Blogue. L'explosive histoire de Radio-Canada quant au maire de Laval, Gilles Vaillancourt, ne va pas manquer d'accentuer la pression dans les prochains jours: le gouvernement doit décréter une commission d'enquête, dit-on à plusieurs tribunes. Ah oui, et comment?
Sur quoi, sur qui, et avec quelle étendue?
C'était hier Serge Ménard et Vincent Auclair avec le maire Vaillancourt. La semaine dernière, c'était les maires de Mascouche et de Terrebonne. C'était aussi ces condos financés par l'argent de membres d'un syndicat et vendus à des dirigeants de ce syndicat, des proches de la mafia et des hommes d'affaires de la construction.
Les affaires et les allégations vont dans toutes les directions. Tantôt il s'agit d'une donation d'argent à un politicien, tantôt des contributions déguisées à un parti, tantôt de favoritisme sur les chantiers de construction, tantôt enfin des relations intimes entre les entrepreneurs de la construction, les syndicats et la mafia.
Ce n'est pas une, mais au moins trois commissions d'enquête qu'il faudrait au Québec si on ne veut pas se perdre en route.
LES TROIS COMMISSIONS
- Le financement des partis politiques et la loi électorale
Il s'agit ici de faire rentrer l'affaire Vaillancourt et d'examiner plus en profondeur ce qui se passe dans quelques municipalités du Québec où courent des allégations de malversation. On pourrait de même y faire entrer toutes les questions touchant les contributions au financement des partis politiques provinciaux, notamment le remboursement de donations électorales à des employés.
Mandat: cette commission serait chargée d'évaluer si des actes illégaux se produisent à grande échelle et de suggérer des solutions pour mieux les réfréner.
- Une commission sur la construction
Il s'agit ici d'examiner toutes ces allégations d'intimidation, les situations oligopolistiques dans certains secteurs (les contrats des villes vont souvent aux mêmes firmes), le travail au noir, la fausse facturation, les relations avec le crime organisé, etc.
Mandat: évaluer si des gestes anticoncurrentiels ou illégaux se produisent à grande échelle et suggérer des solutions pour les réfréner.
- Une commission sur le crime organisé
Un peu une deuxième CECO, près de 40 ans plus tard.
Mandat: Jusqu'où s'étend la main du crime organisé? Quels sont les secteurs les plus infiltrés? Qui en sont les acteurs? Suggérer des solutions pour contrer le blanchiment d'argent et l'infiltration.
COMBIEN CA COÛTERAIT?
Beaucoup de pain sur la planche, n'est-ce pas?
Essayons de voir combien tout cela pourrait coûter. La commission d'enquête sur la nomination des juges (Bastarache) devrait coûter autour de 6 M$. C'était cependant l'une des commissions les plus faciles à mener. Les deux protagonistes étaient connus, il suffisait de les faire venir et de faire défiler quelques acteurs passés et actuels du système.
Allons vers plus compliqué: la Commission Gomery. On n'a pas été en mesure de faire confirmer le chiffre, mais on parle de quelque chose comme 35 M$. C'était ici une enquête beaucoup plus complexe et à laquelle on pourrait peut-être assimiler celle sur le financement des partis politiques.
Les deux autres commissions (sur la construction et le crime organisé) coûteraient vraisemblablement beaucoup plus chères.
QUE FAIRE?
Ce n'est pas simple. On le voit, il est difficile de mesurer l'étendue de ces commissions et leurs retombées réelles au final.
Le public aimerait bien lyncher tous les coupables, mais il est impossible d'attraper tout le monde. Le but d'une commission d'enquête n'est d'ailleurs jamais d'attraper tout le monde mais plutôt de faire la lumière sur une situation et de recommander des mesures qui éviteront qu'elle se poursuive ou se répète.
Sous cet éclairage, on peut abandonner la commission sur le financement des partis politiques. Les enquêtes en cours devraient permettre de mettre le grappin sur quelques mauvais acteurs alors que les dernières histoires ont aussi fait assez de bruit pour diminuer l'envie de mal agir. Surtout, le gouvernement a un projet de loi qui forcera la Commission municipale à faire enquête dès qu'un citoyen se plaindra d'un conflit d'intérêt. Une commission d'enquête ne pourrait probablement pas suggérer beaucoup de mesures supplémentaires.
Sur le crime organisé, le travail à abattre apparaît colossal et nous n'avons pas vraiment d'indication que la situation est pire qu'ailleurs. Il vaut mieux laisser le tout à la police. Quitte à créer à l'intérieur du corps policier, et à même les budgets courants, un service de recherches chargé de faire des recommandations au gouvernement.
Reste le nébuleux monde de la construction. La Sûreté du Québec y est déjà au travail avec l'escouade Marteau. Mais on ne sait trop sur quoi elle travaille. Probablement pas sur les oligopoles et leurs pratiques, ni sur les chasses gardées à certains entrepreneurs ou encore sur le travail au noir. Ici, le gouvernement devrait y mettre les sommes. Le programme d'infrastructures en cours au Québec est de 40 G$. On est assez confiant qu'une commission d'enquête s'autofinancerait juste de par les impôts qui seraient récupérés et les coûts qu'elle permettrait ensuite d'épargner.