On écrivait mercredi soir, quelques minutes après l'assermentation de la nouvelle économique libérale, que des tensions sociales se dessinaient au Québec. Et bien voilà, moins de 24 heures plus tard, on y est.
Essentiellement, le gouvernement gèle l'embauche dans la fonction publique, limite le temps supplémentaire, abaisse sa publicité et demande aux sociétés d'État de faire de même.
Au total, Québec dit avoir besoin de trouver 3,7 G$ pour parvenir à la cible budgétaire 2014-15 (un déficit de 1,75 G$). Les mesures annoncées jeudi ne permettent de récupérer que 1,8 G$.
Bref, on n'a même pas la moitié du chemin de fait.
Où le gouvernement trouvera-t-il le reste des sommes nécessaires?
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Il ne s'agit pas ici d'une situation où l'on peut grappiller à gauche et à droite. Le grappillage est déjà dans les 1,8 G$ identifiés. Il y a sans doute moyen de trouver d'importantes économies en révisant la pertinence de programmes comme se propose de le faire le gouvernement, mais cet exercice prendra nettement plus d'un an. Il faut faire attention de ne pas répéter les erreurs du passé, qui nous ont parfois amené à faire des coupes aux mauvais endroits, ce qui a fait grimper d'autres coûts plus tard (notamment dans les hôpitaux).
Il faut donc un grand coup, et rapidement. Comme Québec ne veut pas toucher aux services à la population, où peut-on trouver l'argent?
Il y a apparemment un 500 M$ qui pourrait être récupéré en étalant sur deux ans la hausse de rémunération consentie aux médecins. Ça ne va pas faire le bonheur des disciples d'Esculape, et probablement pas non plus celui du ministre de la santé, mais il est difficile de voir comment cet étalement peut ne pas se faire.
Parfait. Il reste 1,4 G$ à aller chercher.
Les conventions collectives prévoient une augmentation de 2% des salaires des employés de l'État au 1er avril 2014. L'enveloppe salariale était de 37,3 G$ en 2013-14. Grosso modo, c'est 750 M$ qui peuvent être récupérés si on décrète par loi une annulation de cette hausse.
Il y a quelques jours, s'appuyant sur des sources gouvernementales, La Presse, indiquait qu'un gel des échelons d'emplois permettrait aussi d'épargner de 600 à 700 M$.
Voilà pour les gros morceaux qui peuvent permettre d'espérer atteindre la cible budgétaire en 2014-15.
Faut-il mettre la recette en marche?
Faut-il mettre la recette en marche?
La difficulté avec cette recette, c'est qu'il est difficile de voir son impact sur l'économie et sur les revenus de l'État. Les libéraux comptaient stimuler l'économie en injectant 1,5 G$ de plus en travaux d'infrastructures cette année, avec quelques petits programmes d'accompagnement. Le chiffre est à mettre en relation avec le 3,7 G$ qui devait être injecté et ne le sera pas si l'ensemble des mesures de resserrement sont mises en place.
Ainsi surviennent les spirales de l'enfer, qui rendent si difficiles les redressements financiers et économiques.
Le gouvernement soutient qu'il va quand même aller de l'avant avec les crédits d'impôt sur la rénovation (100 M$ de dépenses additionnelles) et les mesures destinées à l'industrie forestière (53 M$).
Une décision qui ne manquera pas d'être critiquée, mais qui témoigne qu'il est aussi bien conscient qu'il ne faut pas que l'économie ralentisse davantage.
Que faire?
-Quelque chose nous dit que le gouvernement s'entendra ou forcera les médecins à rééchelonner. Ils ont de gros salaires. La ponction devrait en outre théoriquement davantage toucher leur niveau d'épargne que l'activité économique de la province.
-Il va probablement de même tenter de régler avec les salariés de l'État pour quelque chose de mitoyen.
-Maintenant que l'on peut de nouveau avoir recours à l'ostentatoire, il va sans doute finalement étendre quelques chapelets sur la corde à linge en priant pour que la baisse des recettes provenant de l'impôt des entreprises ne soit qu'un phénomène passager.
Au final, la cible budgétaire ne sera pas atteinte. Et dire qu'il y a deux semaines encore, tout le monde parlait de baisses d'impôt.
Ridicule.
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