Il n'aura pas fallu longtemps aux gros chiffres pour sortir. Le PLQ promet la création de 250 000 emplois sur cinq ans, alors que la CAQ promet un contrôle des dépenses qui permettra, à terme, de retourner 1000$ aux familles. Engagements réalistes ou poudre aux yeux?
D'abord sur l'engagement libéral de créer 250 000 emplois.
On a souri quand on a vu les premières manchettes tomber. La dernière politique économique du gouvernement du Québec (celle du PQ) prévoit 1,3 G$ pour la création de 43 000 emplois sur trois ans. Toute proportion gardée, c'est autour de 7,5 G$ qu'il faudrait investir pour 250 000 jobs. De l'argent que nous n'avons évidemment pas. D'où le sourire.
Il s'avère cependant que monsieur Couillard englobe dans ce chiffre de 250 000, la création naturelle d'emplois qu'amène chaque année la simple croissance de l'économie. C'est nettement plus réaliste. Il vise une moyenne de 50 000 emplois par année, et il s'en est en moyenne créé 46 000 dans les quatre dernières années.
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Plus réaliste ne signifie pas pour autant facile. La prévision de création du gouvernement pour 2014 est à 44 800 emplois et celle 2015 à 42 000. Des chiffres qui comprennent en outre l'impact de la politique économique annoncée.
C'est donc dire que pour se rendre à l'objectif de monsieur Couillard, il faudra soit une politique économique nettement plus performante que celle du PQ, soit des injections de fonds supplémentaires. On n'a pas vraiment d'argent supplémentaire de disponible, et les exemples cités par monsieur Couillard comme améliorations à la politique économique laissent perplexe.
Rétablir la cadence d'investissement dans les infrastructures aura un impact sur la dette, les investissements avaient justement été réduits parce qu'ils causaient des difficultés budgétaires. La relance du Plan Nord est davantage tributaire de l'évolution des prix des matières premières que d'une décision politique. Un crédit d'impôt à la rénovation n'est généralement pas très structurant: il déclenche des devancements de travaux, mais il y a toujours un ressac. Il semble y avoir une idée du côté de l'abaissement de la fiscalité des entreprises, mais il faudra encore une fois voir quel impact la mesure aurait sur le cadre budgétaire.
Bref, l'engagement de 250 000 nouveaux emplois n'est peut-être pas irréaliste, mais il n'est assurément pas très appuyé.
Le retour de 1000$ aux familles
Le retour de 1000$ aux familles
C'est le projet de la CAQ.
Essentiellement, le parti règle le problème du déficit de l'année qui approche (1er avril) avec des compressions dans les travaux informatiques, dans la croissance de la main-d'œuvre, mais surtout avec une formidable coupe de 450 M$ dans les crédits d'impôt accordés aux entreprises. C'est l'équivalent de 20% de l'enveloppe totale de 2,4 G$. La coupe est cependant temporaire. L'argent revient l'année suivante, avec des réaménagements qui feront que certaines entreprises en recevront autant qu'aujourd'hui, d'autres plus, et d'autres moins. Certaines n'en auront plus.
La mesure risque de créer un certain brouhaha chez les entreprises. Mais on aime bien le principe du retour à l'équilibre budgétaire un an avant l'échéance. Plutôt d'accord avec l'idée donc. Il est en outre temps que l'on examine de plus près cette question des crédits d'impôt.
Le gros du programme de la CAQ est cependant dans l'effort de compression de la croissance des dépenses de l'État. C'est cette compression qui permet de renvoyer le 1000$ par année aux familles.
Il y a 570 000 employés équivalent temps complet dans le système de santé, selon l'estimation de Christian Dubé, l'artisan du cadre financier de la CAQ. Du nombre, 350 000 sont en première ligne et 220 000 à l'administration.
L'idée est de retrancher sur quatre ans 20 000 postes administratifs (par départs à la retraite) et d'affecter les budgets de ces postes aux services de première ligne. On empêchera ainsi l'effectif total de bientôt grimper à 590 000 salariés, en raison du vieillissement de la population et des besoins en santé. C'est cette croissance anticipée des dépenses que l'on retranche
Deux ou trois choses sont à signaler ici.
À Ottawa, le gouvernement Harper est dans un exercice fonctionnel de quatre ans qui devrait avoir conduit à l'élimination de 19 200 postes, soit 4,8% de la fonction publique fédérale en 2014-15 (page 292 du budget 2013).
À Québec, l'effort est de 3,5% si l'on met les 20 000 postes abolis sur le total de 570 000. Il est cependant de 9% si on les met sur le chiffre du personnel administratif uniquement. Sachant que la fonction publique fédérale est beaucoup plus administrative que de première ligne, on serait porté à dire que l'opération que s'apprête à entreprendre la CAQ a nettement plus d'envergure que celle entreprise par les conservateurs. Il ne s'agit pas de faire une relation immédiate de 9% à 4,8% (le ratio grimperait probablement un peu à Ottawa si l'on pouvait ajuster l'ensemble), mais il s'agit quand même de voir que l'effort est majeur.
Or, pour que le 1000$ par famille s'accomplisse, cet effort budgétaire doit arriver EN SURPLUS des récupérations annoncées par le gouvernement dans son dernier budget. On se rappellera que le Vérificateur général avait déjà qualifié cet objectif du PQ d'ambitieux et qu'il avait ensuite échappé le qualificatif "pas raisonnable".
Il y a une assez bonne probabilité qu'une partie du plan de récupérations de la CAQ est déjà dans les chiffres du premier plan de récupérations du PQ (le gouvernement n'a jamais dit véritablement où il ferait ses compressions, mais il a parlé d'un effort nécessaire des salariés de l'État). Dit autrement, la CAQ ne nous indique pas elle non plus où elle trouvera les économies de la première phase de compressions. Et si, comme on le pense, ce qu'elle propose est déjà en partie dans le plan du PQ, elle aura besoin de coupes supplémentaires à quelque part pour la seconde phase qu'elle nous propose, celle du bonbon aux familles.
Il ne s'agit pas de parler de poudre aux yeux, mais espérer ce 1000$ de retour fiscal demande une foi vraiment hors du commun.
Un plus petit retour, alors? Peut-être. Mais c'est le Vérificateur général qui serait alors vraiment confondu, lui qui trouvait le premier effort de compression "pas raisonnable".
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