On a sursauté, mardi matin, lorsque le bulletin de nouvelles s'est ouvert. "Les conservateurs promettent de venir en aide à la famille, et les libéraux de mieux soutenir financièrement les jeunes qui font des études postsecondaires". Ah oui, avec quel argent?
Le dernier budget fédéral nous avait déçu. Dans une flopée de mesures discrétionnaires, le gouvernement projetait dépenser pour plus de 2 G$ qui auraient pu simplement aller en diminution du déficit. Pas nécessairement de mauvaises mesures, mais, pour la plupart, des actions sans urgence, qui ne devraient être envisagées qu'en situation d'équilibre budgétaire (pensons notamment au crédit d'impôt pour les pompiers volontaires…).
Vrai, l'économie canadienne tourne assez bien. Mais elle est sous la menace d'un ralentissement important lorsque les autres pays du monde décideront à leur tour de mettre de l'ordre dans leurs finances publiques.
Or, après un déficit de 40,5 G$ en 2010-11, le budget prévoit un autre déficit de 29,6 M$ cette année, puis de 19,4 G$ l'an prochain et de 9,5 G$ en 2013-14. Avec les compressions du secteur public, il se pourrait bien qu'à ce moment on ne soit plus très loin de l'équilibre. Ce n'est cependant que si l'économie continue à bien se porter.
S'il en va autrement, on sera en route vers un appel aux goussets des contribuables et des coupes supplémentaires dans les programmes. On hésitera sans doute un temps avant d'y aller de l'une et l'autre des mesures, sachant bien qu'elles auront un impact sur l'économie. Et l'on restera en déficit, continuant d'ajouter à la dette et de pousser de nouvelles charges vers le futur.
Exagéré? Ok, qui peut dire sans mentir qu'il parierait sans crainte contre le scénario?
Dans ce contexte, ne vaudrait-il pas mieux courir à grandes enjambées vers le retour à l'équilibre? Histoire de minimiser l'impact.
Nos politiques ne semblent pas inconscients
La suite du bulletin de nouvelles nous a un peu rassuré sur l'état d'esprit de nos politiques.
La mesure de 2,5 G$ de soutien aux familles (qui est en fait plutôt une mesure de rééquilibrage d'avantages entre différents ménages) ne sera mise en œuvre qu'une fois le déficit jugulé, est venu préciser Stephen Harper.
Le 1000$ par année aux étudiants qui poursuivent leurs études au-delà du secondaire (coût de 1 G$ par année) sera financé par l'annulation de la diminution des impôts des entreprises, a de son côté précisé Michael Ignatieff.
Voilà qui démontre au moins une certaine préoccupation. À la fois conservateurs et libéraux semblent vouloir éviter de créer de nouvelles charges sans les restreindre ailleurs.
(ST)Pour qui voter?
Pour qui voter?
Notre vote ira au parti qui promettra le moins de nouveaux programmes et le plus de mesures susceptibles d'accélérer le retour à l'équilibre budgétaire. Évidemment, avec une cadence raisonnable (il ne s'agit pas non plus d'enrayer ou paralyser les services gouvernementaux).
À ce chapitre, monsieur Ignatieff apparaît pour l'instant avoir une longueur d'avance, puisqu'il table sur l'abolition des baisses d'impôt aux entreprises. Les conservateurs n'oseront pas sabrer dans ces baisses, ce serait renier une promesse électorale.
L'abolition ne serait pas scandaleuse. Le Canada est actuellement au sixième rang de 31 pays industrialisés de l'OCDE en matière de fiscalité des entreprises, selon le Mouvement Desjardins. Notre situation est concurrentielle.
Il reste cependant à voir avec quelle force le chef libéral entend se consacrer à la réduction accélérée du déficit. Le Parti libéral parle d'une enveloppe de 6G$ qui pourrait être récupérée si l'on éliminait la baisse d'impôt consentie aux entreprises au 1er janvier de cette année (de 18% à 16,5%), de même que celle promise pour le 1er janvier 2012 (de 16,5% à 15%).
On n'est pas tout à fait sûr du chiffre. Un échange avec l'économiste Benoît Durocher, de Desjardins, permet de penser que chaque point de pourcentage de baisse d'impôt coûte environ 1 G$ au gouvernement. L'espace de récupération de monsieur Ignatieff pourrait donc plutôt n'être que de 3-4 G$. Et il vient de retrancher 1 G$ avec sa promesse pour soutenir les études postsecondaires.
Bien hâte de voir quelle sera la hauteur des promesses à venir. Qui a dit qu'il n'y avait pas de suspense ou d'enjeu à cette campagne?