C'est une curieuse de déclaration qu'a produit mardi après-midi la Réserve fédérale américaine. Avec trois membres dissidents sur dix. Nous aurions personnellement aussi été de la dissidence.
Dans le communiqué suivant sa réunion mensuelle, la FED souligne que les conditions économiques – incluant un faible taux d'utilisation de la capacité et des perspectives inflationnistes modérées - vont vraisemblablement lui faire maintenir son taux directeur à des niveaux exceptionnellement bas au moins jusqu'au milieu de 2013.
Les dissidents auraient voté contre et plutôt parlé de taux d'intérêts qui devraient se maintenir à des niveaux exceptionnellement bas "pour une période prolongée (extended periode)".
Il est pour le moins étonnant que la majorité ait choisi de télégraphier le tir jusqu'au milieu de 2013. Dans le contexte des récentes chutes boursières, c'était s'exposer à ce que le marché interprète que l'on n'était pas sorti de l'auberge pour un bon bout de temps. "Pour une période prolongée" aurait été plus flou, soit, mais moins risqué dans le contexte.
Après de longs moments d'hésitation (- 200 points pour le Dow Jones), le marché a heureusement finalement bien reçu le communiqué et les indices ont enregistré une formidable progression (+ 420 points).
On ne tablerait pas trop sur la poursuite du rebond. Quelque chose nous dit que sa force a été accentuée en fin de séance par un important épisode de couverture panique de ventes à découvert.
Deux autres éléments intéressants
Deux autres éléments sont intéressants dans le communiqué de la FED.
Elle note que les perspectives ont évolué de sorte que l'on devrait assister "dans les prochains trimestres à une reprise quelque peu plus lente" que ce qu'elle anticipait à sa dernière réunion.
En juillet, ses membres anticipaient une croissance économique se situant entre 2,7 et 2,9% en 2011. Pour 2012, l'attente était à 3,3-3,7%. On ne sait trop ce qu'il faut entendre par "quelque peu plus lente", mais la bonne nouvelle est que la banque centrale semble toujours entrevoir une croissance économique pour 2011 et 2012.
Le second élément intéressant réside dans le fait que la FED dit être prête à recourir à d'autres outils de stimulation pour donner de la vigueur à la croissance économique. Certains auraient souhaité des annonces ou à tout le moins des allusions plus explicites aux moyens qu'elle entendait utiliser. Décider immédiatement aurait cependant été agir avec une précipitation déplacée. La FED doit laisser faire pendant un certain temps encore les marchés financiers avant d'évaluer si des interventions sont nécessaires.
Bernanke et al. peuvent-ils sauver l'économie?
Bernanke et al. peuvent-ils sauver l'économie?
Autre intéressante question.
Il n'est d'abord pas assuré que l'économie se mettra à tanguer plus significativement qu'elle ne tangue actuellement dans les prochains mois. Malgré la décote de Standard & Poor's, l'administration Obama apparaît toujours déterminée à demeurer en mode stimulation, ce qui ne fait pas nécessairement présager d'importantes coupes budgétaires avant deux ans.
Cela dit, si l'économie devait entrer en difficultés, il est loin d'être assuré que la FED dispose encore d'un arsenal suffisant pour la relancer.
Quels sont les outils auxquels ont fait allusion?
Quelques uns, dont ceux-ci.
- Un nouveau programme d'assouplissement quantitatif. Il s'agit ici d'imprimer de l'argent pour racheter des obligations. L'augmentation de la demande pour les obligations a normalement pour effet de faire baisser les taux.
- Diminuer l'intérêt que la banque centrale verse aux banques sur les dépôts qu'elles y effectuent. L'outil vise à amener les institutions à prêter au marché pour obtenir de meilleurs rendements.
-Utiliser les revenus des portefeuilles d'hypothèques pour racheter des titres à plus long terme. L'assouplissement quantitatif précédent s'était apparemment concentré sur des obligations 5-7 ans, on pourrait maintenant aller sur 10 ans pour faire baisser davantage les taux à long terme.
- Donner un aperçu sur le moment où l'on commencera à réduire son bilan. C'est-à-dire prévenir le marché que nombre d'obligations achetées ne reviendront pas trop vite sur le marché et n'auront pas pour effet de faire grimper les taux d'intérêt (c'est déjà pas mal fait avec le communiqué d'aujourd'hui).
On le voit, les outils à la disposition de la FED visent surtout à inciter les entreprises à investir en tablant sur de bas taux d'intérêt. Malheureusement, cet environnement est déjà présent avec des taux cinq ans à 1% et des taux 10 ans à 2,25%.
Plusieurs entreprises ont en outre pas mal de liquidités. La difficulté est qu'elles sont incertaines de la croissance à venir et n'ont pas envie d'engager leurs capitaux dans des projets qui ne rapporteraient rien et pourraient même les leur faire perdre.
C'est pourquoi il est douteux que la FED puisse cette fois vraiment venir secourir l'économie.