C'est un grand défi que vient d'accepter Lucien Bouchard en s'amenant en remplacement d'André Caillé à titre de président du conseil d'administration de l'Association pétrolière et gazière du Québec. Non, le défi n'est pas de renverser l'opinion publique. Plutôt celui de préserver sa propre influence publique.
Les sociétés du gaz de schiste viennent de réussir un tour de force en amenant l'ancien premier ministre en relais à l'ancien président d'Hydro-Québec.
Dans nos souhaits de nouvelle année, à la rigolade, on avait formulé ce simple souhait à leur intention: un miracle.
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À peine trois semaines plus tard, on commençait à se demander si effectivement ce n'est pas ce qu'il faudrait.
La levée de boucliers est importante, et rarement a-t-on vu une opposition aussi agressive.
Monsieur Bouchard dit voir le gaz de schiste comme "un atout très important pour notre développement économique et le financement des missions de notre État".
"Le développement de cette industrie doit se faire dans le respect de l'environnement, de la sécurité publique de la transparence et de l'acceptabilité sociale", ajoute-t-il.
Un discours qui s'apparente à celui de son prédécesseur, à la différence qu'il sera porté par un personnage beaucoup moins identifié à l'intérêt des promoteurs gaziers et beaucoup plus à l'intérêt public.
Le défi est quasi insurmontable
Malheureusement pour monsieur Bouchard, le consensus apparaît difficilement atteignable en matière d'acceptabilité sociale.
Tout simplement parce que l'expertise en matière de forage de schiste n'est pas ce qu'il y a de plus avancée. Les techniques permettant une exploitation économique sont relativement récentes et le passage du temps ne les a pas encore suffisamment éprouvées pour dissiper les craintes des citoyens. On aura beau produire nombre d'études, il y a bien plus longtemps que l'on fore le pétrole et que l'on discute de mesures de sécurité. Or, cela n'a pas empêché le drame de British Petroleum il y a quelques mois.
Ces craintes seront d'autant toujours présentes que le gaz du Québec est situé dans une zone trop densément peuplée pour que seulement un petit nombre de citoyens se sente menacé.
Même si monsieur Bouchard réussissait à convaincre les membres de son association d'offrir plus de garanties de sécurité, il ne parviendrait de toute façon pas à les implanter sur le terrain. Trop cher.
Pas seulement un défi social
C'est que l'ancien premier ministre n'a pas seulement un défi social à surmonter, il a également un défi économique.
Déjà, avec des techniques d'exploitation comparables à celles des autres producteurs d'Amérique, les gaz de schiste du Québec ne peuvent être rentables.
Nous n'avons aucune échelle et nos coûts d'exploitation sont du double de ceux des autres territoires gaziers d'Amérique. Quelle entreprise viendra vraiment s'implanter au Québec alors qu'elle peut aller exploiter des réserves ailleurs à bien moindre coût?
Et ne tablez surtout pas sur une reprise du prix du gaz qui vienne permettre l'exploitation au Québec avant longtemps. Nous nageons dans une mer de gaz, les stocks sont à des niveaux records et on ne cesse d'identifier plus de réserves à faible coût.
Plus on y regarde, moins on comprend. Si monsieur Bouchard sort de cet engagement avec la même crédibilité et popularité publique que celle qu'il a aujourd'hui, il y aura vraiment eu miracle.