Matinée corsée, lundi, alors qu'à peu près toute l'élite financière de Montréal s'était donnée rendez-vous pour l'annonce du lancement de "Finance Montréal".
Outre le ministre Bachand et le maire de Montréal, étaient notamment présents dans la salle: Louis Vachon, numéro un de la Nationale, Monique Leroux, numéro un de Desjardins, Michael Sabia, numéro un de la Caisse de dépôt, des représentants du Fonds de solidarité, de Fondaction, de Power Corp., etc.
Essentiellement le gouvernement et le secteur de la finance venaient annoncer la mise sur pied d'un nouvel organisme chargé de susciter des initiatives et de renforcer le secteur financier au Québec et à Montréal.
Il s'agit en fait de créer une grappe financière qui fasse en sorte que, quand la chose est possible, les entreprises du secteur travaillent ensemble au développement de Montréal comme centre financier. Un peu comme cela se fait dans l'aéronautique.
La conférence de presse allait bien, jusqu'à…la période des questions.
Une consoeur a ouvert le feu avec la question qui nous trottait justement dans la tête: "Et l'Autorité des marchés financiers, cet organisme structurant de la finance montréalaise? Le fédéral veut toujours une commission unique et aucune banque n'est solidaire de l'AMF et du gouvernement. Des emplois sont en jeu. J'aimerais savoir ce que vous allez faire?", a-t-elle essentiellement interrogé.
Le vers venait d'entrer dans la pomme.
On est soudainement passé d'une joyeuse ambiance à une ambiance d'inconfort.
Le maire de Montréal a, à quelques occasions, tenté de ramener les feux sur les éléments positifs de l'annonce, mais avec un succès dont il a lui-même semblé douter en fin de conférence: "En tout cas j'espère que les journalistes vont faire une nouvelle positive et constructive!", a-t-il laissé tomber.
Soyez sans crainte
Ne vous inquiétez pas, monsieur le maire, les journalistes ont effectivement bien saisi les éléments positifs de l'annonce.
Montréal n'est pas un centre financier de premier plan dans l'économie mondiale. Elle occupe la 25e position, alors que Toronto est au douzième rang.
Ça ne veut pas dire qu'il faut rester les bras croisés et penser petit.
Il est possible de faire de grandes choses avec Montréal. Jean Turmel, un ancien de la Nationale, a été visionnaire et en a donné un exemple, il y a quelques années, avec le projet de bourse des dérivés. On a réussi à bâtir ici un savoir-faire plus qu'intéressant.
Le nouvel organisme annonce d'ailleurs déjà que le produit dérivé sera l'un de ses axes de développement. Il veut notamment mieux arrimer le travail des universités avec l'industrie et mieux former celle-ci pour faire émerger de nouveaux projets et créer de la valeur. Une grappe peut permettre cela. Elle encourage aussi l'entreprenariat. L'exemple aéronautique du Québec le démontre.
Alors, oui, bravo à M. Bachand pour avoir lancé l'initiative, à Louis Vachon pour l'avoir transporté sur le terrain, et aux autres acteurs pour y avoir adhéré. C'est une excellente annonce.
Cessons cependant de jouer à l'autruche
Cela dit, cessons cependant de jouer à l'autruche.
Le malaise ressenti hier illustre bien l'embarras qui règne actuellement chez Québec inc. et l'urgent besoin pour le secteur financier québécois de se ressaisir et de construire une position monolithique pour éviter un nouvel effritement de Montréal.
L'Autorité des marchés financiers est le dernier symbole de la finance montréalaise. Le projet fédéral ne peut conduire qu'à son atrophie, tous le reconnaissent.
Pourtant, bien peu d'entreprises (à l'exception de Quebecor, Jean Coutu, Cascades et de la Caisse de dépôt) ont accepté de monter aux barricades et d'appuyer ouvertement le gouvernement du Québec dans sa croisade pour la sauver.
Les banques et institutions financières craignent des représailles du gouvernement fédéral. Notamment au chapitre des émissions d'obligations.
Même le Mouvement Desjardins, qui veut prendre de l'expansion au Canada anglais, joue dans l'équivoque et on ne sait plus trop où il loge.
C'est désolant. Desjardins et la Banque Nationale ont été élevés au niveau qu'ils occupent grâce à la confiance et la fierté que leur témoignent les Québécois. Sans leur épargne, rien ne serait. Il est étonnant de voir des conseils d'administration ne pas mieux comprendre que leur intérêt premier réside dans la protection et la défense de l'intérêt qui les supporte.
En se refugiant dans le mutisme et des positions vaseuses, ils contribuent à faire totalement l'inverse de ce qui est recherché par la fondation de Finance Montréal: ils réduisent le Québec financier plutôt que de lui donner de l'élan.
Le projet secret
"Il ne faut pas confondre notre silence pour de l'inaction dans le dossier des valeurs mobilières", a indiqué hier le président de la Nationale, Louis Vachon.
Ah oui? Que trame donc la Nationale dans le dossier?
On a eu beau insister, monsieur Vachon a indiqué ne pas être encore en mesure d'en parler. D'ici quelques mois, a-t-il finalement laissé entendre, il pourrait y avoir une annonce.
Mystérieux projet. Que l'on a bien hâte de connaître.
Mieux vaudrait tôt que tard, et sans ambivalence cette fois.