Analyse. Poursuivra ou pas son avancée, l'économie américaine? Après avoir ramené les taux d'intérêts à leur plus bas niveau de l'histoire, engagé loin dans le rouge plusieurs budgets à venir, et porter leur dette à un préoccupant niveau, les États-Unis s'apprêtent à jouer leur dernière carte.
Ben Bernanke a été clair vendredi en indiquant que la FED "pourrait" y aller d'un nouveau processus d'assouplissement monétaire. Il a dit "pourrait", elle devrait y aller dès le début novembre d'un premier geste d'assouplissement quantitatif.
Qu'est-ce à dire et pourquoi?
Qu'est-ce que cela, l'assouplissement quantitatif?
C'est lorsqu'une banque centrale décide de faire tourner ses presses électroniques, crée de l'argent et achète des centaines de milliards de dettes du gouvernement.
Pourquoi y aller ainsi?
Parce que l'économie américaine donne des signes inquiétants de ralentissement. On vous en parlait il y a à peine un mois (re: chronique Apocalypse en vue?). Après avoir connu une forte progression au premier trimestre, la croissance du PIB américain a fortement diminué au second, passant de 3,7% à 1,7%. Des analystes croient maintenant qu'elle pourrait avoir décéléré à 1,2% au troisième trimestre.
Le taux de chômage se maintient à 9,6%, et on ne voit pas réellement de catalyseurs en vue. En fait, la déflation, ce monstre honni qui se nourrit de baisses de salaires et fait reculer les valeurs, menace de se pointer. En 29, lorsqu'elle avait frappé, le PIB avait reculé du tiers et la bourse de 90%. Le Japon n'a pas lui non plus récupéré de son passage dans les années 90, avec un indice Nikkei toujours inférieur de 70% à son sommet.
Nous sommes très loin de pareils cataclysmes, mais la FED semble juger préférable de ne pas laisser les choses se dégrader.
Le pari
Le pari est que dans les semaines et mois à venir, comme la demande augmentera pour les obligations, leur taux d'intérêt baissera. Ce faisant, les entreprises et les particuliers pourront se financer encore à meilleur prix qu'ils ne le faisaient jusqu'à maintenant.
Le pari est aussi que le dollar américain baissera (les taux étant moins intéressants), ce qui favorisera les exportations américaines.
Il est enfin que les investisseurs seront si découragés d'un tel environnement de taux, qu'ils alloueront plus de capital aux actions, ce qui fera gonfler les indices. Les entreprises et les particuliers se sentant plus riches se mettront alors à dépenser.
De quelle ampleur sera l'intervention?
Difficile à prédire.
Côté repère, ce n'est en fait pas tout à fait la première fois que la banque centrale a recours à l'outil. En parallèle à la descente de son taux directeur au niveau zéro, lors de la crise, elle allait racheter pour 1,75 trillion $ US (Mille milliards sept cent cinquante millions de dollars) d'obligations du gouvernement et d'hypothèques (selon le Wall Street Journal).
Toutes sortes de chiffres circulent pour la réunion de novembre. Certains avancent que la FED pourrait créer entre 500 et 1000 milliards de nouveaux dollars US pour une période qui s'étend sur plus ou moins un an.
On n'est pas trop sûr que la FED se commettra vraiment sur un montant et une période. Il ne nous étonnerait pas de plutôt l'entendre dire qu'elle achètera significativement au marché jusqu'à ce que ses indicateurs économiques lui permettent d'anticiper une inflation autour de 2%. C'est en effet à cette cible qu'a fait allusion monsieur Bernanke vendredi (l'inflation était à 0,8% en septembre).
Fonctionnera, ne fonctionnera pas?
Là est toute la question.
L'opération n'aura pas que des effets bénéfiques. Parlez-en par exemple aux gestionnaires de caisses de retraite. Des taux d'intérêt plus bas feront gonfler les déficits. Idem pour les primes d'assurances.
Depuis plusieurs mois l'environnement de taux d'intérêt est très incitatif à la dépense. Pourquoi les Américains dépenseraient-ils davantage alors qu'ils avaient déjà les meilleures conditions d'emprunt de leur vie?
Emprunter est en fait par définition faire aujourd'hui une dépense à laquelle on renonce pour demain. Ce que beaucoup de citoyens américains firent ces dernières années. Ils ont maintenant besoin de rebâtir leur capital.
On ne parierait donc pas trop fort sur la réussite du plan. De même que sur la poursuite de l'élan des marchés boursiers.
La FED apparaît cependant ne rien avoir à perdre à essayer. Aussi bien jouer sa dernière carte que de rester avec.