cours et du suivant coupent des deux tiers (c'est l'écart des derniers résultats avec le consensus), l'action ne se négocie qu'à 5,5 fois le bénéfice de l'an prochain. Et elle offre de surcroît un rendement de dividende de 13,5%.
On resterait néanmoins sur les lignes de côté pour un temps, histoire d'attendre un peu plus de visibilité.
Le doute est le début de la sagesse, disait Aristote.