Tout a ouvert au vert mardi matin, à Wall Street. Pourtant, c'est dans le rouge que l'on s'enfoncera davantage dans les deux prochaines années.
L'annonce d'une entente de principe sur la reconduction des baisses d'impôt du président George Bush, du début des années 2000, a pour un instant semé la joie chez les investisseurs.
À CNBC, la station avec laquelle on amorce chaque matin notre journée, un vaste mur électronique affiche un grand nombre de titres boursiers. Lorsque l'un est à la hausse, son carré s'affiche en vert, s'il descend, il est en rouge. Rarement vu une ouverture aussi verdoyante.
Pourquoi on est content sur Wall Street
Certaines inquiétudes étaient dans le marché ces derniers temps. L'arrivée à terme des baisses d'impôt Bush aurait signifié une charge assez importante pour une économie américaine qui tire le diable par la queue. Deloitte Tax LLP calculait récemment que pour un ménage de quatre personnes avec un revenu annuel à 50 000$, l'évaporation des cadeaux fiscaux signifiait une hausse d'impôt de 2 900$ par année. Pour une même famille gagnant 100 000$, c'était 4 500$.
Rien pour amener les entreprises à quitter les lignes de côté et se mettre à investir. Tout pour accentuer les probabilités d'un retour en récession.
En repoussant l'échéance à dans deux ans, le gouvernement se donne du temps pour permettre à l'économie de prendre de la vigueur et récupérer. Il devrait ainsi être à même de juguler son déficit sans avoir à solliciter outrageusement le portefeuille du contribuable, ni à priver le citoyen de trop de services.
C'est du moins la perspective optimiste.
Pourquoi on risque de moins fêter dans l'avenir
"Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera", dit Racine.
On pourrait bien en avoir une application concrète dans les prochaines années.
Entendu parlé de l'opinion de Laurence Kotlikoff sur la situation financière américaine? C'est un professeur d'économie à la Boston University. Un ancien membre du cercle de conseillers économiques de Ronald Reagan.
Essentiellement, dit-il, les États-Unis sont en faillite, mais bien peu en sont conscients.
Il appuie notamment son énoncé sur un récent rapport (juin) du Fonds monétaire international. L'organisme estime que pour rétablir l'équilibre fiscal dans les prochaines années, il faudra un ajustement équivalent à 14% du PIB actuel.
Gros effort?
Hé, hé,… Les revenus du gouvernement fédéral équivalent justement aujourd'hui à 14,9% du PIB. C'est dire que pour parvenir à l'équilibre, il faudrait doubler les impôts des particuliers et des sociétés.
La pression des baby-boomers, qui partent à la retraite et qui collecteront des bénéfices de la sécurité sociale, de Medicare et de Medicaid, viendra prochainement exacerber la situation, explique l'économiste.
Voilà qui vient passablement assombrir l'avenir.
Que l'on y aille par attrition ou par augmentation des impôts, il est clair que l'économie en subira les contrecoups. Peu importe qui dépense moins du contribuable ou de l'État, du moment que quelqu'un dépense moins.
Une mauvaise décision
Dans ce contexte, on aurait bien aimé voir les parlementaires américains commencer à se préoccuper de la dette.
Il ne s'agissait pas de faire encaisser de plein front l'échéance des baisses d'impôt aux contribuables, mais, plutôt que de les reconduire pour deux ans, de rechercher une solution intermédiaire.
Le président Obama suggérait en quelque sorte de démarrer le renflouement en rehaussant le fardeau fiscal des mieux nantis, mais en épargnant pour l'instant la classe moyenne. C'était une bonne option. Les mieux nantis ne dépensent pas nécessairement ce qu'ils gagnent. Prendre une ponction dans leur salaire n'aurait pas réellement eu d'impact important sur l'économie.
Les dernières élections, en divisant les forces, ont cependant plutôt forcé l'adoption de la vision républicaine.
L'on s'apprête donc à pelleter plusieurs milliards de dollars supplémentaires de dette vers l'avenir. Et à accroître la hauteur du mur qui se dessine…