Le fondateur de Microsoft vient d'ajouter plus de 110 000 actions à sa position dans le Canadien National et, avec sa fondation (Bill et Melinda Gates), en contrôle maintenant environ 10%. Faut-il le suivre?
L'acquisition a été effectuée le 25 février, entre 71,54$ et 71,89$, révèle une recension des transactions d'initiés menée par Argent.
Le titre du CN se négocie aujourd'hui autour de 72,50$, ce qui n'est pas très loin du prix d'acquisition. Évidemment, ajouter 110 000 actions à un bloc de 35 millions est un peu comme ajouter une tasse de sel à la mer: il ne s'agit pas d'un fort signal d'achat. Cela dit, même lorsqu'il investit "à petite échelle", monsieur Gates n'a pas la réputation de chercher à changer quatre trente sous pour une piastre.
En apparence, pas le timing idéal
L'investissement arrive à un moment qui n'apparaît pas si idéal. Une dizaine d'analystes recommandent l'achat du CN, mais près du double recommandent de le conserver. La cible moyenne n'est qu'à 75$.
En présence d'une telle photo, on préférera généralement faire une allocation de capital ailleurs.
Sur le terrain, quelques feux jaunes clignotent d'ailleurs.
On en parlait dans une récente chronique, il y a de la grogne chez les expéditeurs quant à la qualité des services offerts et quant aux prix. Les trains sont notamment souvent en retard dans leurs livraisons. Pendant ce temps, plusieurs estiment qu'il manque de concurrence et que les prix de transport sont trop élevés.
Toutes sortes de propositions sont actuellement sur la table. Des acteurs de l'industrie estiment qu'il faudrait ouvrir le secteur ferroviaire à d'autres transporteurs en donnant le contrôle et la gestion des voies à une société d'État. D'autres réclament l'implantation d'un système d'ententes de service où seraient énoncés les rôles et les responsabilités de chacun. D'autres enfin demandent la mise en place de rapports de rendement (il s'agirait de fixer des objectifs à atteindre pour les sociétés de chemins de fer) et la désignation d'un ombudsman qui pourrait sanctionner le manquement à ces rendements.
Un comité d'examen fédéral a récemment remis un rapport provisoire où il recommande au gouvernement de ne pas intervenir avant 2013, afin de donner au CN et au CP le temps d'apporter des solutions aux différentes doléances. On le voit cependant, le spectre de l'intervention du régulateur plane sur le secteur. La marge bénéficiaire des transporteurs pourrait bien être sous pression à plus long terme.
Ca sent Warren Buffett
Pourquoi Bill Gates renforce-t-il alors sa position?
Il se pourrait qu'il ne croit pas vraiment à une future intervention réglementaire, et ait plutôt foi dans le flair de son grand ami Warren Buffett.
Coïncidence ou pas, l'acquisition est survenue quelques jours seulement avant la parution de la lettre de Buffett à ses actionnaires.
L'oracle y souligne que le fait saillant de 2010 a été l'acquisition de Burlington Northern Santa Fe, une société du rail qui, dit-il, fait encore mieux que ce dont il espérait. Cette acquisition en elle-même devrait accroître le potentiel normalisé de bénéfice (earning power) de Berkshire de 40% avant impôt, et 30% après.
L'an dernier, avec un seul gallon de diesel, BNSF a en moyenne réussi à faire faire 500 milles de distance à chaque tonne de marchandise. Une performance record, mais aussi une performance d'efficacité de trois fois supérieure à celle des camions.
Buffett, qui n'est pas sans soulever au passage l'important avantage de coûts que procure cette situation, ajoute que, au fil du temps, le déplacement de biens va augmenter aux États-Unis et que BNSF devrait obtenir sa pleine part de gain.
BNSF n'est plus disponible, mais pourquoi ne pas en rajouter encore un peu au CN pourrait bien s'être dit récemment Gates. D'autant qu'en ce qui concerne le nombre de biens transportés, le Canada bénéficie d'un effet de levier intéressant si la demande mondiale en ressources continue de grimper.
Temps de prendre le train avec Bill Gates?
À court terme peut-être pas, à long terme, il se pourrait bien.