Notre interprétation de la comparution de Jacques Duchesneau devant les parlementaires? Il croit que les enquêtes criminelles seront longues et n'est pas convaincu que l'on pourra envoyer beaucoup de tricheurs et d'escrocs en prison. Mieux vaut agir sur un autre tableau tout de suite et tenter de les sortir de business.
Monsieur Duchesneau a témoigné pendant plusieurs heures mardi devant les parlementaires.
Il a été possible d'en apprendre davantage sur le fonctionnement de la commission d'enquête qu'il suggère pour mettre de l'ordre dans le secteur de la construction. D'importants flous demeurent cependant.
Là où c'est plus clair qu'avant
Le patron de l'unité anticollusion a d'abord parlé d'une commission qui, dans un premier temps, entendrait à huis clos des témoins. Dans une seconde phase, publique cette fois, elle entendrait des professeurs, juristes, des juriscomptables et des ingénieurs qui viendraient témoigner et expliquer la situation.
Interrogé par les parlementaires, il s'est fait un plus précis, évoquant l'exemple australien (qu'il ne nous a pas encore été possible d'étudier).
Si l'on comprend bien, le huis clos permettrait de s'assurer que les langues se délient. Il permettrait cependant aussi aux individus interrogés de faire valoir leurs explications. Si celles-ci sont fondées, des réputations seraient préservées. Si l'histoire est difficile à suivre et des stratagèmes sont soupçonnés, le dossier serait alors déféré à une étape publique. Les individus seraient alors assignés et contre-interrogés de façon serrée avec possibilité de forcer la production de documents.
Jacques Duchesneau recommande de procéder tout de suite avec une commission d'enquête plutôt que d'attendre les conclusions des enquêtes criminelles. Cela permettrait en outre d'éviter que les situations actuelles ne se poursuivent. Les pommes de discorde entre le gouvernement et l'industrie qui surviendraient prochainement (sur un horizon de temps qui n'a pas été précisé) pourraient même être amenées directement au huis clos. C'est ce que monsieur Duchesneau a appelé "fermer les valves du robinet".
Là où ce n'est toujours pas clair
Là où ce n'est toujours pas clair?
À quelques reprises des parlementaires ont cherché à obtenir des précisions sur les conséquences pour les enquêtes criminelles de la tenue d'une commission. Plusieurs juristes redoutent que les éléments de preuve obtenus devant une commission ne puissent être utilisés dans des affaires criminelles. Bref que celle-ci n'empêche un bon nombre de condamnations. Une source nous confiait d'ailleurs lundi qu'à la suite de la commission Gomery la police avait été forcée de refaire son enquête à zéro dans plusieurs dossiers. À ces questions, monsieur Duchesneau n'a jamais véritablement répondu.
Il n'est pas tellement ressorti non plus jusqu'où pourrait aller cette commission. Et ce n'est pas tellement la faute de l'ancien chef de police de la Ville de Montréal, puisque curieusement, en plus de quatre heures de comparution, personne n'a vraiment posé la question. Ne faut-il s'attarder qu'à quelques cas types, ou plutôt en chercher plusieurs dans chacun des axes suivants: le financement des partis politiques, les ententes entre entrepreneurs et firmes d'ingénierie, les ententes entre entrepreneurs eux-mêmes, les achats de fonctionnaires, les situations oligopolistiques, les fausses factures, la présence de la mafia, etc. En d'autres mots, suggère-t-il une commission d'enquête qui durera 1 an, cinq ans ou dix ans? Et combien de temps devrait en outre à lui seul durer le fameux huis clos?
Ce qui s'en vient et ce qu'on comprend
Une commission parlementaire s'en vient. Le gouvernement n'aura guère le choix. Monsieur Duchesneau a trop solidement témoigné en sa faveur. Il n'est toujours pas clair comment on la tiendra, et cette question du huis clos (total ou à la discrétion des commissaires?), sera probablement le prochain bras de fer entre le gouvernement et l'opposition.
Étant donné la tenue probable d'une commission et son impact sur les enquêtes criminelles, il nous faudra probablement collectivement aussi accepter que la punition à infliger aux malapris ne le sera pas en vertu du code criminel, mais de la loi sur la faillite.