Beaucoup de choses étonnantes lundi, alors que les marchés financiers réagissaient à la décote de la dette américaine par Standard & Poor's.
Le S&P 500 a chuté de 6,66%: le chiffre de la bête, nous a notamment fait remarquer un loustic. Plus étonnant encore, les taux d'intérêt sur les obligations 10 ans ont baissé, alors que la décote de l'agence de notation signifie que le risque sur les obligations augmente.
La plus grande surprise de la journée cependant: la sortie de Warren Buffett.
On s'attendait personnellement à ce que l'Oracle invite les politiciens américains à remettre plus rapidement de l'ordre dans les finances publiques.
Ce n'est pas tout à fait ce qui s'est produit. En entretien à CNBC, il a dit considérer que les obligations des États-Unis étaient toujours AAA et que s'il y avait quelque réflexion à y avoir sur la situation, c'est son opinion sur Standard & Poor's qui pourrait changer.
Une dure critique à l'endroit de l'agence de notation qui, à mots à peine couverts, remet en cause sa compétence et son professionnalisme.
Buffett a-t-il raison de critiquer S&P?
Les apparences ne jouent pas en sa faveur. Il est actionnaire de Moody's, l'agence de notation concurrente de Standard & Poor's. S&P a aussi abaissé l'an dernier de AAA à AA+ la note de crédit de Berkshire Hathaway. Lundi, elle en a remis et a fait passer les perspectives sur son crédit de stables à négatives (la révision vise un ensemble de compagnies d'assurances).
Deux choses plaident cependant en sa faveur.
- Ce serait petit d'agir sur ces motifs et Warren Buffett est tout sauf petit.
- Standard & Poor's ne paraît effectivement pas très bien dans l'affaire.
Cette fameuse erreur de 2000 G $ sur la dette US n'est pas petite et certainement pas de nature à rehausser sa crédibilité.
Dans une lettre aux médias, le numéro deux du trésor américain, John Bellows, explique qu'après avoir reçu avis que S&P s'apprêtait à dégrader la dette américaine, le gouvernement lui a signifié qu'une importante erreur s'était glissée dans ses calculs.
La maison a pris acte, reconnu son erreur, mais quand même décidé d'aller de l'avant avec la décote.
Voyons l'ampleur de l'erreur.
S&P avait indiqué au Trésor américain que sa décision reposait en bonne partie sur le fait que le dernier plan de compression du gouvernement américain allait permettre de réduire le déficit américain de 2000 G$ sur 10 ans. Elle aurait plutôt souhaité une réduction de 4000 G$ sur la période.
Or, l'erreur mathématique avait justement pour effet d'augmenter les déficits accumulés de 2000 G$ sur 10 ans. Ce qui veut dire qu'en toute logique, la firme de notation n'avait plus d'argument.
Elle s'est donc bornée à dégrader en disant que la dette américaine était hors maîtrise et qu'elle allait continuer à croître dans les prochaines années, ce qui ne permettait plus de maintenir le statut AAA.
Buffett a donc raison, la décote était injustifiée?
Buffett a donc raison, la décote était injustifiée?
Pour une rare fois, force est de diverger avec l'Oracle.
La dette des États-Unis est hors de contrôle. À 74% du PIB, elle devrait atteindre 79% en 2015 et 85% en 2021.
Sur une échelle de qualité qui compte plusieurs barreaux, il vient un temps où on ne peut demeurer au sommet de l'échelle si aucun geste suffisamment significatif n'est posé pour freiner l'érosion de ses capacités de remboursement.
Et il vaut mieux que ce moment arrive plus tôt que tard.
Il en va en outre d'une question d'équité générationnelle.
Personne ne croit que les États-Unis ne seront pas en mesure d'honorer leurs obligations financières. La question est plutôt: quand commencera-t-on à mettre plus d'ordre dans les finances publiques pour éviter de léguer à la génération montante une dette démesurée qu'elle n'a aucune raison d'assumer.
Il y a des conséquences à cette mise en ordre de la maison, et le danger d'un retour en récession est important. Mais il faut accepter qu'une économie est cyclique, que les récessions font partie de ce cycle, et que de sans cesse chercher à les éviter par des stimulations artificielles ne fait que repousser le problème à plus tard tout en le faisant grossir.