Vous avez suivi les déclarations de différents parlementaires européens sur le besoin de réglementer les agences de notation de crédit?
C'est un débat qui fait sourire. Dans les mois qui ont suivi la crise financière de 2008 et l'effondrement du marché immobilier, ces agences ont été longuement critiquées pour avoir fait preuve de complaisance en ne décotant pas nombre de sociétés publiques.
Voilà maintenant qu'on leur reproche de décoter des pays et des institutions qui tanguent.
Wake up! Ça va mal en Europe et ce n'est pas pour rien que Moody's dégrade de la dette au Portugal. Parlez-en à Cogeco Câble, qui a radié jeudi tout ce qu'elle attribuait encore de valeur à Cabovisao, sa société de câble là-bas.
Payé 656 M$ CAN en 2006, l'actif ne vaut plus rien aux livres de la société.
Son président, Louis Audet, dit demeurer confiant de le voir reprendre de la valeur à long terme, mais il reconnaît qu'il est difficile pour l'instant d'entrevoir les éléments catalyseurs.
Que s'est-il passé?
Que s'est-il passé?
L'aventure portugaise s'était amorcée dans le doute en 2006. À l'annonce de l'acquisition, le marché avait infligé toute une raclée au titre de Cogeco Câble, lui faisant perdre 20% en quelques jours.
Cabovisao était en fait le principal actif de la société québécoise Câble Satisfaction International, et avait été responsable de sa faillite.
Les analystes n'aimaient pas l'acquisition. Ils doutaient de la capacité de Cogeco à faire croître les revenus face à une importante concurrente, Portugal Telecom, société d'état de plusieurs fois sa taille et capable de solidement guerroyer. Ils trouvaient également qu'à 12,6 fois le bénéfice des 12 derniers mois, Cogeco payait cher, elle dont l'action ne se négociait qu'à 8,3 fois son bénéfice. Déjà à ce moment se profilait le risque d'une radiation partielle de valeur.
La direction de Cogeco voyait les choses tout autrement et était confiante de pouvoir créer passablement de richesse. Plus de la moitié des ménages portugais n'avaient pas encore d'ordinateur au foyer, ni n'étaient câblés. La pénétration de marché de Cabovisao était sous les 30%, alors que celle de Cogeco au Canada était à plus de 45%.
Sous un angle financier, la marge de Cabovisao était à 27,7% comparativement à 41,3% pour Cogeco au Canada. Les anciens actionnaires de Câble Satisfaction accusaient à l'époque la Caisse de dépôt d'y avoir installé de mauvais gestionnaires. Et il était permis de se demander si monsieur Audet n'était pas aussi de cet avis.
Deux ans plus tard, Louis Audet avait gagné son pari: le BAIIA (bénéfice avant intérêts, impôt et amortissement) de Cabovisao était passé de 30 à 60 M$.
Le gouvernement allait cependant décider de privatiser le réseau câble de Portugal Telecom et de créer la société Zon. Chacune devait ensuite se mettre à jouer dans le marché de l'autre et une importante guerre de prix éclater. Ce fut le début de la fin.
Les déboires de l'économie portugaise viennent de clouer le cercueil. Face à de nouvelles mesures d'austérités qui font gonfler les taxes et réduisent l'emploi, les Portugais coupent sur leurs forfaits au câble et vont jusqu'à l'abandonner.
Quelle sera la suite?
Les marchés financiers n'ont pas mal réagi à l'annonce de la radiation. Il faut dire que le Portugal ne pesait plus lourd dans la capitalisation de Cogeco Câble et que les activités canadiennes font actuellement flèche de tout bois, sous l'impulsion d'une forte demande pour l'Internet haute vitesse et en téléphonie.
On peut néanmoins se demander quelle sera la suite pour l'entreprise.
Le président Louis Audet n'a pas voulu commenter jeudi sur la stratégie d'acquisitions, mais, tout en déférant la décision au conseil d'administration, n'a pu s'empêcher de dire qu'il ne verrait pas d'un mauvais œil la poursuite d'une hausse du dividende chez Cogeco.
Échaudée par le Portugal, il se pourrait bien maintenant que l'entreprise préfère pour un temps retourner plus d'argent à ses actionnaires et n'y aller que modestement côté acquisitions.
Une vente de l'entreprise?
Une vente de l'entreprise?
Voilà une situation qui sonne maturité. Et que fait une société lorsqu'elle arrive à maturité et souhaite encore créer plus de valeur pour ses actionnaires?
Elle se mettra effectivement souvent en vente. D'autant pour Cogeco que l'on sait Rogers intéressée, elle qui y a maintenant une participation de plus de 20% (près de 30% des voix).
D'autant aussi, qu'avec l'arrivée de la téléphonie sans fil de quatrième génération (4G), il s'en trouve pour dire que le câble commencera bientôt à perdre du terrain. Cogeco n'a pas de téléphonie sans-fil. Elle qui est toujours en situation monopolistique dans bien des ménages au Québec et en Ontario, risque de voir soudainement débarquer dans son terrain de jeu nombre de concurrents (Rogers, Telus et Quebecor). Sans qu'elle soit pour autant capable de répliquer dans les territoires adverses.
N'allez cependant pas évoquer un scénario de vente devant monsieur Audet. "Il n'en est absolument pas question", affirme-t-il avec aplomb et une pointe d'irritation.
Le sans-fil 4G ne lui fait pas peur. Il note que la demande filaire est actuellement en pleine croissance et que différentes raisons techniques font en sorte qu'il est utopique de croire que le sans-fil remplacera le câble. Le grand patron de Cogeco estime notamment qu'il n'y aurait pas assez de spectre disponible pour accommoder le scénario d'une convergence télé, Internet et téléphone uniquement sur 4G.
Quel avenir pour Cogeco Câble dans ce cas?
Il reste effectivement sans doute encore quelques années de croissance organique avant l'atteinte d'une réelle maturité et d'un éventuel accroissement de concurrence sur son territoire.
Une vente à ce moment-ci serait probablement précipitée.
D'ici là, le Portugal aura peut-être repris un peu de valeur.