Et voici les deux autres programmes finalement dévoilés. Il y a quelques jours nous donnions notre verdict (personnel, et non celui de l'équipe ou de l'entreprise) sur la plateforme libérale. Voilà maintenant que le Parti conservateur et le Nouveau parti démocratique font à leur tour connaître leurs couleurs. Qu'en penser?
On reviendra un peu plus bas sur la plateforme libérale, allons-y d'abord avec celle des conservateurs.
Le programme conservateur
Essentiellement, monsieur Harper reconduit son budget d'il y a quelques semaines. Le programme maintient les mesures d'allègement d'impôt aux entreprises. Le taux est passé de 18% à 16,5% en janvier et sera abaissé à 15% l'an prochain.
Il reconduit l'ensemble des mesures sur la famille, sur l'emploi et sur les communautés, en ajoutant pour 6,6 G$ de dépenses sur quatre ans, dont près de 4 G$ arrivent cependant après que l'on ait atteint l'équilibre budgétaire en 2014-2015.
Plusieurs médias ont fait échos du fait que l'équilibre budgétaire serait atteint un an plus tôt (2014-15) en raison d'un nouvel effort de compression. C'est vrai et ce n'est pas vrai. Les conservateurs avaient déjà annoncé et chiffré cet effort de compression au budget, mais ne l'avait pas intégré aux prévisions.
Steven Harper s'est beaucoup fait attaquer en fin de semaine sur le fait qu'il n'identifiait pas d'où proviendrait cet argent. Il est normal qu'il ne puisse le faire puisque les compressions proviendront de décisions prises à l'intérieur de chacune des unités du gouvernement. Celles-ci devront retrancher 5% de leur budget. Bien qu'on puisse s'interroger sur les probabilités de succès de l'initiative (d'autant que le gouvernement n'intégrait pas les chiffres il y a quelques semaines), c'est la meilleure façon de procéder pour éviter des enraiements de système, enraiements qui pourraient à terme générer des coûts supplémentaires (c'est bien de couper, mais les coupes doivent être réfléchies).
Notre verdict: on trouvait déjà au dernier budget que le gouvernement y allait d'un nouveau saupoudrage de dépenses discrétionnaires non nécessaires à ce moment-ci, étant donné notre situation déficitaire. Les nouvelles dépenses (le 2G $ avant l'atteinte de l'équilibre) ne sont pas mieux accueillies. Bien qu'il soit compréhensible que le parti respecte son engagement envers les entreprises, les impôts ne devraient pas non plus baisser. Cet abandon de plusieurs milliards est injustifiable dans le contexte actuel: nous sommes dans le rouge pour au moins trois ans encore et notre taux d'imposition est déjà compétitif avec les autres juridictions.
Le programme du NPD
Le programme du NPD
Il est assez étonnant de constater que les manchettes de la fin de semaine étaient à l'effet que les conservateurs allaient atteindre l'équilibre zéro un an plus tôt que prévu. Personne n'en a parlé, mais c'est aussi ce que prévoit le programme du NPD.
Là s'arrêtent toutefois les parallèles. Attachez bien votre tuque côté dépenses. Dès la première année, le parti entend dépenser pour près de 9 G$ de plus que ce qui est au budget. Le chiffre monte à 12,7 G$ la seconde. Et c'est sans compter ses initiatives vertes qui font en vérité passer les dépenses à 12,5 G$ pour la première année et 17 G$ pour la seconde.
À titre comparatif, les conservateurs ajoutent 0,7 G$ en 2011-12 et 1,7 G$ la suivante, alors que les libéraux ajoutent 2 G$ et 5,5 G$. C'est toute une différence. Qu'il faut évidemment combler par de nouveaux revenus ou des coupes ailleurs. La récupération devrait en gros provenir des opérations suivantes (à la deuxième année):
-Restauration des impôts des grandes entreprises à 19,5%:8,6 G$
-Fin des subventions aux sources d'énergies polluantes: 2 G$
-Attaque sur les paradis fiscaux: 2G$
-Revenu du Régime de plafonnement et d'échange (initiatives vertes): 4,3 G$.
Notre verdict: Il y a de très intéressantes mesures sociales et économiques dans le programme du NPD, mais elles sont trop importantes et elles arrivent trop tôt.
Trop importantes comme l'illustre le fait que l'on doive remonter le taux d'imposition des grandes entreprises à 19,5% pour les éponger. Ce taux n'était qu'à 18% en début d'année. C'est une chose de demander aux entreprises d'abandonner un bonbon qu'elles n'ont que depuis 4-5 mois, c'est autre chose d'augmenter les impôts.
Trop importantes aussi du fait qu'à 2G $ (3,2 G$ dans 3 ans) la récupération attendue de l'effort sur les paradis fiscaux apparaît un peu optimiste. De mémoire, on a déjà lu quelque chose à l'effet que les banques canadiennes évitaient pour 2,4 G$ de contributions fiscales grâce à des paradis, et les entreprises canadiennes 600 M$. Ça fait 3G $, mais il y a toutes sortes de considérations à prendre en compte avant d'abolir sans discernement. Une récupération de 2G $ n'est pas dans la poche (et encore moins une de 3,2 G$).
Trop tôt pour le même motif que pour le programme conservateur: on ne devrait dépenser qu'après avoir atteint l'équilibre financier et dans l'intérim plutôt chercher à réduire le déficit et moins envoyer à la dette.
Rappel du programme libéral
Rappel du programme libéral
C'est en partie la même critique que nous adressions il y a quelques jours au programme libéral.
(Voir la chonique: Notre verdict sur la plateforme libérale )
Des mesures sociales et économiques intéressantes, mais qui arrivent trop tôt.
Le cadre financier du PLC est plus logique que celui des conservateurs lorsqu'il récupère les baisses d'impôt qui viennent tout juste d'être consenties et celles à venir pour les entreprises. Plus logique aussi que celui du NPD qui va trop loin dans la récupération fiscales (retour du taux à 19,5% contre 18% pour les libéraux).
Malheureusement, cet avantage de logique est ensuite perdu par de nouvelles dépenses qui ne viennent pas vraiment alléger le déficit prévu. On récupère 5,2 G$, mais on pousse presqu'autant d'argent à la dette qu'auparavant.
Notre position
En résumé, les trois principaux partis présentent des plateformes qui préfèrent faire des cadeaux plutôt que de courir après le déficit zéro. Le cadeau conservateur est une importante baisse d'impôt aux entreprises, ceux des libéraux et du NPD, de nouvelles mesures sociales.
Il aurait été préférable d'appliquer l'annulation des baisses d'impôt directement en diminution du déficit. Combinée à la rationalisation de coûts du parti conservateur, l'équilibre financier serait atteint deux ans avant le temps, en 2013-14. Et plusieurs milliards de dollars de moins seraient poussés à la dette (des charges futures).
Ce serait préférable simplement par souci de prudence et d'équité générationnelle. Il est loin d'être certain qu'une autre récession ne frappera pas un peu plus loin et ne nous fera pas poursuivre dans le rouge encore pour un temps. Alors que l'économie tourne relativement bien, ne nous payons pas plus de bon temps que nécessaire. Atteignons rapidement l'équilibre, on dépensera ou restreindra les revenus après, si on en a encore les moyens.