Que retenir du débat économique de vendredi devant la Chambre de commerce de Montréal? Deux choses. Un, la probabilité est très forte que les libéraux soient sur le point de reporter la date de l'équilibre budgétaire qu'ils avaient en mire. Deux, il est malheureux que l'on n'ait pas plus de transparence de la part de l'appareil administratif québécois.
C'est à un bon échange auquel se sont livrés les représentants économiques Nicolas Marceau (PQ), Martin Coiteux (PLQ) et Christian Dubé (CAQ).
Le débat est allé dans plusieurs directions, mais, si on a bien suivi le discours de Martin Coiteux, le Parti libéral devrait prochainement annoncer qu'il a abandonné sa volonté d'atteindre l'équilibre budgétaire en 2014-15.
Il y a quelques semaines, après un quiproquo, le chef Philippe Couillard était fermement revenu pour dire qu'il fallait ramener les finances à l'équilibre en 2014-15. Le gouvernement propose actuellement le retour à l'équilibre pour 2015-16. La CAQ vise 2014-15.
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La puce nous est venue à l'oreille lors d'une passe d'armes avec Nicolas Marceau. Monsieur Coiteux a insisté sur le besoin d'augmenter les investissements en infrastructures dans le cadre d'un plan de relance de l'économie. Il a soutenu qu'il valait mieux avoir de la "bonne dette", plutôt que de la "mauvaise dette". Traduction maison: il vaut mieux augmenter les investissements en infrastructures, ce qui permettra d'accélérer la croissance de l'économie et de renflouer le déficit, plutôt que d'avoir des investissements plus faibles, mais une économie qui stagne, et un déficit budgétaire qui s'étire sur quelques années. Au final, on arrive au même niveau de dette, mais on n'a rien construit d'utile.
Monsieur Marceau a fait remarquer que monsieur Coiteux se gardait bien d'expliquer comment dans pareil contexte il pourrait atteindre les cibles dette/PIB qui sont prévues au cadre budgétaire (et à la loi sur le déficit). Il faut en effet un certain temps entre le moment où on augmente des investissements et celui où les retombées se présentent dans le PIB.
Monsieur Coiteux n'a pas vraiment fourni de précisions.
Le représentant libéral a ensuite parlé de quelques annonces effectuées par le parti depuis le début de la campagne: le soutien aux PME, la politique maritime, la relance du Plan Nord, etc.
Il a ensuite longuement parlé de la nécessité de couper dans la bureaucratie et réinvestir dans les services. Mais, et c'est ici que ça se joue, il a soutenu que le plan de la CAQ d'y aller de "coupes à la mitraillette" ne tenait pas la route et allait nuire à l'économie.
À moins d'être magicien, il difficile de voir comment on peut espérer atteindre l'équilibre budgétaire en 2014-15 avec un tel scénario. Le programme de la CAQ est forcé de lourdement compresser le budget pour amener le tout à l'équilibre en 2014-15. La déclaration sur les coupes à la mitraillette illustre que ça ne semble pas être ce vers quoi se dirigent les libéraux. Or, ils ajoutent de surcroit des dépenses au cadre budgétaire actuel.
Avant de quitter la salle, on a demandé à monsieur Coiteux si l'objectif était toujours d'atteindre l'équilibre en 2014-15. "Vous verrez cela quand on dévoilera notre cadre", a-t-il d'abord dit. Puis, il a plus loin précisé que le gouvernement laissait malheureusement derrière lui une situation qui était aggravée.
Il aurait était plus simple de répondre que 2014-15 demeurait la cible. C'est pourquoi on dit que ça sent très fort le report de l'équilibre budgétaire au PLQ.
Le fameux bras de fer Marceau-Dubé
Le fameux bras de fer Marceau-Dubé
L'autre élément intéressant du débat touche la promesse de retour d'impôt de 1000$ aux familles de la CAQ.
Christian Dubé a de nouveau soutenu qu'il serait possible d'atteindre l'équilibre budgétaire dès cette année (2014-15) et que, sur quatre ans, l'impôt serait retourné aux citoyens sous diverses formes.
Plusieurs mesures sont avancées pour parvenir à l'objectif (révision des contrats informatiques, lutte à la corruption, etc.). La pièce maîtresse de l'affaire réside cependant dans le gel de la fonction publique. La CAQ postule qu'il est prévu que 35 000 postes s'ajoutent dans le secteur administratif sur la période (20 000 postes équivalent temps complet). En empêchant que ceux-ci se créent, elle parvient à obtenir des économies.
Monsieur Marceau a cependant répété que ces 35 000 ajouts sont objets de fabulation, et que le budget ne prévoit aucune création de nouveaux emplois.
Qui dit vrai?
On a demandé à monsieur Dubé s'il avait eu une confirmation d'un ministère sur la création d'emplois qu'il projetait. Il dit avoir fait plusieurs demandes, et ne jamais avoir reçu de réponse réelle. Il soutient même qu'on a été jusqu'à lui dire qu'on ne le savait pas.
Il n'a donc eu d'autre choix que de se rabattre sur une projection de la croissance du nombre de postes ces dernières années.
Il est difficile de croire que l'appareil administratif ne soit pas en mesure d'être plus précis sur la situation anticipée quant au nombre de postes.
Le programme de la CAQ est au cœur de la campagne, et, de la façon dont vont les choses, les électeurs ne semblent pas pouvoir juger du réalisme de sa proposition avant le jour du vote.
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