Blogue. De mémoire, c'est la plus mystérieuse annonce qu'il nous ait été donné de voir en bien des années de chronique.
Voici le titre du communiqué: "Partenariat stratégique dans le domaine du génie-conseil – BPR met le cap sur de nouveaux marchés et accède à un réseau international de 12 000 collaborateurs".
La firme d'ingénierie BPR y dévoile son "association avec Tetra Tech" et poursuit plus loin en indiquant qu'elle "pourra déployer de façon plus efficace ses spécialités au Québec, au Canada et aux États-Unis."
Pas une grosse nouvelle. Pas étonnant que personne n'en ait parlé.
Heureusement que l'équipe des Affaires veillait au grain… Voici ce que titre pendant ce temps le communiqué de Tetra Tech aux États-Unis: "Tetra Tech acquires Canadian Consulting and Engineering Firm BPR". Un peu plus loin:"We welcome all of the employees of BPR to Tetra Tech".
Si vous voulez annoncer au public que vous êtes vendu sans le dire à personne, le communiqué de BPR est un modèle parfait. Si vous voulez que l'on se mette à spéculer sur le pourquoi de cette cachotterie, ça l'est malheureusement aussi…!
Pourquoi ne pas l'avoir dit?
Dissension chez les associés?
Non, dira le président de l'entreprise, Pierre Lavallée. Après avoir refusé une première offre, les 70 associés ont accepté la seconde à l'unanimité.
Alors pourquoi?
"Parce que l'on garde le contrôle de notre destinée et que l'on voulait mettre l'accent sur le potentiel d'expansion que nous donne désormais cette transaction", soutient monsieur Lavallée.
Alors qu'on l'appelait pour lui demander combien d'emplois pourraient être perdus, le voilà plutôt qui annonce que les 2000 emplois directs et indirects (1600 directs) actuellement rattachés à BPR, devraient grimper à 3000 sur l'horizon 2013. Et être presque tous québécois.
Depuis longtemps BPR cherchait un partenaire complémentaire aux États-Unis pour percer plus à fond le marché dans ses compétences spécialisées (environnement, eau et énergie). Malheureusement, difficile pour elle d'avoir un bureau dans chaque ville ou région où elle voulait soumissionner. Elle pourra désormais s'appuyer sur les 285 bureaux mondiaux de Tetra Tech pour fournir ses services.
Beauté de la transaction, à part dans le nucléaire, il n'y a presque pas de redondances, affirme le président. Tetra Tech fait de l'éolien, BPR des barrages hydro-électriques; Tetra Tech fait du minier, BPR fait du métallurgique (l'étape suivante); Tetra Tech fait dans les systèmes de filtration d'eau, BPR fait dans l'assainissement des eaux, et ainsi de suite.
En se servant du réseau de bureaux et des développeurs de marché de Tetra, la compagnie – qui continuera d'évoluer partout sous le nom de BPR – espère pouvoir décrocher nombre de contrats supplémentaires. Et créer bien de l'emploi localement. "On travaille en équipe et en cellule, notre but, c'est 3000 emplois québécois", insiste Pierre Lavallée.
Bonne nouvelle?
Le président reconnaît que les Québécois n'auront plus aucun pouvoir décisionnel sur les orientations de la compagnie. Mais il affirme que Tetra a pour philosophie et antécédents de laisser toute liberté d'action à ses unités.
Nous sommes chaque fois un peu sceptiques lorsque des entreprises québécoises laissent aller leur contrôle à des entreprises étrangères. Dans l'avenir, il y a toujours un risque que l'expertise, les procédés novateurs et le savoir développé ici soit simplement transférés aux États-Unis.
On ne miserait donc pas la maison sur les retombées espérées du plan de match pour le Québec à moyen et long terme.
Force est cependant de reconnaître que sur papier l'idée apparaît pleine de potentiel. Le pari est que la perte de contrôle permettra d'obtenir plus de croissance. Évidemment les associés assurent aussi leur retraite au passage, mais ils auraient pu le faire bien avant cela: 10 offres ont été déposées depuis trois ans.
Il sera intéressant de voir le résultat. En attendant: oui, BPR est bel et bien vendue!