BLOGUE. Ceux qui disent que cette campagne électorale est sans intérêt et plate sont ceux qui ne la suivent pas. À peine une semaine après son lancement, elle a déjà été ponctuée par plusieurs prises de position et discussions intéressantes.
Trois engagements ont particulièrement retenu notre attention au cours des derniers jours.
-Le PQ qui veut créer une Banque du développement économique;
-la CAQ qui veut donner un médecin de famille à tous en un an;
-le PLQ qui veut créer 250 000 emplois dans son prochain mandat.
La Banque de développement du Québec
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L'engagement du PQ n'est pas sans fondement, mais est incertain sous certains de ses aspects. Essentiellement, ce qu'on en comprend, c'est que l'on transformera Investissement Québec en lui ajoutant un volet "capital patient de démarrage" et en lançant un équivalent de la Banque de développement du Canada (BDC). Le volet "capital patient de démarrage" n'est pas saugrenu, mais il faudrait quantifier son poids. Car, pour un coup de circuit, il risque d'y avoir une dizaine de "strike out". Il reste aussi à voir si le marché a vraiment besoin d'une autre BDC. Il fut une époque où elle occupait pas mal seule le créneau du financement un peu plus risqué, mais il semble aujourd'hui que les banques sont rentrées dans ce marché.
Le médecin de famille accessible à tous
Le docteur Gaétan Barrette expliquait vendredi qu'un an après la prise de pouvoir de la CAQ, chaque Québécois aurait accès à un médecin de famille.
Il s'agit d'aider davantage les omnipraticiens qui accepteraient de prendre plus de patients. Un gouvernement caquiste permettrait d'engager plus d'infirmières, ce qui libérerait les médecins d'une partie de leurs tâches. Il faciliterait de même l'accès aux "plateaux techniques" (tests diagnostiques, échographie, etc.).
Un médecin suit actuellement environ 700 patients. Monsieur Barrette estime que l'on pourrait potentiellement doubler le nombre de patients avec de telles mesures.
La solution semble intéressante. Mais pourquoi avoir placé une échéance aussi courte? Et, surtout, ne pas l'avoir chiffrée?
Les hauts fonctionnaires du ministère de la santé n'ont jamais impressionné la galerie, mais la proposition postule qu'ils sont des ploucs.
Si c'était aussi simple, il y a une assez forte présomption que la formule aurait déjà été implantée. La CAQ aurait avantage à parler des écueils à surmonter. Aussi curieux que cela puisse paraître, ça donnerait de la crédibilité à la démarche.
Pour l'instant, ça paraît trop beau pour être crédible. Du moins en termes d'horizon et de budget.
Les 250 000 emplois des libéraux
Les 250 000 emplois des libéraux
Le développement est un peu plus long ici, mais restez avec nous.
Monsieur Charest promet que les libéraux créeront 250 000 emplois dans le prochain mandat. Un engagement reçu avec scepticisme en certains milieux.
À titre de comparaison, Desjardins, qui est sur le même horizon, parle plutôt de 135 000 emplois.
D'où le scepticisme. Desjardins est peut-être cependant un peu basse dans ses projections de croissance du PIB, avec une moyenne de 1,8%.
Malgré tous les enjeux de productivité et de démographie, il se pourrait bien que la croissance soit supérieure.
Quelque chose nous dit qu'une bonne partie des gains supplémentaires anticipés par les libéraux tient au développement du nord, et, particulièrement, à l'octroi de blocs d'énergie à faible prix à des entreprises de transformation.
L'approche n'est pas nécessairement mauvaise. Mais l'après 2017 soulève des interrogations.
Une bonne partie du Plan Nord repose sur le développement des mines de fer. Il suffit de penser aux 10-13 G$ envisagés pour le lac Otelnuk (Adriana-Wisco), aux 4,5 G$ pour Kémah et Labmag (New Millenium/Tata) et aux 2,1 G$ du Mont-Wright (ArcelorMittal).
Ces projets reposent sur l'hypothèse de la poursuite du super cycle actuel.
Mais voyons de plus près les fondamentaux.
Même si elle ne compte que pour 11% du PIB mondial et 20% de la population, la Chine a consommé l'an dernier environ 50% de l'acier produit dans le monde (de même que de 30 à 40% du cuivre, du nickel, du zinc, du plomb et de l'aluminium).
Pareille demande est insoutenable à long terme, le cycle devra un jour casser.
Plus tôt cette année, la Deutsche Bank évaluait que le cycle du fer pourrait bien se terminer vers 2017, et les prix passer de 130 $ US la tonne qu'ils étaient en début d'année (actuellement autour de 120$) à 80$ US.
Forcément, cela voudra dire des fermetures.
L'idée d'essayer d'attacher de la transformation (avec nos blocs d'énergie) n'est pas mauvaise. Elle pourrait éventuellement faire en sorte qu'une mine qui fermerait en temps ordinaire (faute d'être compétitive avec les pays émergents), maintiendrait sa production.
N'empêche, il nous faut bien jauger le risque d'une économie très lourdement pondérée dans les ressources.
L'économiste Stéfane Marion, de la Nationale, indiquait en début d'année que les investissements dans le monde minier pourraient augmenter de 62% en 2012 pour atteindre 4,4 G$. Ce n'est plus très loin des 5 G$ d'investissements prévus pour le secteur manufacturier.
Si jamais le cycle devait éclater peu après que nos investissements aient été effectués, la structure d'emplois du Québec serait alors à risque d'être lourdement frappée. Et l'on pourrait regretter d'avoir orienté nos efforts de création d'emplois de ce côté.
Entre 135 000 emplois créés en pondération avec l'économie et 250 000 en concentration dans un secteur, mais de façon temporaire, les 135 000 sont probablement préférables. Parce que lorsqu'une économie se déstructure, le ressac peut être drôlement plus important.