Analyse. Ferrovial met en vente un intérêt de 10% dans British Airport Authority, l'un des plus importants investissements de l'histoire de la Caisse de dépôt et placement. Qu'est-ce à dire pour la Caisse?
Cet investissement de plus de 2,4 G$ CAN de l'institution québécoise dans les aéroports de Grande-Bretagne (dont Heathrow) a fait couler beaucoup d'encre depuis sa réalisation, au printemps 2006.
Partenaire à 21,2% avec le constructeur espagnol Ferrovial (56%), le gouvernement de Singapour (17,5%) et le fonds mondial Alinda (5,3%), la Caisse a dû à quelques reprises prendre des dévaluations sur son investissement.
Les derniers mois
On ignore quelle valeur elle lui accorde maintenant. Elle doit cependant respirer un peu plus librement.
À la fin de 2009, la Caisse avait dû remettre 45 M$ dans l'aventure afin de faciliter le refinancement d'une tranche de dette de 1,6 G$ CAN qui venait à échéance. Les nouveaux bailleurs de fonds trouvaient BAA trop endettée et demandait à chacun des actionnaires de remettre de l'argent.
La situation n'avait pas été sans soulever certaines inquiétudes, alors qu'une autre tranche de dette, cette fois de 2,6 G$ CAN, restait à l'agenda pour avril 2011. Des maisons d'investissement calculaient que la Caisse pourrait à ce moment devoir remettre entre 140 et 240 M$ pour préserver son intérêt.
Ce n'aurait pas été péché que de soutenir une autre fois son investissement alors que sa valeur est au plancher, mais plusieurs dans le public auraient sans doute mal accueilli la nouvelle (traduction: un vrai siphon financier…).
Heureusement, les choses ont mieux évolué que ce qui était anticipé.
Des astres bien alignés
Fin juillet, le gouvernement britannique est venu clarifier sa position sur un projet de réglementation qui pesait sur la valeur des aéroports. Exit la possibilité d'une administration spéciale en cas d'insolvabilité (qui aurait pu statuer dans l'intérêt des clients plutôt que des créanciers…). Exit aussi la possible imposition de restrictions quant à des actifs donnés en garantie.
En parallèle, le Retail Price Index (indice des prix à la consommation d'Angleterre) est parti à la hausse: +5% au mois d'août. Cet indice sert notamment à fixer les tarifs que peuvent exiger les aéroports Heathrow et Stansted sur certains services aériens.
Surtout, le marché obligataire s'est de beaucoup amélioré et s'est soudainement montré plus ouvert au risque. Il suffit de voir le nombre de sociétés qui se sont refinancées un peu partout dans le monde ces dernières semaines.
Si bien que le financement pour la tranche de dette échéant en avril 2011 est depuis peu attaché. Il n'y a maintenant plus d'enjeu de refinancement avant 2013.
C'est en bonne partie pour cela que Ferrovial choisit le moment pour tenter d'obtenir un bon prix et abaisser sa dette.
Quel impact pour la Caisse?
Certains ont avancé que la Caisse pourrait être acheteuse du bloc d'actions. On ne voit pas pourquoi et on parierait tout le contraire. On devrait plutôt voir se pointer à l'enchère des fonds d'investissement en infrastructures. L'institution a déjà suffisamment d'exposition à BAA, et il ne s'agit pas d'une situation où son intérêt serait dilué.
Il sera cependant intéressant de voir à quel prix partira la participation. C'est sur cette base que la Caisse devrait ensuite réévaluer la valeur de son investissement dans BAA.
Pour l'heure, le spectre des évaluations est large. Des maisons comme Crédit Suisse attribuent à la participation de la Caisse une valeur de 1,3 G$ CAN (environ la moitié de son investissement initial). Mais la plupart des évaluations sont beaucoup plus basses. En fait, en adaptant, Ferrovial estime apparemment que le consensus chez les analystes est autour de 485 M$ CAN.
On le voit, l'écart est important. On devrait être mieux fixé dans quelques mois.