Quebecor? Telus? Rogers? BCE? Qui peut réellement ramener les Nordiques à Québec?
Des éléments de paysage se sont ajoutés au cours des derniers jours et, même si un important brouillard demeure, aident à mieux comprendre ce qui se joue en coulisses dans le dossier du nouvel amphithéâtre de Québec.
Peu de poids avait initialement été accordé à la valeur des droits de gestion, mais voilà que BCE et evenko confirment être intéressées à les obtenir, pendant que la rumeur amène aussi Rogers et Telus dans le décor.
On présumait, et Ernst & Young aussi dans une très large mesure, que l'amphithéâtre serait géré par la Ville qui percevrait des loyers et serait parfois en participation dans différents événements organisés par des promoteurs.
Le maire Labaume semble cependant s'être à un moment rendu compte que les acteurs sur le marché étaient prêts à lui offrir pas mal d'argent pour obtenir l'exclusivité de pouvoir présenter les spectacles et événements qu'ils veulent.
À noter qu'il n'est pas dit que les acteurs feront nécessairement beaucoup d'argent avec leurs shows, mais ils semblent penser qu'ils peuvent en faire et être prêts, pour un nombre d'années indéterminées, à garantir certains montants à la Ville et surtout, à assumer les risques de pertes d'exploitation.
Constat?
Une bonne nouvelle. Le financement du Colisée ajoutait une charge de 15M$ annuellement à la Ville, diminuée à 10 M$ par la récupération de coûts qu'elle entend obtenir dans son administration. Il se pourrait bien que l'on descende au final en bas des 10 M$. Du moins pour quelques années. Le brouillard est encore important sur les chiffres et la durée d'une éventuelle entente.
La difficulté: le club de hockey
Une bonne nouvelle donc, mais qui n'est pas sans amener une nouvelle difficulté.
Le gestionnaire Denis Durand, de Jarislowsky Fraser, avançait mardi à la chaîne Argent que BCE et evenko pourraient bien ne jouer que défensivement dans cette histoire. Avec pour seule volonté d'empêcher Quebecor de venir jouer dans leurs marchés du spectacle et des déclinaisons de contenus multiplateformes (télé, Internet, sans-fil). Le blocage pourrait en fait être opéré en installant simplement une équipe de la Ligue nord américaine à Québec.
Quelque chose nous dit que BCE souhaite amener à Québec un nouveau club de la LNH. Si tel n'est pas le cas, on voit mal comment elle peut espérer gagner dans son offensive. Elle se mettrait en effet à dos une bonne partie de la population du Québec et risquerait de faire face à un mouvement de boycott (à la fois de ses événements et de ses produits). Molson s'était objectée une première fois à l'entrée des Nordiques en 1979 et avait dû retraiter devant le mécontentement.
Le point de vue de monsieur Durand est cependant intéressant en ce qu'il illustre le dilemme potentiel dans lequel peut se trouver actuellement le maire Labeaume. Il n'est pas exclu qu'il ait sur la table une offre plus avantageuse pour les contribuables au plan financier, mais qui ne permette pas le retour d'une équipe de la LNH.
Sans équipe, le projet d'amphithéâtre est difficilement justifiable, puisque c'est cette équipe qui est la source de sa venue. Sans elle, on construit quelque chose qui coûte de l'argent aux pouvoirs publics pour présenter des événements que personne n'a vraiment réclamé.
Il y a nécessité d'un club de hockey. Pour la Ville, traduire cette obligation dans une entente de cession des droits de gestion ne sera cependant pas simple. Certains peuvent en effet bluffer sur leur intention de ramener un club. C'est que, au rythme où vont les choses, le club n'arrivera malheureusement pas avant l'entente de gestion.
Dans ces circonstances, tentons de voir qui peut être le mieux placé pour ramener une équipe et avec qui la Ville pourrait être tentée de signer.
Telus: hors course
Telus est réputée intéressée à participer à une certaine forme de commandite, rapporte Le Soleil.
Bien que Claude Rousseau, qui préside Équipe Québec, l'organisme qui a commandé l'étude sur le nouvel amphithéâtre, soit récemment passé chez Telus comme conseiller à la direction, elle est dès le départ hors course.
La société n'a de toute façon pas les plateformes télévisuelles et numériques susceptibles de lui permettre de faire de l'argent avec un club de hockey professionnel. Le marché de Québec est très petit pour un modèle d'exploitation traditionnel et, même ceux qui possèdent l'arsenal, ne sont pas sûrs d'en faire.
Telus n'est pas un casse-tête pour la Ville.
Rogers: les probabilités grimpent, mais…
C'est autre chose ici. Rogers a toujours été intéressée au monde sportif, la preuve, elle détient les Blue Jays. Elle a un bon arsenal de plateformes au Canada anglais et une certaine expérience avec celles-ci (notamment avec la chaîne de télévision Sportsnet). Les Nordiques lui permettrait de se donner une assise plus solide dans la poursuite du développement de ses plateformes francophones. Elle est aussi propriétaire du Skydome et a donc certainement de l'expérience en gestion d'événements.
Un problème cependant. Rogers est présumée avoir voulu acquérir les Leafs, et les Raptors l'an dernier pour plus de 1 G$.
Si elle vise à terme les Leafs, elle risque d'être hésitante à jouer ses cartes sur Québec. Les règles de la LNH ne lui permettraient en effet apparemment pas d'acquérir d'autres équipes.
Le contexte rend peu probable une offre de Rogers. Si d'aventure, il devait y en avoir une, on lui mettrait une clause à l'effet qu'elle renonce à acquérir une autre équipe de la LNH sans l'accord de Québec.
BCE: à prendre au sérieux, mais…
On l'a dit, quelque chose nous dit que BCE souhaite ramener une équipe à Québec. Pas nécessairement parce qu'elle y voit un fort potentiel de rentabilité, mais effectivement par mesure défensive.
Certains avanceront que sa participation minoritaire dans le CH est un empêchement. On ne miserait pas trop là-dessus. Une rumeur veut qu'elle pourrait s'associer avec Graeme Roustan, qui possède le fabricant d'équipement sportif Bauer. M. Roustan était en course pour acheter le CH, et souhaitait ardemment l'obtenir.
La rumeur pourrait bien être sans fondement, mais la situation illustre qu'il n'est pas impossible d'obtenir des franchises en tissant des ententes commerciales qui en bout de piste vous donnent presque autant d'avantages que si vous étiez actionnaire. Il suffit de faire preuve de créativité financière et juridique.
Signalons au passage qu'il est possible pour BCE, comme pour les autres d'ailleurs, d'aller courtiser le propriétaire d'une équipe et de tenter de lui vendre un partenariat dans des bénéfices multiplateformes. Le propriétaire pourrait déménager son équipe sans la lui vendre. Il améliorerait sa rentabilité du simple fait de gagner un meilleur marché et de devenir participant à d'autres sources de bénéfices.
Il faut néanmoins reconnaître que la probabilité d'obtention d'une équipe à la suite d'une entente de gestion soulève de sérieuses interrogations. À moins d'un engagement de démarchage très contraignant, la Ville ne devrait pas signer.
Quebecor: l'acteur à surveiller, mais…
Évidemment l'acteur à surveiller, puisque c'est lui qui fait courir tout le monde.
Un petit doute sur les chances de succès s'est cependant installé la semaine dernière dans notre esprit à la suite d'une conversation avec un confrère: la LNH hésite-t-elle avec Quebecor?
La société fait beaucoup d'omelettes et n'est pas sans casser un certain nombre d'œufs. Ce qui est à l'origine de cette maxime à son intention:"Anybody but Quebecor". Une maxime qui avait particulièrement fait du chemin au moment de l'acquisition du CH par la famille Molson.
Il serait surprenant qu'elle ne se soit pas rendue aux oreilles de Gary Bettman.
Dans ce contexte, on ne peut pas dire que Quebecor ait très bien joué en attaquant à deux reprises devant le CRTC les droits de télé du CH à RDS. La LNH est partie à cette entente. Si on aspire à joindre les rangs d'une organisation, il vaut mieux se tenir tranquille et ne pas attaquer des ententes auxquelles elle est partie. Particulièrement si cette organisation est en problème dans plusieurs marchés et n'en veut pas là où les choses vont bien.
Pourquoi courir le risque de passer pour un "trouble maker"?
Malgré ce qui précède, Quebecor apparaît celle qui a le plus de chances de ramener une équipe à Québec. La Ville aimerait probablement cependant que le doute soit dissipé avant de signer. Ce qui est pratiquement impossible à faire.