C'est une transaction pour le moins inattendue: Google achète Motorola Mobility pour 12,5 G $ US. Qui gagne, qui perd dans le monde du sans-fil? Et quel impact pour Research in motion?
Officiellement la transaction a pour but principal de protéger l'écosystème Android, propriété de Google.
Le nombre de poursuites concernant la violation de brevets s'est apparemment multiplié ces derniers temps sur divers éléments du système d'exploitation Android. C'est un risque à ne pas perdre de vue pour Google.
Prenons un brevet qui toucherait une partie du système d'entraînement d'une automobile. Si à la suite d'un jugement vous n'êtes plus en droit d'utiliser votre système d'entraînement, vous faites face à un important problème. Il vaut mieux pour vous avoir quelques pièces de rechange ou d'autres brevets pour faire chanter vos adversaires.
En achetant Motorola Mobility, Google met la main sur plus de 17 000 brevets approuvés et 7 500 en processus d'approbation.
On voit l'ampleur de la police d'assurance qui vient d'être prise. L'argument est moins ressorti lundi, mais c'est aussi et peut-être surtout un très intéressant levier pour la plateforme Android. Google a plus d'argent que n'en avait Motorola Mobility et pourrait potentiellement donner beaucoup plus d'élan à son système.
C'est d'ailleurs cette dynamique de protection et d'amélioration des environnements qui pourrait bien avoir déclenché la surprenante surenchère d'il y a quelques semaines sur les brevets de Nortel.
Google gagne-t-elle?
Très certainement une victoire pour Google, dîtes-vous?
Peut-être, mais qui n'est pas sans certains risques.
Avec cette acquisition, le géant entre dans le jardin des manufacturiers de téléphones intelligents et tablettes. Jusqu'à maintenant, Google avait développé Android comme une plateforme d'exploitation gratuite et ouverte à tous, en étant peu engagée dans le manufacturier (le Nexus étant l'exception).
Le plan de match était en fait de favoriser l'accroissement d'Internet vers la mobilité, ce qui allait permettre de multiplier les affichages publicitaires de Google.
Si on était Samsung ou encore HTC et que l'on fabriquait des téléphones intelligents, on ne serait aujourd'hui plus aussi sûr qu'hier que l'on ne s'est pas fait prendre dans un piège. La plupart ont été consultés par Google et ont autorisé la transaction, mais rien ne garantit qu'ils n'auront pas un jour à payer pour utiliser Android et que Motorola ne sera pas favorisée.
Ces joueurs apparaissent plus perdants que gagnants et pourraient être tentés de chercher un nouveau système d'exploitation pour leurs téléphones et tablettes. Ce qui pourrait conduire Google à radier une partie de la valeur de Motorola Mobility.
Et Microsoft?
Le spectre de la défection fait dire à certains que Microsoft pourrait tirer bénéfice de la situation. Ce n'est pas si clair. Microsoft est déjà proche de Nokia et certains se demandent si la finlandaise ne sera justement pas acquise par la société de Bill Gates. À quoi bon aller faire équipe avec quelqu'un qui pourrait nous réserver le même sort que Google un jour, et qui, dans l'intérim, nous fera payer pour l'utilisation de son système d'exploitation? Aussi bien rester avec Google, qui, pour l'instant, dit ne toujours pas avoir l'intention de faire payer pour Android.
Pas de gains pour Microsoft donc.
Du côté de RIMM alors?
Du côté de RIMM alors?
S'il n'y a pas de gain à faire avec Microsoft pour Samsung, HTC et al., peut-être y en aurait-il un à faire avec Research in motion alors? Après tout, RIMM a son propre système d'exploitation et QNX, sa nouvelle plateforme, est réputée assez prometteuse. En outre la société mère des Blackberry a toujours une part de plus de 11% du marché mondial du téléphone intelligent, ce qui peut en faire une cible intéressante.
C'est une option que l'on n'écarterait pas. Une combinaison Samsung/RIMM donnerait par exemple une part de marché combinée de près de 30% (20% avec HTC) et viendrait créer une plateforme avec beaucoup plus de sex appeal pour les développeurs d'applications. À titre de comparaison, la part de marché d'Apple est d'environ 20% (1). Quelques nouveaux téléphones novateurs et la dynamique du marché pourrait soudainement changer.
La difficulté pour RIMM réside dans le risque d'exécution. Il faudrait un certain temps avant que les programmeurs s'intéressent en plus grand nombre à la plateforme de la nouvelle entité et il n'est pas sûr que pendant ce temps Google continuerait d'autoriser celle-ci à utiliser Android sans frais ou même avec frais. C'est un certain nombre d'utilisateurs d'applications Android qui seraient susceptibles de quitter le navire.
Quand même, quelque chose nous dit que l'avenue sera explorée.
Conclusion?
- Google n'apparaît pas perdre avec cette transaction. Il y a un risque de défection de Samsung ou HTC à la faveur d'une nouvelle alliance avec RIMM. Si cette nouvelle alliance survient, Google pourrait plus tard devoir prendre des radiations sur la valeur de Motorola Mobility. Elle pourrait cependant toujours se consoler en ayant maintenu une plateforme gratuite accessible à tous et porteuse pour elle d'importants revenus publicitaires. Des revenus probablement plus importants que les radiations qu'elle aurait à prendre.
- Research in motion est celle qui a le plus grand potentiel de gain. Il reste cependant à voir si elle est prête à se marier et si un partenaire est prêt à la marier. Si tel n'est pas le cas, elle gagne un peu dans l'augmentation de la valeur de ses brevets (en doublant celle-ci, Financière Banque Nationale voit sa valeur estimée grimper de 20%). Mais elle perd par le renforcement potentiel de Motorola.
-Pour Microsoft et les autres, la transaction est potentiellement négative, au mieux neutre.
(1) Source: Oppenheimer.