La Caisse de dépôt du Québec rapporte un rendement de 3,6% pour les six premiers mois de 2011. Satisfaisant. La Caisse de dépôt finance l'ouverture d'une usine de papiers domestiques de Kruger à Memphis plutôt qu'au Québec. Oups, faux pas.
D'abord quelques mots sur les résultats semestriels de la Caisse. À 3,6%, le rendement est supérieur à celui de la médiane des caisses de retraite canadiennes de l'univers RBC Dexia, qui se situe à 2,2%. L'institution se classe même dans le premier quartile des gestionnaires.
La comparaison est boiteuse parce que la plupart des autres caisses de retraite ne possèdent pas de capacités de placement privés ou immobiliers.
Une autre façon d'analyser la performance de la Caisse est de comparer le rendement de ses catégories d'actifs avec leurs indices de référence. La performance de la Caisse est en ligne avec leur rendement, ce qui à première vue n'est pas extraordinaire. Mais les indices liés au placement privé et à l'immobilier ne sont pas d'une fiabilité très grande à court terme. Ce qui fait que la performance est satisfaisante.
Le faux pas Kruger
Dans le contexte, c'est surtout le financement de la Caisse accordé à l'entreprise Kruger pour qu'elle établisse une nouvelle usine de papiers domestiques à ses installations de Memphis, aux États-Unis, plutôt qu'à celle de Crabtree, au Québec, qui risque de faire parler.
La Caisse prête 211 M$ sur un projet total de 316 M$ US. Jusqu'à récemment, Investissement Québec courtisait l'entreprise pour qu'elle établisse son usine dans la MRC de Joliette. On ne sait trop ce qui était offert par Investissement Québec, mais on sait que le Memphis-Shelby County Industrial Developpement Board, un organisme public de développement économique de Memphis, a offert, lui, 45 M$ de crédits d'impôt sur 15 ans.
La direction de la Caisse a défendu son investissement en indiquant qu'il était dans sa mission de soutenir les entreprises québécoises qui désirent prendre de l'expansion à l'extérieur du Québec. Monsieur Sabia a notamment parlé de la nécessité de créer d'autres Cirque du Soleil, Bombardier, SNC-Lavalin, Couche-Tard, etc.
C'est bon, on en est.
Kruger a choisi Memphis parce qu'elle visait le marché américain, a-t-on aussi fait valoir. La composante transport est un élément déterminant.
On suit toujours.
Et la Caisse n'a pas renié sa mission de développement économique du Québec parce qu'elle n'a été approchée qu'après que la décision d'aller à Memphis eut été prise par la compagnie.
Humm…
Là où l'on suit moins
Là où l'on suit moins
Il n'a pas été facile d'avoir le portrait juste de la situation. Malheureusement, des zones d'ombre subsistent qui sont difficiles à éclaircir.
On s'est d'abord demandé comment Kruger avait pu choisir d'aller à Memphis avant même d'avoir fait des approches de financement. Ou, dit autrement, si la Caisse ne pouvait pas, par sa décision d'accorder le financement, avoir été l'élément permettant d'aller à Memphis.
Kruger nous est revenue en journée pour préciser qu'elle avait effectivement fait des démarches auprès d'un syndicat d'une douzaine d'institutions financières avant de prendre sa décision. En cours de route, elle dit cependant avoir contacté la Caisse. On croit comprendre que c'est pour se joindre au syndicat, mais ce n'est pas clair. À ce moment, la Caisse aurait indiqué qu'elle était intéressée à financer le projet, mais seule.
Kruger dit qu'elle a accepté la proposition parce qu'elle trouvait plus facile de faire affaires avec un seul interlocuteur plutôt que douze.
La plus importante zone d'ombre arrive ici.
Kruger dit avoir approché la Caisse de dépôt il y a plusieurs mois pour financer Memphis. Or, ce n'est, de l'aveu même de la compagnie, que "très, très récemment" que le gouvernement du Québec et Investissement Québec ont été informés du fait que Memphis avait été choisie.
Pourquoi s'est-il écoulé tant de temps?
-Parce qu'on n'était à l'époque pas aussi certain qu'on le dit aujourd'hui d'aller à Memphis?
-Parce qu'on se disait qu'en attendant de signer formellement avec Memphis il n'y avait pas de mal à laisser du temps à Québec pour qu'il revienne éventuellement avec des propositions améliorées?
On le voit, tout n'est pas si clair quant à la fermeté de la décision arrêtée. Il nous faut faire un acte de foi dans la version originale.
Et si l'on suit celle-ci, si tout était vraiment décidé, pourquoi la Caisse ne disait-elle pas à Kruger de jouer franc jeu avec Investissement-Québec et le gouvernement? En leur indiquant que tout était réglé. Elle voyait toujours bien passer les manchettes des médias.
La Caisse aurait-elle dû s'abstenir?
Le problème autour de la version de la Caisse, c'est que, même si elle est véridique, il restera toujours un doute dans l'esprit public sur son comportement.
Il y avait un syndicat bancaire disposé à financer, dit-on. Il aurait été plus sage de le laisser faire.
Il ne s'agit pas de dire que la Caisse ne doit pas accompagner nos entreprises à l'étranger. C'est la recette. Seulement, lorsque le rendement à obtenir peut être conflictuel avec un intérêt économique local, et qu'il y a du financement ailleurs, elle devrait demeurer sur les lignes de côté.
La Caisse a fait un faux pas et devrait le reconnaître.