BLOGUE. Ça y est: nous irons aux urnes le 4 septembre. Temps de parler électricité.
On voulait venir sur le sujet depuis quelques jours, mais l'actualité s'est chaque fois bousculée, forçant le report de la discussion.
Deux choses ont été particulièrement étonnantes ces dernières semaines dans le blitz d'annonces préélectorales du gouvernement du Québec. L'arrivée d'une autre usine de cogénération à la papetière White Birch de Québec, et un nouvel appel d'offres pour de l'éolien au Québec. "Bonnes nouvelles" ont semblé unanimement convenir les différents acteurs politiques (le gouvernement par son discours, l'opposition par son silence). Pourtant…
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L'annonce d'une nouvelle usine de cogénération à la Stadacona de Québec nous a d'abord fait sourciller. Attention, on ne dit pas qu'une intervention gouvernementale n'était pas nécessaire sous une forme ou une autre pour rétablir (à tout le moins partiellement) ce qui apparaît une carence de système pour les retraités de l'entreprise. L'intervention visait toutefois beaucoup plus largement, avec l'objectif de préserver le plus possible d'emplois.
Le soupir de soulagement (tout à fait normal) accompagnant l'annonce a curieusement emporté avec lui une question tout de même assez pertinente: à quel coût opère-t-on ce sauvetage?
C'est Hydro-Québec qui achètera l'électricité produite par la Stadacona. Une forme d'appel d'offres pour 150 MW était déjà en cours avec des paramètres prédéterminés. L'électricité sera normalement acquise au coût de 10,6 cents le kilowattheure.
À quel prix sera-t-on capable de la revendre sur le marché américain? Au dernier trimestre, Hydro-Québec a réussi à obtenir 4,7 cents pour ses exportations, grâce notamment à ses transactions sur le marché à terme. Sinon, elle aurait reçu 3,8 cents.
C'est ça, vous voyez tout de suite que quelque chose ne fonctionne pas. Hydro-Québec est assurée de faire une perte avec cette électricité, et qui dit ponction dans son bénéfice, dit aussi transmission automatique aux finances publiques du gouvernement du Québec et obligation de combler la différence à quelque part (généralement en coupant dans les coûts ou un programme ou en haussant tarifs et impôts).
-Bof, il ne s'agit que d'un contrat de 9 MW avec la Stadacona, dira-t-on.
Pas vraiment. Il y a quelques jours on s'est par hasard mis à recenser le nombre d'usines et de projets d'usines de cogénération au Québec. Il y a celle de Fibrek (33 MW), celle de Tembec dans le Témiscamingue (50 MW), celle de Thurso (18,8 MW), celle de Lebel-sur-Quévillon (26 MW), celle de Dolbeau (26 MW), et les autres que l'on ne connaît pas. Bien plus de mégawatts demandés que les 150 de l'appel d'offres.
"Vous savez monsieur Pouliot que la Régie de l'énergie vient d'autoriser un deuxième appel d'offres de 150 MW pour répondre à la demande", a dit Hydro, lorsqu'on lui a présenté le calcul.
Constat: nous sommes en train de pousser la consolidation d'emplois encore plus loin. Et d'ajouter des opérations déficitaires chez Hydro.
Un geste d'autant questionnable, que l'on n'a pas besoin de cette électricité, le Québec étant en surplus pour bien des années encore (sous cet angle, l'électricité achetée à 10,6 cents peut aussi être vue comme n'étant même pas revendue…).
Même question pour l'éolien
Même question pour l'éolien
La situation est à peu près la même pour l'énergie éolienne. Le gouvernement a annoncé qu'un autre appel d'offre de 700 MW serait bientôt lancé pour atteindre l'objectif de 4000 MW prévu au plan stratégique.
La dernière fois qu'on était allé en appel d'offres, c'était en 2008, et la moyenne des projets acceptés était à un prix de 8,7 cents kwh. Cinq ans plus tard, on ne devrait pas être très loin du 10,6 cents de la biomasse.
Il n'y avait pas de réel besoin pour ce nouvel appel d'offres, si ce n'est apparemment 1000 emplois à consolider en Gaspésie.
Pas assez d'électricité dans l'air
Évidemment, pour la biomasse comme pour l'éolien, on dira qu'il faut tenir compte des retombées des emplois sauvés pour le trésor public. Ce n'est pas faux. Mais on aimerait bien avoir plus de chiffres au soutien de ces prétentions. Est-ce que 1000 emplois tomberaient réellement en Gaspésie (certains fournisseurs éoliens sont aussi dans les équipements de gaz naturel)? Et qu'arrivera-t-il de toute façon après la construction des nouvelles éoliennes? Aura-t-on augmenté le tarif de l'électricité pour 20 ans afin de combler le manque à gagner d'Hydro et perdra-t-on de toute façon les emplois après cinq ans? Mêmes interrogations pour les emplois chez les papetières.
Il serait souhaitable que ces questions soient davantage discutées lors de la campagne électorale qui s'amène.
Plus importante encore devrait être la discussion sur cette volonté du gouvernement de justifier le développement des barrages du Plan Nord en comblant les besoins énergétiques du Québec par l'octroi de blocs d'électricité à faible coût (3 cents kwh) à des projets de transformation industrielle.
La stratégie n'est peut-être pas mauvaise. Les nouveaux emplois sont susceptibles de créer une richesse collective plus importante. Alors que l'on a justement des surplus d'électricité. Mais il serait intéressant d'avoir des chiffres et du détail ici aussi. Et de s'assurer que l'on aura vraiment besoin des barrages que l'on veut construire avec le Plan Nord.
Souhaitons donc qu'au cours du prochain mois, il y ait un peu plus d'électricité dans l'air. Comme disait Maurice :"Électeurs, électrices, électricité".