La capitale aura finalement son nouvel amphithéâtre. Contribuables de Québec et du Québec, priez pour qu'une équipe de la LNH s'en vienne.
Ce qui est intéressant dans l'annonce de jeudi, c'est que l'on met désormais à la charge des contribuables de Québec 50% du financement de l'équipement. On se détache ainsi d'une approche un peu "loser" où il s'agissait de quémander aux autres pour en adopter une beaucoup plus entrepreneuriale et gagnante: nous le voulons et nous allons prendre les moyens pour l'avoir.
Philosophiquement et financièrement la décision de construire un nouveau Colisée aux frais des contribuables en est une mauvaise. On en avait déjà un. On ne le fait que pour avoir le retour d'une équipe de hockey qui ne créera pas vraiment de richesse supplémentaire et ne fera que faire baisser l'activité économique d'autres entreprises.
C'est cependant socialement ce que la majorité semble souhaiter, et, après avoir mis 300 M$ pour la nouvelle salle de l'Orchestre symphonique de Montréal, le gouvernement du Québec n'avait pas réellement le choix de débloquer 200 M$ pour le Colisée. C'est une contribution qui coûte moins et un équipement qui bénéficiera à un plus grand nombre.
Voyons voir à quel niveau de risque et de dépenses les contribuables sont exposés.
Le coût de base pour la Ville de Québec et le gouvernement
L'administration Labeaume adopte une approche financière assez intéressante. Elle va en quelque sorte récupérer le 200 M$ que lui coûte le Colisée en coupant pour l'équivalent (200 M$) dans ses dépenses administratives sur une dizaine d'années (2019).
Disons au passage que ça va brasser à l'hôtel de Ville. Le maire indique qu'il a récupéré 130 M$ depuis 2008, mais les premiers millions sont toujours plus faciles à récupérer que les suivants.
Restons sur le financement. Comme les travaux se dérouleront sur quelques années et que l'opération récupération sera entreprise, la Ville versera en quelques sorte un "cash down" de 62 M$. Ce qui laisse un emprunt 125 M$.
À un taux d'intérêt de 5% sur 20 ans, l'administration évalue que l'impact de l'emprunt entraînera environ 10 M$ de charges supplémentaires chaque année, qui représenteront 0,83% du budget.
La présentation est intéressante, mais ne reflète pas le véritable coût de la décision pour le budget de la Ville. Le nouvel amphithéâtre fait grimper les obligations financières de la Ville de 187 M$. On peut tout aussi bien décider d'affecter le 62 M$ de récupérations sur d'autres projets plutôt que sur celui du Colisée. Si les taux d'intérêt demeurent bel et bien à 5% (6% aurait été plus conservateur) l'impact annuel n'est pas de 10 M$ (0,83% du budget), mais de 15 M$ (1,25% du budget). Peu importe qu'on en fasse payer une partie par les employés de l'administration, c'est ce que ça coûte, 15 M$ par année.
Pour les contribuables du Québec, le coût est sans doute un peu moindre (la cote de crédit est supérieure), mais l'emprunt est un peu plus élevé. Sans doute aussi autour d'une quinzaine de millions $ par année.
Une parenthèse ici pour ceux qui seraient tentés de dire que le provincial récupère à peu près tout parce que Ottawa et Québec se sépareront entre 20 et 25 M$ d'impôts sur la masse salariale d'une éventuelle équipe. Cet argument n'a aucune pertinence au débat. L'argent qui va aux joueurs vient du milieu. Il serait en bonne partie différemment dépensé dans le milieu et tout de même récupéré en impôt. Les gouvernements ne font aucun gain ici, et font probablement même une perte puisque la plupart des joueurs résident généralement à l'extérieur de la province et se trouvent à drainer ailleurs l'argent qu'ils perçoivent ici.
Scénario de base donc: coûts annuels supplémentaires de 15 M$ (10 M$ pour les contribuables) pour la Ville de Québec et à peu près la même chose pour le gouvernement.
Le coût peut-il être moindre?
Le coût peut-il être moindre?
Si le fédéral embarque, peut-être pour la Ville. Mais on ne parierait pas trop là-dessus. Les Conservateurs ont, avec cette annonce, une patate chaude de moins entre les mains quant au danger d'un précédent national. Électoralement parlant, une arrivée tardive au financement ne leur permet de toute façon plus vraiment de réparer les dommages subis.
Le maire de Québec a parlé d'un développement immobilier qui pourrait rapporter 4 M$ par année en taxes sur 20 ans. Possible s'il y a une équipe de hockey professionnelle. En son absence, on cherche cependant un peu quel serait l'intérêt des gens d'affaires de Québec à aller s'installer dans le secteur.
Avec une équipe de hockey, l'étude d'Ernst & Young parle d'un bénéfice de 1 M$ annuellement, mais sans réserve pour l'entretien futur. Il vaut mieux virer la somme à cette réserve qu'à la Ville.
Avec une équipe de hockey, donc, oui, le coût pourrait être moindre si les projets immobiliers fonctionnent (et ne font pas baisser la valeur locative du rôle). Le coût de 10 par année pour les contribuables pourrait être ramené à 6 M$.
Le coût pourrait-il être pire?
Le coût peut-il être pire?
Le scénario de base (coût annuel de 10 M$ pour les contribuables de la Ville et 15 M$ pour le gouvernement) postule un amphithéâtre qui est en situation de "break even".
On l'a dit, c'est un scénario concevable avec une équipe de hockey.
Sans cette équipe, et malgré les conclusions de l'étude d'Ernst & Young, on a cependant des doutes. Sans équipe, la hauteur des commandites fondera, tout comme la valeur du nom. Il faudra en outre organiser plusieurs événements majeurs et presque doubler leur nombre actuel. C'est beaucoup demander en spectacles au marché de Québec. Madona à 300$ le billet? Bon pour Montréal, mais pour Québec?
Voici en rappel les résultats d'une récente étude de Pitney Bowes sur l'état de richesse des ménages de différentes agglomérations canadiennes. Les données datent de 2007. On a exclu les valeurs immobilières pour ne conserver que les actifs financiers.
- Calgary, 287 016$
- Toronto, 284 530$
- Ottawa-Gatineau, 259 993$
- Vancouver, 238 257$
- Winnipeg, 214 605$
- Edmonton, 213 212$
- Montréal, 159 980$
- Québec, 138 620$
On le voit, Québec arrive au dernier rang. Pas si loin de Montréal, dira-t-on, et le Centre Bell n'a aucune difficulté d'achalandage. Ce qui sauve Montréal toutefois, c'est la démographie de la région: 3,5 millions d'individus, contre 1 million à Québec. Il y a 3,5 fois plus de riches à Montréal.
C'est probablement pour ce scénario d'une absence d'équipe que M. Labaume réserve son option tarification du billet. Autour de 4$ par billet pour 3,8 M$ de revenus, dit-on dans la présentation.
Coussin suffisant? Réaliste? Aucune idée.
C'est pour cela que les contribuables de la Ville de Québec et du Québec (au cas où on nous appelle en renfort pour combler un éventuel déficit d'exploitation) devraient maintenant unanimement souhaiter le retour des Nordiques dans la capitale. Même les opposants au nouveau Colisée. Ce serait plus sûr pour le portefeuille de tous.