On avait personnelement bien hâte de voir la plate-forme électorale du Parti libéral. Ce qu'on en pense? (et non l'équipe).
Essentiellement, s'ils prennent le pouvoir, les libéraux prévoient y aller d'un peu plus de 5,5 G$ en nouvelles dépenses à leur deuxième année au pouvoir. Pour contrebalancer, ils prévoient différentes mesures d'un peu plus de 7 G$. Sur chacune des deux années à venir, ils devraient donc être moins déficitaires de 1,5 G$ que les conservateurs.
D'abord un œil sur les chiffres
D'où viennent les nouvelles dépenses?
De plusieurs postes, mais dont voici quelques gros morceaux:
- Passeport d'apprentissage (aide à l'éducation post-secondaire): 980 M$.
- Fonds pour l'apprentissage et les soins de la petite enfance: 700 M$.
- Prestation fiscale pour les soins familiaux (aidants familiaux): 610 M$.
- Prestation d'assurance-emploi pour les soins familiaux: 250 M$.
- Crédit d'impôt pour la rénovation écologique (fenêtres, isolation, etc.): 400 M$.
- Supplément de revenu garanti: 400 M$.
- Exploitation moins polluante des sables bitumineux: 225 M$.
D'où viennent les 7 G$ servant à plus que contrebalancer les nouvelles dépenses?
Des sources suivantes:
-Retour du taux d'imposition des sociétés à 18% (baissé à 16,5% en janvier et prévu être abaissé de nouveau l'an prochain à 15%): 5,237 G$.
-Revenus d'une deuxième enchère pour de la bande passante dans le sans fil: 500 M$.
-Plafonnement de la déduction fiscale pour les options d'achat d'actions: 315 M$.
-Annulation du fonds PPP: 263 M$.
-Annulation immédiate de l'allègement fiscal au secteur des sables bitumineux: 225 M$.
-Analyse des dépenses et réaffectation: 500 M$.
Ce qu'on pense des dépenses
Il se trouve quelques mesures discutables, comme le crédit d'impôt à la rénovation écologique. Il s'agit de mesures qui risquent de faire augmenter les coûts de construction et qui, côté économie d'énergie, sont sur la mauvaise cible (les logements qui coûtent cher en énergie sont souvent ceux des pauvres, mais ils n'ont pas les moyens de les retaper).
Drôle de mesure aussi que ce 160 M$ pour inciter à l'embauche des jeunes. On s'en va vers une pénurie de main-d'œuvre.
Dans l'ensemble cependant, les mesures sociales mises de l'avant sont intéressantes. Il y a un très intéressant effort de fait du côté de l'éducation, le plus important des leviers économiques à long terme. Un effort aussi du côté des aidants familiaux, c'est de l'argent qui sera vraisemblablement sauvé (et probablement plus) en soins hospitaliers.
Notre verdict
Notre interprétation du tout
Il se trouve de bonnes choses dans cette plate-forme, mais, malheureusement, monsieur Ignatieff est trop pressé de dépenser.
Le Parti libéral laisse entendre que tant pour la première année que pour la seconde il creusera le déficit de 1,5 G$ de moins que ce que projetaient les conservateurs.
C'est peut-être vrai, mais on n'est pas très sûr du chiffre et on n'aime pas tellement la façon dont la chose est présentée.
Il y a pour 500 M$ de revenus liés au spectre sans-fil dans le calcul. Les conservateurs aussi auraient bénéficié de la somme. Il y a aussi pour 500 M$ de dollars de compressions supplémentaires dans le calcul. Dans leur dernier budget les conservateurs ont annoncé un exercice de révision stratégique qui pourrait pour cette deuxième année déboucher sur une compression supplémentaire de 1 G$ (c'est-à-dire 500 M$ de plus que ce qui est anticipé par les libéraux).
À compter de la deuxième année donc, les libéraux ne font donc pas vraiment mieux que les conservateurs au plan financier, malgré une récupération de 5,2 G$ en impôts aux entreprises.
Ce qu'on aurait aimé
Si on était à la tête d'une formation politique, on aurait récupéré le 5,2 G$ de baisses d'impôt aux entreprises (nous sommes déjà suffisamment compétitifs au plan international), et il aurait en grande partie été affecté en réduction du déficit (19,4 G$ de déficit prévu dans deux ans). Ç'aurait été ça de moins de pousser à la dette et conséquemment en charges futures.
Évidemment, notre plateforme électorale aurait été plutôt mince en nouvelles mesures. Mais l'heure n'est pas à la dépense, plutôt au retour à l'équilibre. Il s'agit d'y aller d'une saine prudence pour préserver l'équité générationnelle . Il est loin d'être certain qu'une autre récession ne frappera pas un peu plus loin et ne nous fera pas poursuivre dans le rouge encore pour un temps. Alors que l'économie tourne relativement bien, ne nous payons pas plus de bon temps que nécessaire.
On sait, on sait, zéro vote pour Pouliot à l'élection…