Faut-il augmenter les cotisations au Régime des rentes du Québec, instaurer un nouveau régime de pension complémentaire, ou ne rien faire du tout?
C'est ce dont ont notamment discuté lundi les ministres des finances des provinces et d'Ottawa, lors d'une rencontre multipartite.
Dans le coin gauche, six provinces qui réclament que l'on hausse les cotisations au Régime de pension du Canada (le pendant de la Régie des rentes au Québec). Celles-ci sont: la Colombie-Britannique, l'Ile-du-Prince-Edouard, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, le Manitoba et l'Ontario.
Dans le coin droit, opposées à la mesure, du moins dans l’immédiat, le Québec, l'Alberta et la Saskatchewan. Sans leur adhésion, rien ne peut se faire, il faut l'accord du deux tiers des provinces pour procéder à un amendement.
Québec se rallie plutôt à Ottawa, qui propose d'y aller d'un nouveau régime complémentaire de retraite qui ciblerait les PME qui n'ont aucun régime de retraite. Les employeurs ne seraient pas tenus de contribuer. Les employés seraient cependant tous tenus de cotiser, sauf s’ils optent pour l’exclusion.
Quelle est la situation actuelle?
Avant d'aller plus loin, un œil sur ce qui nous guette dans quelques années, si rien n'est fait.
Voici la règle du pouce en matière de planification de retraite. Si vous souhaitez conserver votre niveau de vie actuel, il vous faudra, à la retraite, toucher un revenu équivalent à 70% de la moyenne de vos trois dernières années sur le marché du travail.
Personnellement, on pense qu'il en faudra plus que cela, notamment en raison de l'explosion des coûts de la santé. Mais restons quand même avec la règle.
Selon le site de la Régie des rentes, la pension fédérale procurera au retraité moyen environ 15% de son revenu actuel, le RRQ 25%; les régimes privés et son épargne personnelle devront combler les 30% manquants.
O.K., ouvrez grand les yeux: au Québec 38% de la population active n'aurait aucune épargne en vue à la retraite, selon une étude de la Régie. Prenons le pourcentage et appliquons-le à une population autour de 4 millions de travailleurs. On voit tout de suite l'ampleur des déceptions à venir. Vous avez 1,5 million de Québécois qui, à leur retraite, se sentiront assurément pauvres raide (seulement 40% du revenu restera).
"Ouf, une chance que l'on n'est pas dans le lot!", dites-vous.
Hummm… Une autre statistique: dans le lot des chanceux (ceux qui épargnent pour la retraite), seulement 43% ont un potentiel élevé d'atteinte d'un niveau adéquat de remplacement du revenu. Pour près de 30%, le potentiel d'atteinte est peu élevé.
Constat: au moins 55% de la population active risque d'être pas mal plus pauvre à la retraite qu'elle ne l'est actuellement. Bon nombre ne pourront en profiter qu'à temps partiel. Et pour ceux qui tomberont malades, il n'y aura pas de solution.
Les options?
Québec est bien conscient de la situation.
Le ministre Bachand semble laisser la porte ouverte à une bonification du RRQ, qui puisse bénéficier à l'ensemble des travailleurs.
Ce serait cependant surprenant. Du moins en substance. Québec et Ottawa semblent plutôt vouloir instaurer à la place un régime complémentaire de retraite qui ciblerait les salariés qui n'ont pas déjà de régime de retraite.
Officiellement, il s'agit pour l'instant de ne pas retrancher de rémunération à des salariés et à une économie qui ont présentement besoin de tout leur petit change. Officieusement on suspecte que Québec n'a pas les moyens d'accorder, même pour le long terme, des déductions fiscales supplémentaires pour l'ensemble des travailleurs du Québec. Ni de cotiser plus amplement au RRQ de la fonction publique. Les seuls REER comptent à eux seuls 1,5 G$ par année en déductions fiscales et un autre 1,5G$ en non-imposition des revenus qu'ils génèrent.
En ne ciblant que la cohorte des travailleurs plus défavorisés, on réduit considérablement la dépense.
Que faire?
Nous sommes en accord avec l'approche Bachand-Flaherty. Le rôle de l'État n'est pas d'assurer une retraite dorée à l'ensemble des Québécois. Seulement de voir à ne pas en laisser une trop forte cohorte dans l'indigence. Une question de valeur sociale, mais aussi une question financière. Si 40% de la population active actuelle se retrouve demain dans la pauvreté, les finances publiques subiront dans le futur le contrecoup économique de notre inaction d'aujourd'hui.
Il serait cependant surprenant que le nouveau régime complémentaire qu'ont en vue MM. Flaherty et Bachand soient un grand succès. Si le niveau d'épargne est si peu élevé dans la population active, c'est que bien peu cotisent à leur REER, même s'ils en ont l'option.
Pour éviter que ces travailleurs se retrouvent dans une situation d'indigence extrême, il faudrait sans doute forcer les entreprises qui n'ont pas de régime complémentaire de retraite à en implanter un. Pas nécessairement les forcer à y contribuer, mais les forcer à l'implanter. C’est ce que semblent avoir à l’esprit MM Flaherty et Bachand. Il reste à voir si les adhérents en verront les bénéfices et choisiront d’y rester.
Pour les autres, ceux qui ont déjà la chance d'avoir un régime complémentaire privé, il vaudrait mieux augmenter les contributions à ses REER et à son compte épargne. Même s'il s'agit de renoncer à quelques plaisirs aujourd'hui. Les finances de la province auront beaucoup de difficulté à soutenir le choc démographique. Il vaut mieux prévoir. Comme disait Lafontaine:"La cigale ayant chanté tout l'été, se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue."