BLOGUE. C'était il y a quelques années, au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 et de ses désastreuses conséquences pour l'industrie aéronautique.
Paul Tellier avait été appelé en renfort et tentait de mettre de l'ordre chez Bombardier, qui traversait alors l'un des pires moments de son histoire. Assez vite, M. Tellier en vint à la conclusion que l'entreprise avait besoin d'être recapitalisée et qu'il fallait nécessairement se départir de la division des produits récréatifs. Cela voulait dire vendre Valcourt et ses motoneiges, le symbole de l'entrepreneuriat québécois.
L'anecdote veut que Pierre Beaudoin n'ait pas été du tout d'accord et ne se soit pas gêné pour l'exprimer à M. Tellier. La fibre familiale et nationale est forte chez les Bombardier-Beaudoin, personne n'en a jamais douté.
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Les dernières années n'en ont cependant pas moins amené quelques épisodes où le doute a pu s'installer chez certains.
Il y a quelques jours, BRP, dans laquelle la famille Bombardier-Beaudoin a toujours une participation, annonçait qu'elle délocaliserait l'assemblage de ses motomarines au Mexique.
Le même pays où, en 2005, Bombardier Aéronautique investissait 200 M$ US pour une usine de harnais électriques, usine qui, depuis, fait certains assemblages et compte plus de 1 800 employés.
Il y a aussi le Maroc, où Bombardier Aéronautique veut investir 200 M$ US.
Fibre nationale en baisse ?
En rencontre éditoriale, on a un peu talonné M. Beaudoin là-dessus.
Deux éléments de réponse intéressants.
> Bombardier n'a pas le choix de demeurer concurrentielle. Si elle ne l'est pas, il y aura moins d'emplois ici.
> Pour développer de nouveaux marchés, il faut parfois être prêt à faire des investissements dans ces marchés. Cela ne veut pas dire qu'il ne se crée pas d'emplois ici. Exemple : le Brésil. Bombardier Transport n'y aurait pas eu un important contrat de monorail si elle n'y avait pas construit une usine. Ce contrat sert bien Kingston où est installé son centre de design mondial.
De la discussion sur la délocalisation, on est ensuite naturellement passé à une discussion sur Comac, le constructeur aéronautique de la Chine. Celui-ci vient de signer une entente de coopération avec Bombardier pour des achats en commun, le développement de systèmes électriques et d'interface de tableaux de bord, et pour le service après-vente.
Il s'agit d'un essai. Il est cependant clair que si les choses vont bien, M. Beaudoin a bon espoir d'élargir le partenariat. À première vue, celui-ci semble avoir quelque chose de gagnant. Comac travaille au développement du C919, un gros porteur de 150 passagers. Exactement au-dessus de la famille CSeries. Pourquoi Bombardier n'offrirait-elle pas un jour le C919 et les Chinois la CSeries ? On ne serait pas loin de la naissance d'un troisième constructeur mondial.
D'où cette question : si vous receviez un jour une offre d'achat, pour la société dans son ensemble ou une partie ?
Réponse : elle serait évaluée au mérite de la création de richesse. «Si c'est une proposition qui crée plus de valeur, on va la considérer», a dit M. Beaudoin.
Attention, il ressort de l'entretien que Pierre Beaudoin est nettement favorable à une croissance interne, avec la famille CSeries notamment.
Quand même. La réponse nous a étonné. Qu'est-ce qui l'emporterait cette fois : la fibre nationale ou les forces du marché ?
françois.pouliot@tc.tc