La décision de Rona de commencer à verser un dividende nous a de prime abord un peu surpris, hier. Le glas sonne-t-il pour la croissance?
Warren Buffett l'a toujours dit: tant et aussi longtemps que l'on croira être en mesure d'offrir plus de rendement que les indices du marché, Berkshire Hathaway ne versera pas de dividende. Le jour où Berkshire sera devenue trop importante et qu'il nous sera impossible de battre le marché, nous instaurerons un dividende afin de permettre aux actionnaires d'obtenir un meilleur rendement ailleurs.
Telle est la règle en finance. On réinvestit dans l'entreprise les bénéfices qu'elle produit aussi longtemps que l'on croit qu'elle peut générer sur ceux-ci un rendement supérieur à celui du marché. Le jour où l'on n'est plus capable de générer un rendement suffisant sur l'ensemble de ses bénéfices, on en retourne une partie aux propriétaires pour qu'ils puissent en disposer autrement.
C'est un peu ce que vient de faire Rona. Avec un dividende à 0,07$ par action (1% de rendement sur le cours actuel), Rona retournera près de 18 M$ de dollars à ses actionnaires, soit près de 12% du bénéfice net qu'elle génère.
Plus à venir?
Desjardins spéculait mercredi que le dividende pourrait être de nouveau haussé en septembre. La question qui suit est évidemment: de combien? Ou, si on préfère, jusqu'à quel point Rona croit-elle que sa croissance est sur le point de plafonner?
L'entreprise a déjà connu de meilleurs jours. Les bénéfices de Rona sont en baisse depuis plusieurs mois. Au troisième trimestre 2010, les ventes des magasins comparables étaient en recul de 2,5%. Déjà l'année précédente, elles avaient reculé de 5,9%.
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Le pire, c'est que ça s'annonce encore plus difficile pour les prochains mois. Le programme de crédit à la rénovation est en effet venu à échéance au printemps 2010, ce qui a probablement amené un devancement des investissements. Pendant ce temps, le marché immobilier ralentit.
Comme si ce n'était pas assez, les concurrents semblent vouloir ajouter de la superficie de plancher à un secteur qui apparaît déjà saturé. Il y a quelques jours, l'américaine Lowe's réitérait son intention d'ultimement porter à 150 le nombre de ses établissements en sol canadien, elle qui en possède actuellement une vingtaine.
Pas nécessairement la fin de la croissance
De là à conclure que la croissance vient assurément de frapper un mur, il y a cependant un monde.
Il se trouve toujours 5000 quincailliers indépendants au Canada. Or, le contexte actuel de ralentissement et de bousculade par les grands (Rona, Lowe's, Home Depot) rend incertaine la survie d'un certain nombre. Leur fermeture éventuelle offre un potentiel d'accroissement de parts de marché. Fatigués de lutter, d'autres pourraient de même être tentés de se mettre en vente et venir s'ajouter au réseau de 700 établissements de Rona.
Une autre avenue qui apparaît intéressante pour le quincaillier est celle du marché commercial et professionnel. Au début novembre, l'entreprise a acquis MPH Supply Limited, un distributeur de produits de plomberie de Colombie-Britannique. Avec cette acquisition, elle pousse un peu plus loin sa pénétration d'un marché qui est deux fois plus important que celui de la rénovation, selon Desjardins. Ses ventes n'y sont pour l'instant que de 650 M$, un chiffre à mettre en perspective avec les 5 G$ de revenus qu'elle devrait générer en 2011.
Conclusion?
On ne conclurait pas que l'annonce d'un dividende est avant-coureur de la fin de la croissance à long terme. Elle signale cependant probablement que la direction s'attend à ce que plusieurs pages de calendrier soient tournées avant qu'elle ne reprenne.
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