Ce qui nous a le plus marqué de la récente rencontre de presse avec Lucien Bouchard ?
Une remarque anodine concernant sa réaction sur le rapport du BAPE. " Lorsqu'on échange avec quelqu'un, au départ, on est convaincu de notre position et on écoute moins. Puis le temps passe, et on en vient à mieux écouter, à réfléchir et à mieux comprendre le point de vue de l'autre. Notre position devient plus nuancée. "
On ne cite pas mot à mot, mais de mémoire et dans l'essence. La remarque n'a pas été sans nous faire réfléchir. " Et si nous étions dans le champ avec notre pessimisme quant au prix du gaz naturel ? S'il était plutôt temps de se positionner dans les sociétés du secteur ? "
Voyons de plus près.
Pourquoi tout est à plat
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Il y a actuellement trop de gaz naturel en Amérique du Nord. L'offre surpasse la demande et les prix se tiennent près des 4 dollars américains ($ US) le mille pieds cubes (Kpi3).
Pour s'en convaincre, il suffit de regarder la courbe évolutive des stocks de gaz entreposés aux États-Unis. Les choses se sont améliorées dernièrement, alors que le niveau des stocks entreposés s'est somme toute réaligné avec la moyenne des cinq dernières années. À l'automne, on était cependant monté nettement au-dessus pour atteindre des niveaux records.
C'est la mise en exploitation de plusieurs puits de schiste aux États-Unis et au Canada qui est à l'origine du renversement de la tendance. En 2007 et 2008, la demande était bien supérieure à l'offre et les prix oscillaient entre 7 et 13 $ US/Kpi3.
Ce qui se dessine
Ce qui se dessine
Rien d'extraordinaire, mais pas non plus l'Armageddon, s'il faut en croire la US Energy Information Administration (EIA).
L'organisme prévoit que la production de gaz naturel, après avoir grimpé de 4,4 % en 2010, va décélérer et croître de 0,8 % en 2011 et de 0,9 % en 2012. La consommation, de son côté, devrait être stable cette année et augmenter de 1 % l'an prochain.
C'est dire que, théoriquement, les stocks et les prix devraient demeurer sensiblement au même niveau.
L'EIA estime que les faibles prix du gaz vont ralentir les forages, et freiner la croissance de la production du même coup. Cela pourrait bien se produire en 2011, mais il n'y a pas consensus pour 2012. La Deutsche Bank prévoit par exemple que le nombre de foreuses actives sur les territoires gaziers aux États-Unis diminuera en 2011 (d'une moyenne record de 953 à 891), mais bondira à un nouveau niveau record en 2012 (970).
C'est que, malgré le faible prix du gaz, les coûts de forage semblent diminuer pour plusieurs sociétés du secteur. Certaines affirment même pouvoir être rentables à environ 3 $ US/Kpi3.
Là où il y a de l'espoir
On dit " semblent diminuer ", parce qu'il se pourrait que ce ne soit pas tout à fait le cas.
CIBC Marchés des capitaux cite par exemple le cas d'EnCana, un important producteur gazier. Pour qu'elle ait des flux de trésorerie lui permettant de financer le coût en capital de nouveaux projets gaziers, la société a besoin d'un prix du gaz à 5$ US/Kpi3. Or, EnCana est dans le premier quartile des producteurs en termes de coûts. Ce qui veut dire que, pour que l'industrie puisse continuer d'augmenter sa production dans l'avenir et éventuellement répondre à la demande, il faudra tôt ou tard un prix d'au moins 6 $ US. Les analystes de la maison ajoutent qu'il se trouve des sociétés ayant des coûts de développement plus faibles que 5 $, mais que celles qui mentionnent 3 $/Kpi3 omettent généralement certains coûts (administratifs, redevances, etc.).
Le prix du gaz remontera-t-il ?
Le prix du gaz remontera-t-il?
Force est d'admettre que l'argument a de la force. Et qu'il se pourrait bien que l'on voit les prix remonter. Probablement pas en 2011, alors qu'il semble y avoir encore plusieurs ventes à terme à bon prix sur les marchés (vestiges d'une époque prospère), mais peut-être en 2012. Plus de monde risque en effet à ce moment de vendre une partie de sa production à perte et de fermer de la capacité.
Le temps de jouer Questerre, Junex et Gastem ?
On serait très prudent de ce côté. Le rapport du BAPE entraînera vraisemblablement des coûts d'exploitation supplémentaires au Québec. Déjà, avant qu'il soit dévoilé, la firme Investec estimait qu'il faudrait que le prix du gaz à 6,30 $ US pour la mise en exploitation du schiste d'ici. Ça demeure très serré et ultra-spéculatif.
D'autres sociétés, alors ?
Si l'on adhère au raisonnement de la CIBC, oui. Pour ceux qui croient à un redressement, les analystes suggèrent : EnCana, Talisman, Daylight, Bellatrix, Crew Energy et Painted Pony.
francois.pouliot@transcontinental.ca