François Pouliot: AbitibiBowater, avenir prometteur ou sombre?
Et la voilà de retour. Après neuf mois passés sous la protection de la loi, AbitibiBowater revient sur le marché boursier. Qu'en penser?
D'abord voyons voir à qui nous avons maintenant affaire.
Ce à quoi ressemble la nouvelle Abitibi
Ce n'est plus du tout le même géant. La compagnie a en fait fondu de presque la moitié. Elle a fermé 3,5 millions de tonnes de capacité, ou 42% de son potentiel d'avant restructuration. De trente et une unités de production, elle est passée à dix-huit.
La papetière n'est plus non plus quasi-exclusivement une géante du papier journal. Près de 39% de ses revenus proviennent toujours des journaux, mais 38% viennent du papier glacé et du papier commercial (photocopieur, imprimante, etc.). Le reste vient à 14% de la pâte et à 9% du bois d'œuvre.
Surtout, sa dette a radicalement fondu. Elle qui s'élevait à plus de 8G $ US n'est plus guère que de 1 G$ US.
Abitibi est-elle toujours aussi fragile?
Au sortir de la protection de la loi, évidemment que non.
La compagnie peut compter sur des liquidités de 700 M$ US. Ses dépenses en intérêts et en immobilisations ne devraient pas dépasser 220 M$ par année, ce qui lui permet de faire au moins trois ans si ses flux de trésorerie tombent à zéro.
Or ceux-ci sont loin d'être à zéro. Ils devraient atteindre plus de 280 M$ en 2010.
À court et moyen terme, donc, aucun problème de fragilité.
À long terme, c'est plus embêtant. À l'heure des tablettes numériques, qui risquent de continuer d'ajouter de la pression sur l'industrie du papier journal, il se trouve toujours plusieurs points d'interrogation.
Ce n'est pas pour rien que la débenture d'Abitibi échéant en 2018 porte intérêt au taux de 10,25%. Le niveau est indicateur d'un risque financier qui demeure relativement prononcé à long terme.
Combien vaut AbitibiBowater?
C'est une question à laquelle il n'est jamais simple de répondre. Particulièrement lorsque le secteur cyclique.
D'autant qu'à peu près personne n'a encore amorcé le suivi du titre.
J.P. Morgan, qui suit la débenture d'Abitibi, estime que la compagnie devrait générer en 2010 un BAIIA (bénéfice avant intérêts, impôt et amortissement) ajusté de près de 340 M$ US. La maison identifie trois sociétés comparables: Catalyst Paper, Verso Paper et Noske Skog.
Ces sociétés se négocient actuellement en moyenne à 12,43 fois le BAIIA 2010.
En transportant ce multiple au BAIIA d'Abitibi, son titre devrait se négocier à plus de 30$ US. Il se négocie plutôt actuellement à 21,75$ US.
Poussons une année plus loin. J.P. Morgan prévoit que le BAIIA d'AbitibiBowater devrait presque doubler pour atteindre 630 M$ US. La moyenne des multiples des trois comparables sur 2011 est à 6,86 fois. En adaptant, on obtient une valeur de titre à 31,50$ US.
En apparence, le titre de la papetière apparaît donc actuellement sous-évalué par le marché.
On passerait tout de même. Il y a beaucoup de pièces mobiles avec le prix du papier journal, ceux du papier glacé et non glacé, de la pâte, du bois d'œuvre, les fluctuations de la devise, etc.
Il est en fait malheureusement pratiquement plus facile de prédire l'imprévisible que de prédire AbitibiBowater…