C'est à un intéressant débat sur les ressources naturelles du Québec que se sont livrés, il y a quelques jours, Martine Ouellet, François Bonnardel et Jacques Daoust. Plusieurs questions abordées n'étaient pas neuves, mais une nouvelle, dans la campagne du moins, a fait surface: les Québécois sont-ils prêts à payer plus cher pour leur pétrole?
La ministre péquiste et les candidats de la CAQ et du PLQ participaient la semaine dernière à un événement organisé par la Fédération des Chambres de commerce.
On a parlé de l'exploitation du pétrole de schiste sur Anticosti, du prolongement et de la construction du pipeline de TransCanada. Jusque-là, des sujets où les positions étaient somme toute déjà connues.
Est cependant venue la question de la Bourse du carbone.
La nouvelle question de la campagne: faut-il payer plus pour le pétrole?
La CAQ estime qu'il faut mettre la pédale douce sur la réglementation du marché du carbone. Il est notamment prévu qu'en 2015 (l'an prochain), les importateurs et distributeurs de carburant deviendront assujettis à la réglementation. Certains croient que c'est à ce moment que l'on s'attaquera aux automobilistes. Il serait en effet étonnant que les distributeurs de carburant absorbent les coûts liés aux droits d'émission qu'ils devront acheter à même leurs bénéfices. Ils refileront la facture aux automobilistes.
De quel ordre?
C'est là qu'est toute la question. Au mois de décembre, le professeur Pierre-Olivier Pineau, de HEC Montréal, y allait de calculs intéressants.
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L'objectif du Québec est de réduire de 20% l'émission de ses gaz de serre d'ici 2020. L'un des scénarios fait voir que pour obtenir une réduction de 20% en transport, le prix de l'essence devrait grimper d'au moins 0,35$ le litre sur l'horizon.
À première vue, ça n'apparaît pas si déraisonnable, compte tenu de la période.
Mais il n'en reste pas moins que ce sont des coûts supplémentaires qui devront être supportés collectivement.
Monsieur Bonnardel a dénoncé la situation. Jacques Daoust, de son côté, a soutenu qu'il fallait poursuivre l'effort et tenté d'amener d'autres juridictions à s'arrimer au marché du carbone, qui ne compte pour l'instant que la Californie et le Québec. Dit autrement, faire augmenter ailleurs les prix des combustibles de manière à ce qu'on ne soit pas seuls à porter le fardeau de l'effort.
La réponse de madame Ouellet nous a un peu perdus. Elle a d'abord indiqué que les deux principaux outils pour lutter contre le CO2 étaient l'efficacité énergétique et l'électrification des transports. Elle a du même souffle parlé de la Bourse du carbone comme d'un autre outil, auquel était attaché une obligation de bilan annuel et insisté sur le fait qu'il y aurait un bilan. La ministre a ensuite indiqué que la commission sur les enjeux énergétiques du Québec avançait qu'une redevance pourrait être appliquée. Elle a finalement ajouté qu'il fallait tenter d'amener de nouveaux partenaires dans le marché pour améliorer l'efficacité de l'outil, tout en reparlant d'un bilan qui allait être fait.
En point de presse, la ministre a dit ne pas avoir l'intention de faire défection de la Bourse du carbone, mais il a été impossible de bien voir pourquoi elle avait insisté sur le bilan à faire.
Faut-il faire défection de la Bourse du carbone?
Faut-il faire défection de la Bourse du carbone?
Alors que plusieurs redoutent que la réglementation qui l'accompagne n'entraîne une hausse des coûts énergétiques au Québec par rapport aux autres, notre théorie personnelle est qu'un tel scénario ne se produira pas. Et que le Québec ratera par beaucoup sa cible d'abaisser de 20% les gaz à effet de serre d'ici 2020.
C'est que le marché des crédits du carbone est apparié à celui de la Californie. Et que, pendant que le Québec vise une réduction massive de ses émissions, la Californie ne vise que 5%. Autrement dit, l'objectif de la Californie semble trop facilement atteignable, ce qui fera en sorte que les prix des droits d'émission ne grimperont pas tellement. Et s'ils ne montent pas là-bas, ils ne monteront pas ici non plus, nos entreprises émettrices de CO2 ayant la possibilité d'acheter les crédits californiens.
Dans le contexte, on prendrait son temps avant d'abandonner le système. Sa présence inoffensive pendant quelques années pourrait peut-être calmer les craintes dans les autres juridictions et les amener, d'ici deux à trois ans, à se joindre à l'expérience. Il faudrait cependant plusieurs adhésions simultanées, avec des efforts équipollents de chacun.
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