Est-ce la commission Charbonneau ou le fait qu'il est souvent répété que le crédit d'impôt achève? Depuis plusieurs semaines, on a eu l'impression que le Fonds de solidarité avait baissé les bras face à la décision du fédéral de lui retirer graduellement son crédit d'impôt.
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Surprise, c'est un Gaétan Morin bien déterminé à ne pas lâcher le morceau que l'on a rencontré il y a quelques jours.
Son argumentation des «cinq trous» dans le financement des entreprises (que le Fonds aide à combler) est nouveau.
Essentiellement, le Fonds entend faire valoir au fédéral son importance sur cinq plans :
> Les régions du Québec (69 % de ses investissements s'y trouvent) ;
> Les PME (70 % de ses investissements concernent des financements de moins de 1 million de dollars) ;
> Le démarrage de projets risqués (il représente plus de 50 % du capital d'amorçage au Québec) ;
> Son incontournable présence dans certains secteurs (comme les sciences de la vie).
> La bouée de sauvetage qu'il constitue lors de situations de crise (en 2009, plusieurs grandes entreprises avaient eu besoin du Fonds).
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Des chances de succès ?
M. Morin dit avoir l'appui de beaucoup de monde, et malgré toutes les controverses, il bénéficie effectivement d'un bon soutien. Un vote unanime de l'Assemblée nationale, des résolutions de PME et d'organismes comme le Conseil du patronat, une pétition de 80 000 noms, de même que 20 000 courriels envoyés au ministère des Finances du Canada.
La nouvelle croisade est cependant loin d'être gagnée. Le gouvernement conservateur a l'habitude d'être bien ancré sur ses principes. Et il n'est pas sans avoir quelques appuis non plus.
Depuis quelques années, des voix s'élèvent quant à la taille du Fonds et à son coût pour les finances publiques.
En 2013, le Fonds aura par exemple privé Québec et Ottawa de plus de 250 M $ (230 M $ en 2012) en raison des crédits d'impôt accordés.
De plus, près de la moitié des 787 M $ qu'il a recueillis en 2013 ne seront investis que dans des actions ou obligations de grandes sociétés qui n'en ont pas besoin. C'est que le Fonds n'a pas le choix de gérer le risque qu'il fait courir aux détenteurs de parts. Il ne peut non plus tout mettre en capital de risque.
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Qui a raison ?
Les pourfendeurs du Fonds de solidarité ne sont pas sans arguments.
Aucun n'a cependant présenté à ce jour une option qui garantisse un levier aussi puissant pour le financement des entreprises d'ici. Ni fait la démonstration d'une surabondance de capitaux pour celles-ci.
Selon KPMG, en 2012, le Fonds a injecté pour 908 M $ en capital de développement (placements à risque non garantis). C'est 3,3 fois le coût de la contribution des gouvernements. En 2013, il était anticipé que le Fonds injecterait 521 M $, soit deux fois le coût de la contribution des gouvernements.
Pour remplacer le crédit d'impôt, le fédéral veut plutôt injecter 400 M $ sur 7 à 10 ans (de 40 à 57 M $ par année) dans des fonds de capital de risque. À strictement parler, il n'y a pas de coût pour lui (en présumant que l'argent n'est pas perdu), mais on n'a pas encore idée de l'effet de levier qu'auront ces 400 M $ sur le capital de risque au Canada. D'un point de vue québécois, en présumant que la province récolte 25 % de l'enveloppe, on ne se retrouve en outre qu'avec un effort fédéral de 10 à 15 M $ par année (comparativement à environ 125 M $ actuellement).
Le coût est moindre pour le gouvernement fédéral, mais de combien de revenus indirects potentiels se prive-t-il, et prive-t-il le Québec ?
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L'impact du retrait
Personne ne sait exactement ce que donnera le retrait du crédit d'impôt fédéral. Mais il est assuré que son absence le rendra moins séduisant pour les investisseurs. Dans un tel scénario, KPMG estime que l'enveloppe d'investissement en capital de développement pourrait fondre de 521 à 250 M $ en 2018.
Étant donné l'incertitude des retombées fédérales, a-t-on les moyens de courir le risque de se priver de 250 M $ (la moitié des investissements du Fonds) en capital de développement chaque année ?
Dans le milieu des affaires, la question pourrait bien devenir le principal enjeu de l'élection fédérale de l'an prochain.
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