"Juste pour être sûr que l'on a bien saisi: pour l'inscription à Londres, il n'y aurait pas de frais supplémentaires, ou peu de frais, n'est-ce pas?"
Le doute nous habitait depuis le début, et c'est un peu gêné que l'on a posé la question à Alain Miquelon, patron de la Bourse de Montréal, lundi.
Réponse: il n'y aura pas d'inscription automatique sur les deux bourses (Toronto et Londres) et si une société canadienne veut être sur les deux, il y aura des coûts supplémentaires.
Combien? Bien que l'on répétait vouloir mettre tout en œuvre pour faciliter l'inscription aux deux places boursières, personne n'était encore capable de nous le dire mardi.
La réponse est une indication tout à fait contraire à ce que l'on avait compris jusqu'à maintenant et à ce que la plupart de nos confrères et consoeurs avaient aussi compris.
La difficulté à fournir plus d'éclairage n'apparaît pas très prometteuse quant au prix de "l'interlisting", et est certainement une forte déception par rapport à ce qui avait été compris du projet.
Le regroupement était particulièrement intéressant en ce qu'il devait accorder aux sociétés canadiennes une vitrine à la Bourse de Londres, vitrine qui leur permettait d'accroître leur visibilité sur les marchés européens, et potentiellement ensuite y lever des capitaux.
S'il faut payer encore substantiellement pour gagner cette visibilité, on ne voit plus un très grand gain par rapport à aujourd'hui. Les entreprises canadiennes ont déjà la possibilité d'aller s'inscrire en double à la Bourse de Londres.
Ca ne veut pas dire que le projet n'est pas gagnant pour le Canada. Il y a toujours de l'attrait à avoir une bourse à multiples plateformes (Toronto, l'Ouest et Londres) spécialisées dans les ressources naturelles. Elle demeure susceptible d'attirer d'autres entreprises du secteur, particulièrement en provenance des États-Unis. Ce qui peut créer un peu de paperasse juridique et d'activités de financement. Mais disons que pour nos entreprises, ça apparaît aujourd'hui moins intéressant que ce que l'on croyait initialement.
Et l'impact pour Montréal de l'exclusivité des produits dérivés?
Autre question qui nous taraudait: combien d'ingénieurs financiers travaillent au développement de nouveaux produits dérivés à Montréal?
Attachez bien votre tuque: 4-5.
- Tu veux dire 45?, nous a demandé notre patronne.
- Non, non, 4-5.
Ok, n'allons cependant pas trop vite.
L'enjeu pour Montréal n'apparaît pas en être un de concepteurs, mais plutôt de technologie. Sur les 225 employés que compte la bourse, l'équipe techno représente la moitié de l'effectif. Une fois un produit pensé, il faut en effet notamment construire sa plateforme de négociation.
Londres veut accentuer le nombre de produits dérivés sur ses actions, développer de nouveaux produits, et éventuellement implanter de nouvelles plateformes de négociation et de nouveaux produits dans les pays émergents. Avec l'équipe de Montréal aux commandes.
Pari gagné?
Ce ne sera pas chose facile, particulièrement avec l'acquisition d'Euronext (Bourse de New York) par Deutsche Börse, qui vient créer un joueur encore plus puissant dans le dérivé.
Il y a cependant probablement moyen de se tailler une place dans un marché de niche comme celui des ressources naturelles.
Bien qu'on ne parte pas d'une forte base de concepteurs de produits, si vraiment Montréal a charge de toutes ces activités, l'effet de levier apparaît potentiellement important sur son effectif. Plus important en fait que si l'on reste seul et qu'il nous faut batailler contre Chicago et le nouveau géant, sans l'avantage du nom (Londres) et de la taille.
Pour Montréal la fusion reste donc potentiellement porteuse.
La question est cependant aussi de savoir si, dans l'éventualité d'une fusion subséquente, ces gains tiendraient. Postulons par exemple que le CME de Chicago en vienne à avaler la Bourse de Londres. Qu'arriverait-il à terme à l'ensemble de l'équipe de concepteurs et de programmeurs de Montréal?
Le risque est important que s'en suive une importante attrition de personnel. Sous le niveau actuel (celui du statu quo)?
Il est difficile d'entrevoir quel type de garanties peuvent être obtenues pour éviter pareil scénario.
On demeure en faveur du projet, mais avec beaucoup moins d'enthousiasme.